Quand le stress nous travaille

Brigitte, 44 ans, est assistante de direction dans une grande entreprise. Depuis plusieurs mois, ses journées stressantes se composent d’ordres incohérents, de masses de dossiers qui s’accumulent sur lecoin de son bureau, de manque de reconnaissance. À cela s’ajoute ses responsabilités de maman, les enfants à récupérer chez la nounou, préparer le repas et les coucher avant d’avoir vérifié les devoirs. Souvent, Brigitte craque et frôle le Burn Out.
Du stress à «l’incendie intérieur»
Un anglicisme pour un phénomène international de plus en plus répandu dans le monde du travail et que le psychothérapeute et psychiatre Herbert Freudenberger fut le premier à décrire comme un incendie intérieur : «Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe les ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte.»
Malheureusement, depuis quelques années, les histoires comme celle de Brigitte sont nombreuses et les issues parfois tragiques. En Europe, un salarié sur cinq déclare souffrir de troubles de santé liés à ses conditions de travail.
Si la notion de stress est subjective et ne fait pas aujourd’hui l’objet d’études ciblées, plusieurs indicateurs sur les évolutions des conditions de travail sont en revanche utiles pour comprendre ce malaise que de plus en plus de salariés, à tous les échelons, ressentent.
Stress : plusieurs facteurs identifiés
Ainsi, plusieurs facteurs de stress ont été identifiés parmi lesquels : le contenu même du travail (monotonie, ennui...), des activités morcelées et l’impossibilité de mener à bien un dossier, des objectifs inatteignables et des horaires de travail inadaptés à une vie sociale et familiale, la mauvaise santé de l’entreprise ou encore le contexte de travail (bruit, chaleur...).
«Plus les facteurs se cumulent et plus les situations sont durables, plus il y a de risque que le stress s’aggrave et devienne un véritable problème», commente Sandrine Guyot, experte d’assistance-conseil en risques psychosociaux à l’Institut National de Recherche etde Sécurité (INRS).
La notion de temps dans la prise en compte du stress au travail est en effet importante. Ainsi, on peut accepter une semaine stressante, et des «rushes» ponctuels mais, être exposé sur le long terme à des conditions de travail stressantes est en revanche dangereux pour la santé.
Des enquêtes nationales sur les conditions de travail
Ces conditions de travail font l’objet de différentes enquêtes nationales, comme l’enquête Sumer (Surveillance médicale des risques professionnels) lancée en 2009 par la direction générale du travail, auprès d’un large panel de salariés du secteur privé et public, tous métiers et catégories socio-professionnelles confondus.
Les résultats de cette étude prévus pour 2012, permettront de disposer des données les plus récentes sur les situations les plus à risque qui favorisent le stress et que les spécialistes ont nommé «Job Strain» (situations de travail tendues).
Selon cette même étude, déjà menée en 2003, 23 % des salariés estimaient être confrontés au «Job Strain», avec une exposition plus importante chez les femmes que chez les hommes. «Encore maintenant, les femmes exercent souvent des métiers dans lesquels leur possibilité d’action et d’initiative restent limitées, ajoute Sandrine Guyot. S’ajoute à cela l’investissement que demande la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.»
Stress : des solutions proposées par l’entreprise
Difficile pourtant, malgré ces indicateurs, de pouvoir définir scientifiquement le phénomène du stress, tant celui-ci se manifestera avec plus ou moins d’acuité selon les sensibilités de chacun. Mais la subjectivité de ce phénomène ne doit pas pour autant empêcher de s’y pencher, bien au contraire : «Toutes les entreprises ont une obligation de sécurité de résultats envers leurs employés. Elles doivent prendre des mesures pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. Réaliser des études sur les conditions de travail dans les entreprises est un préalable nécessaire, mais qui n’a d’intérêt que si, par la suite, un plan d’action est élaboré, mis en place, et ses effets suivis dans le temps», poursuit Sandrine Guyot.
Certaines entreprises qui ont déjà perçu la nécessité de remédier à ce phénomène ont mis en place des mesures des plus étonnantes au plus utiles. Ainsi, peut-on voir fleurir dans de grands groupes des ostéopathes ou naturopathes ou encore la possibilité d’accéder à une aide psychologique via un numéro vert ; mais aucune de ces solutions n’agit réellement sur les conditions de travail.
Quels sont les symptômes du stress ?
Chacun peut alors commencer par essayer d’évaluer sasituation en fonction de symptômes définis, avec comme pré-requis, le dialogue. «Le pire, dans les situations de stress ou de débordement, est de rester isolé et de ne pas en parler, appuie Sandrine Guyot. Il est très important d’en parlerà son entourage, ses collègues et, si le dialogue est encore possible, à sa hiérarchie.»
Plus les situations de stress se prolongent dans le temps, plus les symptômes s’aggravent et peuvent provoquer des pathologies graves. Les symptômes identifiés pour un stress naissant sont de l’ordre du comportemental : trouble du sommeil, manque d’appétit, problèmes de digestion, palpitations. À mesure que la situation se tend et perdure les symptômes évoluent : crises de larmes, angoisse, excitation extrême ou tristesse extrême, difficulté à se concentrer à mémoriser, incapacité à prendre une décision...
Puis, dans le cadre d’un stress chronique, les symptômes s’aggravent et peuvent faire naître des pathologies lourdes : problèmes cardio-vasculaires, dépression,trouble musculo-squelettique, avec une nécessité de prise en charge médicale.
Des petits gestes anti-stress au quotidien
Néanmoins, sans éliminer le stress, certains petits gestes au quotidien peuvent permettre, d’éviter de l’accentuer. Pour autant, «il faut bien être conscient que cela ne résout pas les problèmes de fond, puisqu’on intervient pas ici directement sur ce qui est à la source des situations stressantes», souligne Sandrine Guyot.
Certaines techniques se révèlent donc assez simples à mettre en œuvre au cours d’une journée de travail, outre les exercices de relaxation et de méditation qui demandent de la préparation, on peut déjà commencer par diminuer sa consommation de café. En cas de stress, le café qui favorise l’accélération du rythme cardiaque, rend plus difficile le retour à un certain équilibre.
Cela peut sembler évident, mais au travail, les pauses s’imposent. Pour discuter, se restaurer, se reposer, se distraire..., s’extraire quelque temps de son travail se révèle bénéfique, on éloigne ainsi la source du stress, ce qui permet de prendre du recul. La pause cigarette est néanmoins, tout comme la pause café, un mal et un bien à la fois. Faire une pause est une bonne idée,pour fumer ou boire du café un peu moins, dans la mesure où le café comme la cigarette favorisent le stress. Une vraie pause déjeuner autour d’un repas équilibré, en tentant de ne pas ressasser les problèmes de la matinée pendant le repas, est aussi bénéfique.
Souffler pour déstresser !
La pratique d’un sport peut aussi avoir des conséquences physiologiques positives et permettre de mieux gérer son stress.
Et quand la situation de stress survient violemment au cours de la journée et qu’il n’est pas possible d’aller courir ou faire une pause, il est nécessaire de se raisonner. «Mes problèmes de stress au travail, qui n’étaient pas arrivés à un stade trop important car j’ai pu en parler rapidement avec ma hiérarchie, se sont résolus en partie car j’ai appris à prendre de la distance, raconte Brigitte. J’ai compris qu’il faut savoir accepter certaines choses comme une fatalité, accepter le fait d’être perfectible, et ne pas faire une montagne d’un rendez-vous annulé ou d’un document arrivé en retard. J’ai aussi appris, grâce à l’appui d’un psychologue du travail, à me fixer des objectifs sur la journée afin de ressentir, en fin de journée, que j’ai avancé, et que je ne me suis pas laissée submerger par d’autres informations.»
En cas de stress, il est aussi utile d’apprendre à souffler. Respirer lentement, profondément, par leventre et en prolongeant l’expiration peut permettre d’éviter de laisser monterle stress.
Du CHSCT, au médecin généraliste, en passant par les services de l’INRS,ces interlocuteurs peuvent dispenser des informations et des conseils précieux.
La phobie du lundi !
Vous vous souvenez peut-être de ces dimanches soirs, après le repas, quand vous aviez à peine 10 ans... le moment tragique où, dans l’incapacité de s’endormir face au stress du lendemain, vous finissiez par compter le nombre de rayures verticales du papier peint de votre chambre. Et bien ce phénomène du retour à «l’école» n’épargne pas les adultes.
Ainsi, selon une enquête du site d’offre d’emploi en ligne Monster, 52 % des salariés français éprouvent des difficultés pour s’endormir le dimanche soir. Et le phénomène est international puisque, tout pays confondus, 61 % des répondants affirment connaître ce stress du dimanche soir. Parmi les plus sereins : les Espagnols, les Danois et les Norvégiens, les plus stressés en revanche : les Américains, les Britanniques et les Hongrois, qui totalisent respectivement 72,6 %, 72 % et 71 % de salariés ayant du mal à trouver le sommeil le dimanche soir.
Si la phobie du lundi peut être une simple anxiété,elle peut aussi révéler un malaise plus profond au sein de l’entreprise. Dans ce cas, mieux vaut en parler au médecin traitant, qui, en fonction de l’intensité et des causes identifiées peut orienter vers un spécialiste.
Quand le bon stress devient mauvais…
Le stress est à l’origine une réaction positive qui permet de faire face à un obstacle, un challenge par l’amélioration des capacités comme la concentration. Mais lorsqu’elles perdurent dans le temps, les situations stressantes ne laissent pas le temps à l’organisme de décompresser. Elles peuvent alors provoquer l’effet inverse : la diminution de la capacité de réaction, l’anxiété.
Ensuite, il existe un seuil de tolérance au stress qui peut être extrêmement variable d’un individu à l’autre.
Sources
Côté Santé