Sidaction : la personne séropositive toujours discriminée

Publié par Hélène Joubert
le 17/03/2016
Maj le
5 minutes
gros plan de l'homme avec ruban rouge sida sur fond blanc
Autre
Le Sidaction prochain est l’occasion de se pencher sur les discriminations dont est encore victime la personne séropositive. Alors que le "droit à l’oubli" destiné à permettre à d'ex-malades d'avoir accès aux assurances et prêts sans surprime va s’appliquer à cinq types de cancers et à l’hépatite C, il n’en est pas encore question pour le Sida! De plus, refusés par un cabinet dentaire sur trois, recalés à l’entrée de Grandes Ecoles ou considérés comme "inaptes au terrain" chez les pompiers, la "sérophobie" sévit encore... Quels sont les recours lorsqu’on vit avec le VIH ?

Sida : des discriminations aberrantes en 2016

L’association AIDES* nous met devant le fait accompli : les personnes séropositives pour le Virus de l’Immunodéficience Humaine ou VIH (6 600 personnes ont encore découvert leur séropositivité en 2014 en France, preuve que l’épidémie reste active) subissent encore des discriminations qui n’ont plus aucune justification médicale à l’heure des trithérapies contre le Sida. Celles-ci sont très efficaces lorsqu’elles sont prises dès le dépistage, au point que l’espérance de vie en bonne santé dans les pays occidentaux des personnes vivant avec le VIH est similaire à celle de la population générale. Le Sida -désormais maladie chronique- n’est plus une sentence de mort en France. Pourtant, des carrières leurs sont encore interdites : à l’Ecole nationale de la magistrature, ou à Saint Cyr, les séropositifs sont toujours persona non grata...

Adeline Toullier, juriste responsable du soutien juridique et social de l’association AIDES : « Absurde, la classification Sigycop (de 2003, actualisée en 2012) concernant l’insertion de personnes porteuses du VIH au sein de l’armée (dont dépend notamment Saint Cyr) considère une personne séropositive sous traitement "moins apte" à exercer une fonction militaire qu’une personne séropositive non traitée ! C’est le monde à l’envers. Elles sont "inaptes au terrain" dans la plupart des corps de l’armée, de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers et de la police nationale. Or aujourd’hui, fort heureusement, 79 % des séropositifs en France sont sous traitement, pour contrôler l’infection mais aussi empêcher la transmission du virus. Concernant la classification Sigycop, si le ministère des Armées tarde à bouger, en revanche l’école Polytechnique l’a totalement supprimé dans les faits en décembre 2015 ».

Les dentistes ont une dent contre le patient séropositif

Un cabinet dentaire sur trois a des pratiques discriminatoires vis-à-vis du patient séropositif. Selon un testing réalisé par AIDES (avril 2015), les refus de soins directs (refus de rendez-vous clairement lié au VIH) concernent ainsi 3,6 % des demandes de consultation, les refus de soins déguisés ("150 euros pour un détartrage" par ex.) pour 30%, et les attitudes jugées "discriminatoires" (noter le statut VIH dans le carnet de rdv, mettre deux paires de gants…) dans 16,8 %. L’Ordre des chirurgiens-dentistes a condamné ces comportements.

Adeline Toullier : « Cette discrimination est tellement fréquente que les personnes ayant le Sida préfèrent annoncer leur séropositivité d’emblée lors de la prise de rendez-vous plutôt que de subir une humiliation une fois dans le cabinet médical. En pratique, elles s’échangent les noms des praticiens qui acceptent des personnes séropositives. AIDES tente de faire évoluer l’article sur les refus de soin prévu dans le projet de loi santé discuté en 2015. Nous voulons un "aménagement de la charge de la preuve" : aujourd’hui une personne séropositive qui se plaint d’un refus de soins doit prouver qu’elle a été discriminée. Or, nous voulons que ce soit au médecin d’apporter la preuve qu’il n’a pas écarté ce patient en raison de son statut sérologique. La Loi de santé 2016 n’a pas intégré cette requête de AIDES. Concrètement, si une personne s’estime victime d’une discrimination, elle peut faire appel à AIDES ou entamer une procédure de conciliation auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, le Défenseur des droits. L’espoir viendra des "Class Actions", ces actions de groupes menées par plusieurs victimes ».

Accès à l’emprunt bancaire : toujours bloqué pour la personne séropositive

84 000, c’est le nombre de personnes séropositives au VIH en France, sous traitement et en charge virale indétectable, qui voient leur droit à la propriété remis en cause. Cette étiquette "Sida" les empêche de souscrire à l’indispensable assurance adossée au prêt bancaire notamment. En 2016, elles restent confrontées à des dispositifs d’accès à l’emprunt spécifiques, complexes, ainsi qu’à des surprimes exorbitantes ou des garanties limitées.

Les conventions Belorgey et Aeras, mises en place successivement en 2001 et en 2006 sont supposées remédier à ces inégalités en proposant une alternative à l’assurance. Mais rares sont les personnes qui en bénéficient, en raison notamment du déficit d’information et des réticences des banques à proposer cette solution.

Adeline Toullier : « Dans le cadre de la loi santé, AIDES a plaidé pour que le droit à l’oubli puisse être adapté aux maladies chroniques « dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets ». Des grilles sont en cours d’élaboration pour le VIH, afin de définir dans quelles conditions les personnes vivant avec le sida seraient aussi éligibles à un droit à l’oubli. Pour améliorer leur accès l’emprunt, AIDES propose aux personnes concernées un accompagnement individuel, en lien avec le CISS – collectif inter associatif sur la santé. AIDES participe également au suivi de la convention Aeras pour y porter la voix des malades ».

Sources

* « VIH / HÉPATITES LA FACE CACHÉE DES DISCRIMINATIONS » rapport (décembre 2015) élaboré par AIDES, première association française de lutte contre le VIH www.aides.org/

D’après un entretien avec Adeline Toullier, juriste responsable du soutien juridique et social de l’association AIDES 

Partager :