Santé : 5 grandes idées reçues à oublier définitivement

Publié par Hélène Joubert
le 11/05/2016
Maj le
7 minutes
femme avec vertige jeune patient souffrant de vertiges
Fotolia
©Fotolia.com
En santé, certaines croyances sont relayées décennies après décennies, en dépit d’études scientifiques démontrant exactement le contraire. Douleur, migraines ou fracture d’ostéoporose… voici cinq idées reçues récusées par cinq spécialistes, chacun dans son domaine d’expertise.

La migraine, une maladie dont on peut guérir

Faux. Pour beaucoup, soignants ou grand public, la confusion persiste encore aujourd’hui entre "migraines" et "céphalées de tension". Pour ces dernières, le mécanisme d’apparition serait lié au stress ou associé à des problèmes musculo-squelettiques cervicaux, voire être des céphalées secondaires liées à des troubles de la vue (réfraction), à des douleurs d’arthrose etc. Mais alors qu’il est essentiel de rechercher une cause à une céphalée de tension pour l’éliminer, c’est inutile dans le cadre des migraines. Trouver une cause à la migraine dans l’espoir d’une guérison est une démarche totalement erronée. Le Pr Anne Ducros, neurologue, hôpital Gui de Chauliac (CHU Montpellier) explique pourquoi : « le migraineux a un cerveau hyperexcitable et la migraine est une maladie à part entière, une maladie neurologique primaire liée à la combinaison de facteurs génétiques héréditaires multiples (plus de 45 gènes ont déjà été identifiés) avec des facteurs environnementaux, tout cela créant une hyperexcitabilité de différentes zones cérébrales ».

Le suivi de règles d’hygiène de vie (un ajustement personnel des horaires des repas, de sommeil, une activité physique régulière, une hydratation optimale, et un sevrage en antalgiques simples et opiacés) permet de diminuer la fréquence des crises. Et si les migraines disparaissent un jour (généralement avec l’âge), c’est tout simplement parce que le cerveau a cessé d’être hyperexcitable ! Il n’existe pas aujourd’hui de traitement qui guérit les migraines, mais des médicaments qui permettent d’atténuer la sévérité et la fréquence des crises, soit en traitement lors de chaque crise, soit en prévention (traitement de fond) au long cours. Ils permettent d'améliorer les migraines chez 70 à 80% des migraineux.

Les bébés ne ressentent pas la douleur

Faux. Contrairement à une idée reçue, non seulement le nouveau-né et le bébé perçoivent la douleur, mais ils la ressentent même encore plus fortement que le petit enfant et ils s’en souviennent !

En effet, même prématuré, l’enfant naît avec un circuit de la douleur opérationnel. « Le nouveau-né (0-28 jours) et le bébé (29 jours à deux ans) sont équipés pour ressentir la douleur, mais chez eux sa perception est encore plus forte que chez le petit enfant (2-6 ans) et a fortiori l’adulte, assure le Dr Elisabeth Fournier-Charrière, pédiatre au Centre d'étude et de traitement de la douleur de l'adulte et de l'enfant (CHU Bicêtre, Le Kremlin Bicêtre) et co-auteur du Guide « La douleur de l’enfant, l’essentiel » (PEDIADOL). Car avant l’âge de 1 an, les mécanismes qui réduisent le ressenti douloureux ne sont pas matures ».

De plus, dès la naissance, lorsqu’un message douloureux est perçu, il est aussi connecté aux régions du cerveau liées aux émotions, aux pensées, à la réflexion et surtout à la mémorisation. En conséquence, pour le même geste douloureux ou type de douleur, la douleur suivante sera supérieure à celle du premier geste !

L’ostéoporose, une maladie qui n’existe pas

Faux. Certains comparent l’ostéoporose aux "rides des os", laissant entendre par là qu’elle est une conséquence naturelle et inéluctable du vieillissement. Certes, la dégradation de la qualité et de la masse du tissu osseux observée principalement chez les femmes après la ménopause est bien réelle. Mais on ne peut s’arrêter à ce constat car cette fragilité osseuse expose à des fractures dont certaines réduisent considérablement l’espérance et la qualité de vie.

« Il ne s’agit pas de ralentir la perte osseuse, mais de prévenir les fractures dues à l’ostéoporose et surtout les plus graves (vertèbres, hanche, bassin, humérus), explique le Pr Bernard Cortet, responsable de l’unité osseuse du service de rhumatologie au CHU de Lille et président du GRIO (groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses). Les données épidémiologiques sont concordantes : on décède bien plus souvent et rapidement après une fracture de ce genre. D’où la nécessité de dépister les personnes ostéoporotiques et de les traiter si leur risque de fracture est élevé ».

Malheureusement, le dépistage des personnes ostéoporotiques est déficient et en recul depuis dix ans, y compris lorsque la personne vient juste de se fracturer ! On ne vérifie pas l’état de ses os. De plus, lorsqu’on le fait et qu’il s’avère que la personne est à risque de fracture, un traitement n’est prescrit que dans 15% des cas ! Le GRIO milite pour un remboursement de l’examen clé (l’ostéodensitométrie) pour tous, dès 65 ans.

Sous antibiotiques/aspirine/paracétamol, un peu d’alcool ne fait pas de mal

Faux. L’alcool est une molécule chimique (éthanol). Pour cette raison, elle peut interagir avec des médicaments et de façon différente en fonction du type de consommation d’alcool : elle peut être ponctuelle et même concomitante (au restaurant à cause d’un mal à la tête, par exemple) ou de façon chronique (buveur excessif, personne alcoolique).

« Les interactions alcool/médicament seront majorées si l’état physique de la personne est dégradé mais aussi avec l’âge, ajoute le Pr Gisèle Pickering, pharmacologue clinicien au CHU de Clermont-Ferrand, membre de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) et de la Société Française de Pharmacologie et Thérapeutique (SFPT). En vieillissant, les médicaments sont soit moins bien éliminés (d’où une plus grande toxicité), soit trop vite éliminés (d’où une moindre efficacité) ».

  • Paracétamol : le paracétamol, comme la majorité des médicaments et comme l’alcool, est transformé (métabolisé) au niveau du foie. Boire de l’alcool en même temps qu’un médicament constitue une surcharge de travail pour le foie. C’est pourquoi, boire de l’alcool sous paracétamol mais aussi sous ibuprofène ou aspirine (ces deux derniers sont des anti-inflammatoires non-stéroïdiens/AINS) peut faire augmenter les concentrations de ces médicaments dans le sang. A priori, peu de conséquence sur l’effet antidouleur. Ceci dit, si la prise de paracétamol perdure sur le long terme alors que la personne continue à boire du vin ou un alcool fort régulièrement, il peut y avoir des risques de toxicité.
  • Anti-inflammatoires (dits non-stéroïdiens/AINS) : ils réagissent globalement tous de la même manière lorsqu’ils sont pris ponctuellement avec de l’alcool et peuvent entraîner une toxicité. Celle-ci n’est pas toujours visible chez la personne en bonne santé globale, mais si l’on prend un verre d’alcool en même temps qu’un AINS pendant 4-5 jours de suite, la toxicité en particulier gastrique peut être majorée (gastrite/inflammation de la paroi de l’estomac avec des brûlures d’estomac, ulcère). Chez un alcoolique chronique, l’effet de l’AINS peut être amoindri, car le médicament sera plus vite dégradé voire, à long terme, produire des effets délétères au niveau du rein. De même, chez la personne avec une insuffisance rénale ou hépatique, cette association AINS-Alcool est contre-indiquée.
  • Antibiotiques : les conséquences de leur prise avec de l’alcool relèvent plus du domaine de l’efficacité que de la toxicité. Les effets diffèrent selon le type d’antibiotique avec, soit une majoration de l’effet (du fait de l’augmentation de la concentration de l’antibiotique dans le sang) ou au contraire une minoration de l’effet antibiotique. Chez les buveurs d’alcool chroniques, la baisse de l’efficacité de l’antibiotique est due à sa dégradation beaucoup plus rapide dans le sang.

Dormir plus tard le week-end pour récupérer du manque de sommeil de la semaine

VRAI et FAUX. Beaucoup, en pensant faire la grasse-matinée les samedi et dimanche matins, retardent leur heure de coucher. Dommage, car c’est la régularité des horaires de sommeil (heure du coucher et du lever) qui prime ! Croire qu’il est possible de récupérer le sommeil "perdu" pendant la semaine à l’occasion du week-end est un leurre : en se levant encore plus tard, on se place dans une situation de désynchronisation dénommé « Jet Lag social », c’est à dire que l’horloge interne n’est plus en phase avec l’environnement. L’horloge interne peut aussi être désinchronisée par les outils tehcnologiques utilisés avant de se coucher.

Le Pr Yvan Touitou, membre de l’Académie nationale de médecine et Unité de Chronobiologie, Fondation A. de Rothschild (Paris) conseille d’éviter l’exposition à la lumière la nuit, au moins dans les 45 minutes qui précèdent l’endormissement. En effet, l’exposition à la lumière artificielle -même de faible intensité comme celle apportée par les LED des tablettes ou des téléphones portables- la nuit engendre des troubles du sommeil. Elle inhibe la sécrétion de mélatonine qui est l’hormone de l’obscurité, facilitatrice du sommeil.

Partager :