Substituts nicotiniques : finie la langue de bois

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 21/06/2005
Maj le
4 minutes
Autre
Un nombre important d'idées reçues circulent autour des substituts nicotiniques. Elles peuvent représenter un frein à la motivation, à la décision de l'arrêt et à la réussite du sevrage. Afin de bousculer les dernières rumeurs, nous avons posé quelques questions franches et directes au Dr Béatrice Le Maître, auteur du livre « Le tabac en 200 questions ».

e-sante : Les substituts nicotiniques sont-ils déconseillés en cas de maladie cardiovasculaire ou respiratoire ?

Dr Béatrice Le Maître : En cas de maladie cardiovasculaire ou respiratoire, l'arrêt du tabac doit être recherché le plus rapidement possible. La seule contre-indication est la cigarette elle-même, dont l'inhalation de la fumée constitue un risque majeur (shoots nicotiniques avec vasoconstriction artérielle, monoxyde de carbone, cancérogènes, irritants respiratoires…). Les fumeurs souffrant de maladie cardiovasculaire ou respiratoire, sont des fumeurs de longue date qui doivent être aidés à arrêter de fumer le plus rapidement possible avec un traitement efficace. Les substituts nicotiniques sont tout à fait conseillés, tant en cas de maladies respiratoires que de maladies cardiovasculaires, pour lesquelles il n'existe aucune contre-indication. Les substituts nicotiniques sont de même recommandés chez les fumeurs souffrant d'hypertension sévère, chez les fumeurs venant de faire un infarctus, chez les fumeurs venant de faire un accident vasculaire cérébral, chez les fumeurs souffrant d'artérite ou d'anévrysme aortique ou de toute autre affection cardiovasculaire.

e-sante : Après un infarctus, peut-on recourir aux substituts nicotiniques ?

Dr Béatrice Le Maître : Après un infarctus, l'arrêt du tabac est un impératif et une urgence. Les substituts nicotiniques doivent être largement prescrits et conseillés, à doses suffisantes et suffisamment longtemps, avec un suivi prolongé sur quelques mois.

e-sante : L'arrêt brutal représente-t-il la seule solution ?

Dr Béatrice Le Maître : L'arrêt brutal et total de toute consommation de cigarettes, avec ou sans traitement substitutif nicotinique, s'adresse aux fumeurs très motivés, qui ont pris la décision d'arrêter et qui se sentent prêts à passer à l'acte. Pour les fumeurs (70% des fumeurs environ) qui redoutent l'arrêt brutal, pour de multiples raisons, soit personnelles, soit extérieures, mais qui aimeraient bien cependant agir sur leur dépendance et fumer moins, une autre stratégie est proposée. Elle consiste à apprendre à réduire sa consommation de cigarettes, en alternant cigarettes et substituts nicotiniques par voie orale. Les cigarettes choisies sont alors fumées normalement, sans phénomène de compensation (sans tirer plus intensément sur les cigarettes). Assez facilement, c'est-à-dire en utilisant une moyenne de 8 à 12 gommes par jour, ou de 3 à 4 cartouches d'inhaleur par jour, le fumeur réussit à couper par deux sa consommation. Ce faisant, il apprend à gérer autrement certaines habitudes et certaines situations à prise automatique de cigarettes. Ainsi, il en ressent déjà des bénéfices et l'arrêt total apparaît alors comme quelque chose de beaucoup moins insurmontable. L'objectif final doit toujours rester l'arrêt total. Celui-ci peut intervenir en quelques semaines ou mois, à la grande surprise du fumeur qui ne s'en serait pas cru capable quelques semaines ou quelques mois plus tôt.

e-sante : Peut-on fumer une cigarette tout en portant un patch ?

Dr Béatrice Le Maître : Avec le patch, le fumeur bénéficie d'un apport de nicotine, qui diffuse par voie transdermique, de façon lente et régulière. Cet apport de nicotine est destiné à l'aider à diminuer son besoin de fumer et à l'aider à gérer ses envies de fumer. S'il arrive de fumer avec un patch, ce n'est absolument pas grave si le bénéficiaire continue à arrêter de fumer. Une personne sous patch qui fume une cigarette n'est pas en danger. Elle ne doit pas enlever son patch ! Par ailleurs, dans une stratégie de réduction de la consommation, il s'agit bien d'aider le fumeur à apprendre à gérer ses envies de fumer, de façon active.

e-sante : L'arrêt du tabac s'accompagne-t-il d'une prise de poids ?

Dr Béatrice Le Maître : Ce qui est vrai :

  • Fumer modifie le métabolisme : le fumeur brûle naturellement plus de calories à l'effort ; la cigarette a un effet coupe-faim (les shoots de nicotine induisent une élévation passagère de la glycémie) ; le fumeur, même s'il mange souvent plus gras, a moins tendance à stocker les graisses.
  • L'augmentation de l'appétit fait partie des symptômes de sevrage, en particulier chez les fumeurs qui tentent d'arrêter seuls, sans substituts nicotiniques ou sans médicaments (bupropion ou varénicline), ou qui sont sous-dosés en substituts nicotiniques au début de leur sevrage.
  • Ce qui est faux :
  • L'arrêt du tabac signifie donc souvent prise de poids.

e-sante : Comment faire pour ne pas prendre de poids à l'arrêt du tabac ?

Dr Béatrice Le Maître :

  • Revoir son comportement alimentaire : apprendre à faire un vrai petit-déjeuner, ne pas sauter de repas, ne pas hésiter à consommer des sucres lents - en particulier lors du repas de midi-, éviter les desserts sucrés, savoir prendre une légère collation en milieu d'après-midi, avoir des horaires réguliers de repas, éviter tout grignotage, limiter au maximum l'alcool et boire régulièrement de l'eau (un minimum de 3 petites bouteilles de 50 cl).
  • Autant de bonnes habitudes que l'on gardera, fier d'avoir arrêté de fumer sans prendre de poids, même si on a rattrapé le sous-poids que l'on avait en fumant (de 0 à 3 kg).

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