Questions sur l'inceste : un psychiatre expert vous répond

Selon l'enquête publiée par l'Association internationale des victimes de l'inceste (AIVI), 3 % des Francais déclarent avoir été victime d'inceste, soit près de 2 millions de personnes. Un Francais sur quatre connaît au moins une personne qui a été touchée par un inceste dans son entourage. Comment prévenir l'inceste et aider les victimes ? Le Dr Paul Bensussan répond à ces questions.
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Interview du Dr Paul Bensussan.Le Dr Paul Bensussan est psychiatre, expert agréé par la Cour de cassation, diplômé de sexologie clinique. Ses travaux sur l'inceste sont connus de ses pairs comme des magistrats.

Quelle est selon vous l'ampleur du phénomène de l'inceste ? Certains milieux sociaux sont-ils davantage touchés ?

Dr Paul Bensussan : Il est habituel de dire qu'aucun milieu social n'est épargné par l'inceste, conduite de transgression par excellence. Pour autant, les considérations épidémiologiques en vigueur dans les années 60, selon lesquelles les milieux défavorisés étaient plus concernés, ne me paraissent pas totalement dépassées. Certains paramètres, tels que l'alcoolisme, des conditions matérielles précaires favorisant une proximité physique excessive, ou encore l'existence d'un autre type de délinquance, augmentent la propension à l'agression sexuelle sur mineur. En résumé, considérer que l'inceste peut survenir dans n'importe quel type de famille est exact. Mais cela ne revient pas à considérer que l'incidence est identique dans tous les milieux sociaux. Seule la facilité accrue du dévoilement, notamment par le milieu scolaire, a pu renforcer cette perception, selon moi inexacte ou simpliste.

Comment prévenir l'inceste ?

Dr Paul Bensussan : Dans les dernières années, l'accent a principalement été mis sur la répression. La France est connue pour être le pays européen qui prononce les peines les plus lourdes en matière d'abus sexuels sur mineur. On a renforcé l'information des enfants, avec des campagnes dites de prévention, qui sont en fait des campagnes de détection des abus sexuels, notamment intra familiaux, dès l'école primaire.

Il me semblerait néanmoins très intéressant et aussi productif de mettre l'accent sur l'éducation… des parents. Le respect et l'apprentissage de la pudeur et du territoire de l'enfant, y compris dans son plus jeune âge, est indispensable (à partir de quel âge les parents jugent-ils nécessaire de frapper à la porte de leur enfant pour ne pas surprendre dans son intimité ?).

Dans le même esprit de prévention, j'attache la plus grande importance aux carences affectives, qui ont des effets durables et gravissimes. Le père incestueux est souvent carencé et reproduit, dans son type d'éducation, les carences affectives précoces dont il a pu souffrir.

Les éthologues ont montré l'importance, chez le primate, de l'attachement, véritable barrière de protection vis-à-vis des comportements incestueux. S'il est vrai que certains enfants peuvent être pathologiquement attachés à des parents maltraitants, il est non moins vrai que l'attachement constitue chez l'humain la meilleure barrière de protection contre l'inceste (1).

Pour avoir beaucoup travaillé sur les fausses accusations d'inceste, notamment au cours des séparations parentales très conflictuelles, on pourrait opposer presque point par point les pères accusés à tort aux pères incestueux : les premiers se voient reprocher leur comportement de ' papa poule ', alors que les seconds alternent entre des positions d'intrusion, voire d'effraction, et une distance inaffective. Cela dit, il ne faut jamais perdre de vue que l'inceste le plus fréquent n'est pas l'inceste père / fille mais l'inceste beau-père / belle fille, ce qui semble presque démontrer la théorie exposée plus haut : la barrière de l'attachement précoce, n'ayant pas été mise en place, ne peut jouer son rôle de protection.

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