Suicide des jeunes : la prévention avant tout

50 000 adolescents tentent de se suicider chaque année. Un geste qui résonne moins comme le désir de mourir que la volonté d'attirer l'attention sur un mal être qui leur paraît insoluble. L'adolescence est une période sensible qui multiplie les causes d'anxiété et pousse aux comportements à risque.
Crise d'adolescence ou envie suicidaire ?
L'adolescence est une période difficile où le jeune se construit. Des transformations physiques et psychologiques qui ne sont pas toujours évidentes à vivre et qui poussent l'adolescent à des comportements à risque. Plus vulnérable, l'adolescent porte son mal être comme une croix. La frontière entre la "simple" crise d'adolescence et l'envie suicidaire est souvent mince. Les comportements d'agressivité et de repli sur soi, fréquents à l'adolescence, camouflent parfois les signaux servant à alerter d'un risque de suicide. L'idée de suicide séduit les plus jeunes. Solution de l'extrême, désir de mettre un terme à ses souffrances, volonté de défier la mort comme un jeu dont il ne prend pas vraiment conscience des conséquences, l'adolescent aime flirter avec le pire pour se faire peur. Un élément déclencheur comme un traumatisme, une rupture, un conflit, peut être à l'origine d'un passage à l'acte. Les raisons du mal être se concentrent alors et convergent vers la tentative de suicide.
Les raisons du suicide
Il n'y a pas qu'une seule cause responsable du suicide chez les jeunes. "Un ensemble de facteurs de risques s'accumulent pour pousser le jeune à passer à l'acte, explique Sylvie Rodé, responsable du service écoute téléphonique de Cap Ecoute. Un constat d'échec scolaire, une peine de cŒur qui pousse au désespoir, des problèmes relationnels dans la famille, avec ses amis, les raisons se multiplient et poussent l'adolescent à vouloir sortir d'une situation douloureuse par tous les moyens." Car le suicide chez les plus jeunes ne représente pas tant un désir de mourir qu'un moyen de faire cesser une souffrance dont il ne voit pas la fin. Au contraire du suicide chez les adultes qui reflète davantage une volonté de se tuer. "Les tentatives de suicide chez les adolescents ressemblent essentiellement à des appels au secours. Ils tentent d'attirer l'attention sur leurs problèmes comme ils le peuvent quand toute communication est rompue", souligne Sylvie Rodé. Un SOS à prendre au sérieux pour leur venir en aide au plus vite.
Famille : le noeud du problème
L'adolescence est souvent une période de tensions familiales. Le jeune vient se heurter à l'autorité parentale pour forger sa personnalité et fixer ses limites. La communication devient difficile et les conflits plus courants. "Le plus important pendant cette période de transition est de ne pas perdre le contact avec son enfant. Ne pas le voir se renfermer sur lui-même et s'isoler du monde, insiste Sylvie Rodé. La famille doit servir de structure solide qui donne des repères à l'adolescent." Les conflits d'adultes touchent au centuple les jeunes et viennent les fragiliser. Un divorce, un deuil affectent profondément les plus jeunes qui se sentiront abandonnés, la mort apparaissant comme une porte de sortie possible. Quand le suicide commence à devenir une solution envisageable, le danger n'est pas loin.
Des idées noires à combattre
Les changements que vivent les jeunes adultes au moment de l'adolescence sont souvent source d'anxiété et de peurs. Ils ne savent pas toujours exprimer leurs angoisses et restent enfermés dans leur certitude d'être seul face à leurs problèmes. Un isolement qui entretient leurs visions négatives du monde. L'adolescent est en quête d'un équilibre physique et psychologique qui met du temps à émerger. En attendant, il tente de se créer des repères, souvent d'ordre symbolique, dans son univers pour se rassurer. Sa sensibilité à fleur de peau amplifie les ressentis. Une déception amoureuse peut vite tourner au désespoir. Un conflit entre amis se transforme en trahison. Une mésentente familiale le heurte de plein fouet. Des excès qui peuvent le mener à des comportements inintelligibles. Des faits divers ont mis en avant le suicide en série d'adolescentes qui avaient fait un pacte du suicide entre elles. La tentative de suicide n'est pas envisagée comme une fin mais comme une réalisation d'un acte qui flirte avec l'extrême.
Un processus suicidaire par étape
Une tentative de suicide est toujours précédée par une période de maturation plus ou moins longue. À la base de l'édifice, un mal être amplifié par la période de l'adolescence. Le jeune se heurte à des problèmes qu'il croit insurmontable. Plus il cherche une issue à ses difficultés, plus il se replie sur lui-même, se privant des solutions envisageables. Le suicide apparaît alors dans un deuxième temps comme la sortie de secours la plus simple. Une fois que l'idée de suicide germe, elle prend racine et se développe ou non en fonction de l'environnement de l'adolescent. Quand le terrain est favorable, le suicide devient une obsession et s'apparente pour l'adolescent à une libération. Les garcons s'orientent vers un mode de suicide violent (arme à feu, défenestration) quand les jeunes filles préfèreront une méthode plus douce (poison, médicaments, veines tranchées). Le processus suicidaire n'est pas intangible. Il peut être rompu à tout moment pour ramener l'adolescent sur un terrain protégé.
Les signes à saisir au vol
"Une tentative de suicide n'arrive jamais sans que des signaux d'alerte ne vous permettent de tirer la sonnette d'alarme et de venir en aide aux plus jeunes", précise Sylvie Rodet. Les adolescents ont souvent des sautes d'humeur, mais une grande tristesse qui s'étend sur la durée doit vous mettre la puce à l'oreille. Votre enfant n'a plus envie de rien faire et se plaint de ne plus avoir d'énergie. Il s'isole de plus en plus, rompant progressivement la communication, même avec ses amis. Il se néglige, notamment sur le plan vestimentaire et délaisse son travail scolaire. Il peut faire preuve de réactions agressives si vous tentez une intrusion dans son espace privé. Des troubles du sommeil, entretenu par ses idées noires, apparaissent. L'alimentation peut également être un bon indice pour vous mettre sur la voie. L'adolescent oscille entre appétit coupé et des crises de boulimie à répétition. Ses SOS discrets doivent vous guider pour prendre son mal être au sérieux.
Comment leur venir en aide ?
La priorité reste l'écoute. L'adolescent peut vous laisser des messages voilés à déchiffrer où son obsession de la mort est omniprésente. Ne prenez jamais à la légère ses plaintes et son mal être. Il faut au contraire parvenir à la confidence, tenter de garder le contact avec lui pour le mettre en confiance et lui faire sentir qu'il n'est pas tout seul. L'intervention d'une aide médicale extérieure, avec l'accord de l'adolescent, peut être un atout précieux. "Les jeunes filles n'hésitent pas à appeler notre numéro d'écoute pour discuter de leurs angoisses, intervient Sylvie Rodé. La nouveauté depuis ces dernières années est que les garcons, qui sont davantage introvertis, osent parler de leurs peurs et font appel à nous de plus en plus. Le jeune ne va pas aller mieux du jour au lendemain. Il faut du temps pour que les problèmes se résolvent et que le mal être se dissipe."
Attention aux conduites addictives
La tentation des expériences interdites poussent souvent les adolescents à essayer drogue et alcool. Quand la pratique devient récurrente et qu'une dépendance se crée, le danger du suicide devient prépondérant. Les conduites addictives masquent le mal-être de l'adolescent qui croit pouvoir remédier à ses problèmes par une consommation excessive. Drogue et alcool modifient le comportement et entretiennent la source du problème. Ils donnent hélas de plus un moyen de concrétiser l'idée de suicide.
Prévenir les récidives un combat quotidien
Après une tentation de suicide, la priorité est le suivi de l'adolescent. Il doit être entouré par sa famille, ses amis et être pris en charge par un pédopsychiatre qui l'accompagne régulièrement. Le taux de récidives après une tentative de suicide se situe entre 20 % et 50 % dans l'année qui suit la première tentative. Seul un soutien dans le temps peut permettre à l'adolescent d'aller mieux et de comprendre les raisons de son geste. Une mise en mots de son mal être va l'aider à reprendre la communication. L'adolescent est en quête de son identité et la peur d'être différent des autres le plonge dans une angoisse qui l'accompagne au quotidien.
Sources
Côté santé, septembre 2008.