Un peu de transparence dans le jus de pamplemousse...

Tout en rendant compte des articles récemment parus concernant les interactions entre le jus de pamplemousse et divers médicaments, la rédaction de e-santé s'est adressée par e-mail à l'Agence française de sécurité sanitaire (ex-Agence du médicament) afin de comprendre pour quelle raison l'interaction entre le jus de pamplemousse et les anti-hypertenseurs de la famille des inhibiteurs calciques (nifédipine, félodipine, etc.) n'était pas indiquée dans les textes officiels.
Pour l'Agence de sécurité sanitaire, les risques du jus de pamplemousse sont purement théoriques
L'Agence de sécurité sanitaire nous a répondu par téléphone, en la personne de Madame Saint Salvi, parlant au nom de la commission des interactions médicamenteuses. Selon ses explications, si les textes officiels français ne mentionnent pas les effets du jus de pamplemousse sur les médicaments, c'est pour deux raisons: 1) cette interaction n'existerait que si le jus de pamplemousse est pris juste en même temps que le médicament 2) et surtout, elle n'aurait pas de conséquence réelle sur la santé des patients, puisqu'aucun cas de malaise ni de trouble n'aurait été décrit.
Une position discutable
Ces explications ne nous paraissent pas convainquantes. 1) Il peut très bien arriver que des patients prennent leurs médicaments avec un verre de jus de fruit. 2) Dans certains essais sur des adultes jeunes, non malades " les effets indésirables vasculaires ont été rapportés plus souvent lorsque la prise du médicament par la bouche a été précédée de la prise de jus de fruit " (Lundahl 1997). Que peut-il en être chez des personnes âgées ou malades? De plus, selon le texte officiel de l'autorisation de mise sur le marché des médicaments anti-hypertenseurs avec lesquels le jus de pamplemousse interagit (notamment la félodipine), il est recommandé de limiter la posologie à 5 mg (au lieu de 10 mg le plus souvent) chez les personnes âgées et chez certains malades du foie (qui éliminent moins bien le médicament). Diminuer la concentration de moitié serait donc utile, tandis que la doubler ou la tripler serait négligeable? En fait, les autorités sanitaires britanniques et américaines, et nombre de pharmacologues, ont des positions bien différentes de l'Agence française. Par exemple, le Committee on Safety of Medicines britannique estime que " la plupart des inhibiteurs calciques ne devraient pas être pris avec du jus de pamplemousse ". Et le texte officiel américain concernant la félodipine a été modifié avant 1998 pour mentionner cette interaction.
Les patients ont le droit de savoir
A l'heure actuelle, les textes officiel français concernant les inhibiteurs calciques ne mentionnent pas si la prise de certains aliments modifie les quantités de médicament présentes dans le corps, sauf celui concernant la félodipine, selon lequel: " La prise de nourriture n'influence pas les paramètres pharmacocinétiques ou hémodynamiques de la félodipine ". Même si l'interaction du jus de pamplemousse est considérée comme sans gravité, il nous semble inconvenant de donner aux prescripteurs (et aux malades) une information délibérément trompeuse. D'autre part, les différents textes officiels (fascicule " Interactions médicamenteuses " du dictionnaire Vidal 1999 et Résumé des caractéristiques du produit) se contredisent en ce qui concerne l'interaction entre le saquinavir (Invirase°, Fortovase°) et le jus de pamplemousse. De telles incohérences sont difficiles à comprendre. A quand un peu plus de transparence et de véracité dans l'information donnée aux prescripteurs et aux patients?