Sécheresse vaginale : hydratation et lubrification pour une sexualité épanouie

Sécheresse vaginale, ce que disent les femmes
La sécheresse vaginale est encore un tabou. Une enquête menée par Opinion Way auprès de femmes de 45 à 65 ans et de gynécologues (juin 2016) l’illustre : quatre femmes sur dix qui ont déjà souffert de sécheresse vaginale n’en n’ont pas parlé (tabou, préférence pour les recherches sur Internet, ignorance des traitements disponibles etc.). Celles qui le font s’en ouvrent en grande majorité à leur gynécologue (73%), voire leur médecin généraliste (29%).
Près de trois femmes sur dix ne sont pas attentives à la santé de leur vagin et seules 24% le sont vraiment. Et si près de 60% des femmes ménopausées vues en consultation de gynécologie seraient concernées par la sécheresse vaginale, moins de la moitié d’entre-elles reconnaissent ce problème. Chez les 45-65 ans, elles sont 31% à se sentir concernées.
Toujours selon ce sondage, brûlures et irritations sont les premiers symptômes de la sécheresse vaginale ressentis par les femmes. Pour elles, les principales conséquences sont des douleurs pendant l’acte sexuel, une gêne locale et une baisse de la libido.
Malgré cela, 23% des femmes qui en ont parlé à leur médecin n’ont pas suivi de traitement. 70% en sont pourtant satisfaites. Néanmoins, il est souvent jugé peu pratique ou désagréable à prendre.
La sécheresse vaginale, un défaut d’hydratation vulvo-vaginale
La lubrification vulvo-vaginale et l’hydratation sont deux phénomènes indépendants mais intimement liés chez la femme.
- La lubrification. Sa finalité est de réduire le frottement entre deux éléments en contact et en mouvement l’un par rapport à l’autre. Il s’agit de la production d’un mucus à base d’eau par les muqueuses de la vulve et du vagin, sous l’influence de l’excitation sexuelle.
La vulve est lubrifiée par les sécrétions des glandes vestibulaire (ces glandes dites de Bartholin sont situées au niveau du vestibule, à l’entrée du vagin) et urétérales (glandes dites de Skene, au niveau de l’urètre) mais surtout par le mucus produit par les glandes sébacées (présentes dans le derme) et sudoripares (qui sécrètent la sueur) des grandes et petites lèvres. Au niveau du vagin, la lubrification proviendra de l’afflux de sang (congestion vasculaire) qui augmente la pression sanguine veineuse et provoque une filtration du plasma à travers la paroi vaginale ; l’on parle du phénomène de transsudation.
- L’hydratation vulvo-vaginale. Phénomène totalement différent, l’hydratation vulvo-vaginale est la sécrétion en continu d’un mucus au niveau de la vulve et du vagin. Comme la muqueuse vaginale n’héberge pas de glandes, ce sont les glandes et les muqueuses de la vulve qui sécrètent ce mucus, associé à la flore vaginale. Son pH est légèrement acide (autours de 4,5). Lorsque cette hydratation est insuffisante on parle de sécheresse vaginale
Pas de lubrification en cas de sécheresse vaginale
La lubrification vulvo-vaginale est un phénomène réflexe neurologique sous influence de l’excitation sexuelle alors que l’hydratation vulvo-vaginale est sous le contrôle principal des hormones (estrogènes).
Sans excitation sexuelle il n’y aura pas de lubrification en dépit d’un vagin bien hydraté. A l’inverse, une sécheresse vaginale (un défaut d’hydratation) n’empêche pas de lubrifier, mais ce sera alors a minima.
Dr Marie Veluire, gynécologue sexologue : « En pratique il est impossible de bien lubrifier lors d’un rapport sexuel -y compris si la femme est très excitée- si le vagin n’est pas suffisamment hydraté. La lubrification passe par les cellules vaginales, or pour que celles-ci lubrifient correctement, il faut qu’elles soient hydratées correctement pour permettre la transsudation et la sécrétion de mucus lors de l’excitation sexuelle ».
La sécheresse vaginale n’est pas une fatalité
Quatre phénomènes peuvent perturber l’hydratation du vagin (mais aussi du vestibule et de la vulve !) et induire une sécheresse vaginale :
- Une carence en estrogènes. Après 50 ans ,lors de la ménopause – et a fortiori après la ménopause- elle entraîne progressivement une atrophie de la vulve et du vagin. Ce peut être aussi la conséquence d’une radiothérapie anticancéreuse, d’une chimiothérapie, d’une hormonothérapie (par exemple les anti-aromatases) ou d’une chirurgie (ablation des ovaires) …
De plus, l’atrophie vaginale est corrélée à l’inactivité sexuelle (1). Sous l’influence de l’excitation, la lubrification régulière (par le phénomène de transsudation) oxygène les cellules du vagin, du vestibule et de la vulve qui vieillissement alors un peu moins vite.
Mais nous ne sommes pas toutes égales vis-à-vis de la progression de l’atrophie vaginale (terrain génétique, "surpoids" plutôt favorable etc.). Anatomiquement, l’atrophie vaginale se traduit par une muqueuse plus lisse, une teinte rouge diffuse ou tachetée plus fragile, une diminution de la longueur, de la largeur et de l’élasticité du vagin, ainsi qu’une diminution des muqueuses de l’urètre et de la vessie. Parmi des femmes entre 45 et 75 ans, près de 40% rapportent des signes d’atrophie vaginale avec une sécheresse pour 55% d’entre elles, une dyspareunie (douleur lors des rapports) dans 44% et une irritation (37%), avec un impact sur leur sexualité pour 60% (2).
- Un déséquilibre de la flore vaginale. Les causes ne sont pas formellement établies à ce jour. Le vagin est habité par des lactobacilles (10 millions de germes par millilitre de sécrétion vaginale). Des brûlures au moment de la pénétration vaginale, des phénomènes d’irritation et d’inflammation, un écoulement (leucorrhées) inhabituel doivent y faire penser.
- Un vagin dont le pH devient alcalin ou très acide (dû à des infections, à un déséquilibre de la flore vaginale etc.)
En revanche, les contraceptifs œstroprogestatifs (estrogènes et progestérone) n’ont -selon la littérature scientifique- aucun impact sur l’hydratation et n’induisent pas une sécheresse vaginale. Au contraire, en théorie, l’ajout d’estrogènes est bénéfique à l’hydratation vaginale. Attention à ne pas accabler la pilule alors que c’est en fait un manque d’excitation sexuelle!
Le vagin souffre de mauvaises habitudes
De 15 à 45 ans, bien des comportements peuvent aussi compromettre une hydratation vaginale de qualité. Un excès d’hygiène intime parfaitement contre-indiqué (pas de douches vaginales !), le port de vêtements trop serrés, des interventions chirurgicales (épisiotomie), le post-partum (il faut 2-3 mois pour retrouver une hydratation normale) et toutes les infections bactériennes, parasitaires et mycosiques peuvent contribuer à la sécheresse vaginale.
Dr Veluire : « Avant la ménopause, les conséquences d’un défaut d’hydratation sont un prurit (démangeaisons), des irritations vulvaires, une sensation d’inconfort, le tout induisant une dyspareunie (douleur lors des rapports sexuels), elle-même cause de baisse du désir sexuel par anticipation négative. Lorsque la situation perdure, une hypertonie du périnée peut apparaître (et donc des difficultés à le contracter). Le vagin doit être hydraté, et surtout en post-ménopause, sans oublier le vestibule et la vulve, souvent plus "déshydratés" que le vagin lui-même en cas d’inactivité génitale. Un entretien quasiment à vie ».
Que faire contre la sécheresse vaginale ?
Sècheresse, prurit, saignement post-coïtaux, dyspareunies… ces signes doivent faire penser à un vieillissement vulvo-génital et consulter un gynécologue. Une décision pas si évidente pour les femmes : à la question « Avez-vous consulté pour des rapports douloureux arrivant souvent ou parfois au cours de l’année ? », 87% des femmes répondent par la négative (3). 30% des 25-39 ans souffrent de rapports douloureux (48% des 18-24 ans, 22% des 40-49 ans et 25% au-delà de 50 ans).
Notre vagin, comment être à ses petits-soins :
- Rééquilibrer la flore vaginale avec un traitement par probiotiques (par voie orale ou vaginale) même si l’impact de celui-ci reste empirique. Il se pourrait aussi qu’il faille en parallèle rééquilibrer sa flore intestinale ; un nombre croissant d’études scientifiques encore balbutiantes lient les deux. En revanche, les gélules en intravaginal (sur prescription médicale) contenant de l’estriol et de bacille de Döderlein ou lactobacille ont montré leur utilité dans ce cas.
- Utiliser des lubrifiants ponctuels (au cours ou juste avant le rapport sexuel).
- Employer des lubrifiants longue durée. Il s’agit d’acide hyaluronique qui se délite progressivement sur deux à trois jours. Ils sont à utiliser de façon systématique deux fois par semaine chez les femmes qui sont en carences d’œstrogènes et qui ne peuvent (ou ne veulent pas) recevoir d’apport hormonal.
- Déposer, en intravaginal et vulvaire, tous les deux jours des œstrogènes locaux (estriol, promestriène sur prescription médicale) pour lutter contre l’atrophie vaginale et relancer l’hydratation.
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Un anneau intra-vaginal diffusant un œstrogène (estradiol) sortira à l’automne 2016, sur prescription médicale lui aussi. Il s’insère dans le tiers supérieur du vagin, pour une durée de 90 jours.
Dr Veluire : « Nous, gynécologues, devons prêter l’oreille lorsqu’une femme parle de rapports douloureux. Chez une femme jeune, c’est le plus souvent un problème de lubrification et non d’hydratation (sécheresse vaginale), en rapport avec une insuffisance d’excitation (préliminaires trop courts, apprentissages limités). En revanche, chez la femme en post- ménopause, il s’agit bien d ’ hydratation déficiente et la difficulté est qu’elle n’en parle pas. Pourtant, même sans vie sexuelle, hydrater le vagin et le vestibule est nécessaire vis-à-vis de l’atrophie vaginale, ne serait-ce que pour une meilleure fonction urinaire (pollakiurie, dysurie, irritations, sensation de pesanteur, gêne diffuse etc..). Les estrogènes vont permettre d’hydrater toute la paroi antérieure du vagin, l’urètre et les glandes alentours ».
Sources
(1) Menopause 2011 ; 19 (11) : 1160-71 ; (2) J Sex Med 2013 ; 10 : 1790-99 ; (3) Bajos N et al. Enquête sur la sexualité en France (Inserm, Ined 2018)
D’après un entretien avec le Dr Marie Veluire, gynécologue sexologue (clinique Caron, Athis Mons) suite à son intervention « Hydratation, lubrification et sexualité féminine » aux 8èmes Assises françaises de sexologie et de santé sexuelle (8-12 avril 2015, La Rochelle)