Quand le jeu devient une drogue...

Norbert a 36 ans. Il est chauffeur de bus. Sur la route qu'il emprunte pour se rendre à son travail, un café. Ce lieu est pour lui devenu un enfer. Il ne peut s'empêcher depuis plus de dix ans de s'y arrêter chaque jour. Le prétexte ? Jouer une fois, une seule fois, au jeu de course en direct puis repartir. Le problème, c'est que lorsqu'il a commencé, il ne peut plus s'arrêter de jouer. Chaque fois qu'il perd, il s'offre une nouvelle mise avec le ferme espoir de gagner et de se « refaire » pour récupérer l'argent perdu. Lorsqu'il gagne, il mise tout à nouveau avec la conviction que la chance est avec lui. Résultat : il lui arrive de ne pas se rendre au travail et il est au bord du licenciement. Ses dettes se comptent en milliers d'euros et ses amis, auxquels il doit de l'argent, ne lui adressent plus la parole. Enfin, sa femme menace de divorcer s'il ne se fait pas soigner. Lui-même, ne supporte plus l'état d'anxiété qui l'assaille, lorsqu'en sortant du café, abandonnant l'euphorie dans lequel il était, il prend conscience de ce qui vient de se passer et du gouffre dans lequel il est enfermé.
Le jeu pathologique : une véritable maladie
Norbert est malade. Sa maladie ? Le jeu pathologique, une forme de dépendance que les psychiatres connaissent bien et ont répertorié depuis plus de 20 ans (1980) dans le manuel américain (DSM), qui recense et classe l'ensemble des maladies psychiatriques. Le jeu pathologique correspond, selon cette classification, à une définition très précise, en sept points, dans lesquels les joueurs invétérés n'ont pas de mal à s'y retrouver. La présence de 4 critères permet au médecin d'affirmer le diagnostic. Mais pour un joueur, le simple fait de répondre positivement à l'une des affirmations, devrait déjà constituer un signal d'alerte. Les critères, en résumé, évoquent en tout point ce qui arrive à Nobert :
- le sujet est souvent préoccupé par le jeu ;
- le jeu est fréquent et les mises importantes ;
- le joueur doit parier de plus en plus pour atteindre l'état d'excitation souhaité ;
- lorsqu'il perd, il tente de se refaire ;
- ses efforts pour se restreindre à jouer sont inefficaces ;
- le jeu se fait au détriment des activités familiales, sociales ou professionnelles ;
- le joueur invétéré continue à miser alors même qu'il n'est plus en mesure de faire face à ces dettes.
2 à 3% des adultes sont des joueurs invétérés
Nobert n'est pas le seul à souffrir de cette dépendance. En France, on estime qu'environ 2 à 3% des adultes sont atteints de cette même maladie. Dans la majorité des cas, ce sont des hommes. Les femmes, dans un même registre de comportement de dépendance et de compulsion, ont une préférence pour les achats…
Le jeu pathologique : une spirale infernale
Pour chacun de ces adultes, la trajectoire allant du premier contact avec le jeu jusqu'à un état de dépendance, responsable souvent d'une dépression et d'une angoisse majeure, comporte des points communs.Dans un premier temps, il arrive souvent que le joueur gagne (« phase de gain »), ce qui fait naître en lui la conviction qu'il peut être plus fort que le hasard et qu'il pourra répéter cette délicieuse expérience. Commence alors « une phase de perte », durant laquelle le joueur tente de se « refaire », sans succès. Vient ensuite « la phase de désespoir », il poursuit son jeu, avec le ferme espoir que c'est là que se trouve la solution à toutes les difficultés générées par le jeu lui-même. Et la boucle est bouclée, la spirale infernale est installée !Entre le début du jeu et la phase de désespoir, il n'est pas rare que 10 à 15 années se soient écoulées…
Le jeu pathologique est une toxicomanie sans drogue
Le comble du joueur pathologique est qu'il se comporte comme un véritable drogué, alors même qu'il ne consomme aucun produit toxique, alcool, drogue ou médicaments. Pourtant, tout se passe comme si le jeu avait exactement le même impact sur son organisme et son comportement. Un joueur, tel un drogué, souffre d'une dépendance avec sa double composante physique et psychologique. En effet, il doit « consommer » régulièrement son produit (le jeu), il doit en augmenter la fréquence ou les enjeux pour atteindre les mêmes effets et il souffre de manque en cas d'arrêt de jeu. Et toujours comme pour un drogué, il est souvent difficile pour le joueur de prendre conscience de sa dépendance, alors même que son entourage ne cesse de lui dire. C'est lorsqu'il sera conscient de la gravité de la situation, qu'il sera en mesure d'entreprendre une démarche de soin.