Témoignages : ces femmes qui ne veulent pas d’enfants

Avant les années 60, la question du désir d’enfant ne se posait pas vraiment. Qu’elles le veulent ou non, le destin des femmes était d’enfanter. Pas de doute, les mœurs ont considérablement évolué. Résultat : faire un enfant relève aujourd’hui d’une démarche consciente, programmée. À tel point que de plus en plus de femmes préfèrent ne jamais sauter le pas. Non seulement la maternité les angoisse, mais en plus elle implique une perte de contrôle de l’image de soi à laquelle de nombreuses femmes se refusent désormais.
Par ailleurs, de plus en plus de femmes ont la chance de s’épanouir dans un métier. L’expérience de la procréation les angoisse.
D’où vient l’envie de faire des enfants ?
"Vouloir un enfant c'est vouloir être mère, c'est créer une famille, c'est créer de la filiation, la trace d'un amour, la concrétisation d'un idéal de vie. Chaque femme pourra raconter son cheminement vers la maternité, et chaque histoire sera unique. Pour certaines, réussir à devenir mère sera l'aboutissement d'un long combat, pour d'autre le grand saut vers l'aventure, mais en filigrane il y a le désir de transmettre !", interprète Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne.
En effet, vouloir un enfant peut répondre à la soif d’immortalité qui nous ronge. On se dit que nous allons mourir, alors qu’ils portent l’avenir en eux.
Mais ce sentiment ne fait pas l’unanimité, et encore moins à l’heure actuelle. Dorénavant, de nombreuses femmes (et des hommes !) nourrissent une véritable angoisse face à la maternité.
"Pour certaines, devenir mère vient réveiller des angoisses massives"
"Devenir mère, c’est bousculer son équilibre. S’il est précaire ou si à l’inverse il est extrêmement rigide, l’arrivée d’un enfant peut être pensé comme une prise de risque pouvant le mettre à mal", explique Johanna Rozenblum.
En outre, selon elle, "les médias relayent beaucoup ses femmes de pouvoir qui trouvent épanouissement et stabilité dans une vie professionnelle et sociale riche. L’idée de renoncer à cette vie pour consacrer du temps à un enfant avec tout ce que cela implique ne fait plus forcément rêver".
Pour d’autres femmes, devenir mère vient réveiller des angoisses massives, surtout lorsqu’elles ont vécu dans des familles dysfonctionnelles. "Parents absents, maltraitants, peur d’échouer ou de reproduire un schéma familial toxique viennent impacter le désir de devenir mère", note la psychologue.
Enfin, "devenir mère c’est accepter de voire voler en éclat ses croyances, c’est échouer et apprendre en même temps que son enfant. Il pousse à se questionner sans cesse, à évoluer en même temps que lui, à revoir ses priorités".
En clair, avoir un enfant est une source immense de bonheur mais ce n’est jamais anodin psychiquement. Devenir maman ou pas, est un sujet qui peut être abordé lors d'une séance avec un psychologue afin de comprendre son histoire, assumer son choix quel qu’il soit et ne pas le regretter.
Quatre femmes de 28 à 60 ans que nous avons rencontré ont fait le choix de jamais devenir maman. Aujourd'hui, elles n'ont aucun regret. Elles nous parlent à cœur ouvert de leur non-désir d’enfant. Découvrez leurs témoignages pages suivantes.
*Pour des raisons d'anonymat, les prénoms ont été modifiés.
"Les gens ont ce besoin viscéral de savoir pourquoi je n’ai pas d’enfant"

"J’ai toujours privilégié ma carrière et mon évolution personnelle. Mon métier m’amène à voyager énormément, je ne me voyais donc pas accueillir d’enfant dans ces conditions. Je vois mes amis s’être chargés de cette lourde responsabilité et cela me conforte dans ce désir de ne pas en avoir. J’ai aujourd’hui passé la barre des 40 ans et il n’est plus question pour moi d’envisager de faire un enfant".
"Les gens n’ont de toute évidence pas envie d’entendre, ni de comprendre qu’on puisse ne pas vouloir d’enfant"
"Lorsqu’à la question, ‘avez-vous des enfants ?’, je réponds non, les gens ont ce besoin viscéral de savoir pourquoi. Comme si c’était anormal de ne pas en avoir…pire de ne pas en vouloir… Et lorsque de manière tout fait sincère, je donne les raisons de mon choix, on me répond qu’il est encore temps ! Les gens n’ont de toute évidence pas envie d’entendre, ni de comprendre qu’on puisse ne pas vouloir d’enfant. Je leur dis alors que cela ne m’arrivera pas, parce que je me suis construite une vie que je veux vivre pour moi. Cette vie n’a pas de place pour un enfant".
"Alors je passe presque pour une criminelle ! Pourquoi est-il légitime de demander à ceux qui n’ont pas d’enfant pourquoi ils n’en ont pas ? Il ne me viendrait pas à l’esprit de demander aux gens pourquoi ils en ont. Je suis très heureuse de la vie que je mène, car je pense posséder ce qu’il y a de plus précieux au monde : la liberté de faire ce que je veux et d’aller ou bon me semble. J’ai la chance d’être accompagnée par un partenaire qui partage ma vision des choses. Je ne pourrais être plus épanouie et heureuse que je le suis aujourd’hui".
Christine, 42 ans, responsable import dans le secteur des cosmétiques, en couple depuis 5 ans
"Ce que je vois, ce sont des parents fatigués, stressés, au bout du rouleau"

"J’aime profondément mes neveux et les enfants de mon entourage. Malgré tout, je n’ai jamais voulu avoir d’enfant, car ils sont, pour moi, synonymes de grandes contraintes. J’ai des responsabilités dans ma vie de couple et au travail, mais je les ai choisies. Elles restent ponctuelles et je pourrais y mettre fin si elles ne me conviennent plus. Un enfant est une responsabilité à la seconde où il naît 7 jours sur 7, et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Avoir un enfant, c’est mener son quotidien, ses plaisirs, ses vacances…bref sa vie en fonction des besoins de ce dernier".
"Je ne pense pas que l’amour d’un enfant puisse, à ce point, compenser tous ses déboires émotionnels"
"Mes amis et ma famille ont beau clamer que les enfants sont une bénédiction, ce que je vois, ce sont des parents fatigués, stressés, au bout du rouleau, déprimés, voire au bord de la rupture. Je ne pense pas que l’amour d’un enfant puisse, à ce point, compenser tous ses déboires émotionnels. Enfin, je ne veux pas faire passer mon mari au second plan et vice versa. Je ne souhaite pas que l’homme qu’il est et la femme que je suis, deviennent des parents et oublient ce que nous représentions l’un pour l’autre avant l’arrivée d’un enfant".
"Je sens alors l’envie d’une vie semblable qui submerge mes proches"
"Il m’arrive d’évoquer mes vacances en amoureux au bout du monde, planifiées sur un coup de tête et ponctuée d’activités sensationnelles, mon quotidien incertain durant lequel chaque journée et chaque soirée réservent leur lot de surprises, sans parler des plaisirs que nous pouvons nous offrir… Je sens alors l’envie d’une vie semblable qui submerge mes proches. Quant aux remarques ou jugements des autres, je les oublie vite. Surtout, quand je prends conscience de tout ce que j’ai réalisé ces 30 dernières années. Encore en bonne santé, je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin ! Je remercie mon mari d’avoir accepté mon choix et d’avoir su partager ma vision du bonheur".
Camille, 59 ans, employée dans l’aviation, mariée depuis 36 ans
"A la question ‘quel est votre pire cauchemar’, j’avais répondu la maternité"

"Je n’ai jamais eu l’envie d’avoir des enfants. Le simple fait de me poser la question en dit long : il faut expliquer pourquoi ne pas en vouloir, or l’inverse n’arrive jamais. Déjà étudiante, sous ma photo de trombinoscope, à la question ‘quel est votre pire cauchemar’, j’avais répondu ‘la maternité’. Et cela n’a jamais changé. Cette envie, sois disant instinctive, de reproduction n’est pas survenue chez moi".
"Je trouve ‘la course à la meilleure éducation’ qui sévit dans notre société ultra flippante !"
"J’ai déjà été mariée avec un homme qui souhaitait fonder une famille. De mon côté, le désir d’enfant n’était toujours pas là. Je me suis beaucoup questionné sur cette absence d’envie. Une analyse rationnelle m’a éclairée. C’est tout le mode de vie qu’implique la maternité qui ne me convient pas. Je ne me vois pas enfanter dans le monde qui se profile. Par ailleurs, je trouve ‘la course à la meilleure éducation’ qui sévit dans notre société ultra flippante ! Et je ne pense pas qu’un enfant me préservera de la solitude quand je serais plus vieille. Les enfants des autres ont tendance à m’ennuyer en général, je ne prendrais pas le risque qu’il en soit de même avec le mien".
"Aujourd’hui, je n’ai aucun regret"
"Pour ce qui est de mon entourage, je pense que les proches les plus aimants cultivent une inquiétude légitime de l’ordre du ‘ne vas-tu pas le regretter ?’. Aussi, mon choix remet en question l’évidence de la maternité. Il peut amener certains à comprendre qu’ils n’ont jamais envisagé la possibilité d’une vie sans enfants. Cette pensée peut leur être inconfortable. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret. Ma vie me plaît, et je ne me dis jamais que j’envie la vie de mes amies qui sont maman, ni au présent, ni au futur, bien au contraire".
Emilie, 41 ans, consultante, en relations libres
"On ne demande pas souvent aux femmes qui ont eu des enfants si elles ne le regrettent pas"

"La première raison pour laquelle je ne veux pas avoir d'enfants c'est que je n'en ressens pas le besoin. Cette question me fait toujours un peu grincer des dents dans le sens où on demande très rarement aux femmes qui en ont des enfants, 'pourquoi, en avez vous fait?'.
La seconde raison est liée au fait que je ne pense pas faire une fleur à cet enfant à naître, vu l'état actuel du monde.
"J'ai toujours été vue comme la rebelle de la famille"
Je n'ai jamais voulu d'enfants, en effet. J'ai eu d'autres aspirations, et je n'ai jamais été dans une situation économiquement stable pour y penser de toute façon.
Si je dois changer d'avis un jour, ça ne sera pas pour avoir des enfants biologiques. L'adoption est selon moi la façon la plus censée d'avoir un enfant. Pourquoi mettre au monde un être humain alors que d'autres existent déjà, et ont besoin d'une mère... ?
Mes proches sont partagés sur la question. Même si j'ai toujours été vue comme la rebelle de la famille, mon entourage s'est fait à l'idée. La plupart du temps, les gens ne me souhaitent pas d'avoir des enfants pour mon "plaisir", "bonheur", "bien être" à moi, mais plutôt pour le leur : je pense à ces parents qui ne savent plus quoi faire de leur vie et attendent des petits enfants qui leur apporteraient de nouveau une stimulation dans leur vie.
"Il y a bien une chose qui me fait un peu peur..."
Je suis plus effrayée de regretter d'avoir fait des enfants alors que je n'en voulais pas que de ne pas en avoir. On ne demande pas plus souvent aux femmes qui ont eu des enfants si elles ne le regrettent pas des fois, parce qu'il a été décidé que cela n'est pas ethniquement correct (et peu importe, car la plupart ne répondraient probablement pas honnêtement).
Cependant, il y a bien une chose qui me fait un peu peur : finir par avoir, un jour, moins de choses à partager avec les amis qui eux, auront eu des enfants.
Anais, 28 ans, chercheuse en biologie
Sources
Merci à Emilie, Camille et Christine pour leurs témoignages
Merci à Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne