Prise de poids : quand la nourriture comble un vide...

Publié par Dr Dominique Boute
le 24/12/2007
Maj le
5 minutes
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Istock
Cette nouvelle histoire de poids est une parfaite illustration de ce qu'une pédiatre psychanalyste américaine, Hilde Brunch, appela dans les années 1950, la « confusion des affects ». Hilde Bruch partait de l'idée que la reconnaissance de nos besoins corporels, et en particulier de notre besoin de manger, n'est pas innée mais acquise au cours d'un apprentissage depuis notre plus tendre enfance et dès les premiers mois de la vie. Si cet apprentissage est défectueux, l'enfant peut être incapable de distinguer la sensation de faim d'autres états émotionnels, ce qui peut conduire à des prises alimentaires inconsidérées

Prise de poids : l'histoire de Mme R

Mme R Monique, âgée de 41 ans, vient me consulter pour perdre du poids. Elle n'a pas d'antécédent familial de surpoids ou d'obésité. Ce point est important pour la suite.Parmi ses antécédents, on retrouve surtout un épisode dépressif vers l'âge de 20 ans.Son histoire « pondérale » débute vers cet âge où elle traverse une période professionnelle difficile et se met à grossir pour passer de 53 kg à 62 kg pour 1,52 m. Considérant l'indice de masse corporelle (IMC), elle passe d'un poids normal (IMC à 23 kg/m²) à un surpoids modéré (IMC à 26,8 kg/m²). C'est à cette époque qu'elle commencera à faire des régimes avec un véritable syndrome du « yo-yo » puisqu'à chaque régime, elle reprend plus de poids pour atteindre au bout de 16 ans un poids maximal de 98 kg soit une prise de 45 kg en 16 ans. Depuis quelques mois, elle fait plus attention à son alimentation et a perdu une dizaine de kilos. Elle vient me consulter car son poids stagne.Elle me signale avoir tendance à craquer en cas d'angoisses. A la première consultation, son poids est de 89 kg soit un IMC à 38 kg/m². L'examen clinique ne montre pas de retentissement de cet excès de poids sur la santé. En revanche, il existe un important trouble de l'estime de soi avec sentiment de dévalorisation.

Comment Mme R en arrive à faire du "grand yoyo"

Je lui propose de travailler la diététique à partir de menus calibrés comme je le fais avec le site www.monregimeperso.fr. Mon objectif est de lui permettre de se situer par rapport à une alimentation calibrée en énergie et apprécier ainsi son degré de restriction actuel. En effet, elle a déjà mis en place des corrections diététiques qui lui ont permis de perdre 10 kg. Je lui propose également de travailler un peu différemment afin d'éviter le « toujours plus de la même chose qui ne marche pas » et que l'on reproduit inlassablement. « Je fais régime : je perds du poids; J'arrête le régime : je reprends plus de poids; Qu'est ce que je fais alors : un régime encore plus strict qui me fait perdre un peu moins de poids, pour en reprendre encore plus ensuite. ». Le syndrome du « yo-yo » dans toute sa splendeur.

L'hypnose pour analyser ses sensations face à l'assiette

Ce travail est orienté sur le problème de « craquer en cas de stress » et la problématique de l'estime de soi.Je lui propose d'utiliser l'hypnose ericksonienne dans cet objectif. Je la revois au bout d'un mois pour une première séance : elle contrôle bien la diététique et a perdu 3 kilos. Je lui apprends une technique d'hypnose basée sur la respiration. La séance est orientée sur le confort dans le corps. Cette base lui servira pour s'entraîner à faire de l'autohypnose. Au bout d'un mois, elle n'a perdu qu'un kilo. Nous poursuivons le travail en hypnose. J'oriente la séance sur les sensations au moment du repas. Après entrée en hypnose, je lui demande de retrouver un de ses derniers repas et d'observer les sensations présentes dans son corps, juste avant de manger et de me les décrire : pas de sensation particulière. Je lui demande si elle ressent la faim : la réponse est non. Je lui demande alors d'imaginer que son assiette se vide devant elle sans qu'elle puisse y toucher tout en restant attentive à ses sensations. Une sensation de mal-être apparaît. J'explore ce mal-être en lui demandant de retrouver d'autres situations où elle a ressenti quelque chose de semblable. Une première image apparaît : celle d'une dispute récente avec son mari. Je lui demande de continuer l'exploration : elle se voit après quelques instants à l'âge de 6 ans lors du départ de son grand frère de 12 ans plus âgé. La réaction émotionnelle est alors importante. Nous travaillons ce point au cours de la séance.Elle m'expliquera ensuite que son grand frère était la personne avec qui elle s'entendait le mieux. Sa mère était plutôt autoritaire et « obsédée du poids ». Elle s'est toujours sentie rejetée, se considérant comme l'accident de la famille. Avec son frère, ils étaient les deux « petits gros de la famille ».

Quelles leçons tirer de cette observation ?

La première leçon concerne le côté dévastateur du yo-yo. Cette multitude de régimes frustrants qui conduisent à l'obésité ! C'est ce que l'on appelle les obésités « conséquences des régimes ». Mme R Monique commence à faire un régime en surpoids modéré pour terminer en obésité assez sévère. Le problème reste à la base le trouble de l'estime de soi qui amène à faire parfois des « régimes stricts » sans avoir de réels problèmes de poids. Chez Mme R, on comprend mieux avec le travail fait en hypnose la problématique de ces épisodes de frustrations, de restrictions qui la ramène à d'autres vides au combien plus douloureux.

La confusion des affects

Nous sommes en plein dans ce qu'Hilde Bruch appelait « confusion des affects ». Le corps ne fait pas la différence entre une sensation de faim, qui n'est pas analysée comme telle, et la tristesse d'un vide lié au départ d'un être cher. La sensation ramène à cet état émotionnel qui ne pourra pas être calmé par l'aliment. D'où le risque d'utiliser l'aliment de façon inappropriée et tous les « débordements caloriques » que cela peut constituer.Souvent, en matière de perte de poids, un travail de fond est nécessaire. Ce travail ne va pas conduire à une perte de poids « miracle » mais permettre de positionner l'aliment à sa vraie place : « aliment plaisir », « aliment social », « aliment partage » et éviter d'utiliser l'aliment à une mauvaise destinée : combler un vide sans fin, sans faim. Le Dr Dominique Boute est médecin nutritionniste, responsable du site www.monregimeperso.fr et pratique l'hypnose au Centre Hypnose et Psychosomatique à Paris (8 Avenue Victor Hugo 75016 Paris). Pour toute information, vous pouvez le retrouver sur son blog : www.corps-et-sante.typepad.fr

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