Tranquillisants : pourquoi en prescrit-on autant ?

La France est le premier pays au monde prescripteur et consommateur de tranquillisants (benzodiazépines). Pourquoi les médecins français prescrivent huit fois plus de tranquillisants que les Américains et cinq fois plus de tranquillisants que les Anglais ? Les résultats d'une enquête apportent des réponses à cette question.

Deux femmes comédiennes, de 30 et 60 ans, ont été formées à formuler cette demande de prescription. La première est censée souffrir d'une insomnie d'endormissement, de palpitations, d'angoisses, de petits malaises, de crises de tremblements et d'une boule dans la gorge. Elle va bien mais souhaite renouveler son ordonnance, qu'elle a malheureusement égarée. La seconde vient de prendre sa retraite et de déménager avec son mari. Mais elle s'ennuie, ce qui provoque chez elle une anxiété importante.Ces deux volontaires ont été envoyées consulter 60 médecins généralistes de secteur I. Sur les 902 médecins contactés, 165 ont accepté de participer à cette étude, c'est-à-dire de recevoir la visite impromptue d'une enquêteuse qu'ils ne pourront pas identifier.

Précisons que cette enquête a été initiée par le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et spécialiste du sommeil. Elle n'a pas pour objectif de « piéger » les médecins, mais d'observer l'attitude des généralistes face à une demande injustifiée de psychotropes. Le protocole a été validé par le Conseil de l'Ordre des médecins et le Conseil consultatif national d'éthique.

Les médecins ne savent pas dire non

Aucun des généralistes consultés n'a refusé de prescrire ou de renouveler un tranquillisant. Ils sont accueillants, même chaleureux, et consacrent beaucoup de temps à leurs patientes. Mais ils ont beaucoup de mal à refuser la demande. Dans le cadre de l'évaluation des pratiques professionnelles et de leurs améliorations, il semblerait qu'il soit utile de mettre en place des formations sur les stratégies à développer face à une demande indue de prescription de benzodiazépines. En effet, selon le Dr Patrick Lemoine, la trop grande prescription résulte d'un déficit de formation. Si la France dispose d'une des meilleures formations cliniques au monde, en revanche, elle consacre très peu de temps à la gestion des refus.

Certes, il serait intéressant de connaître également l'attitude des médecins spécialistes, mais sur le plan quantitatif, les ordonnances de benzodiazépines proviennent essentiellement des généralistes et, dans une moindre mesure, des psychiatres…

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Source : Le Quotidien du médecin, 21 juin 2005.