Prise de poids : le long chemin des traumatismes

Publié par Dr Dominique Boute
le 17/12/2007
Maj le
5 minutes
young women show fatigue from hard work and fearing that her work will not be completed to send customers the concept does not work too hard, vintage effect
Istock
Voici une nouvelle histoire qui relate le cercle vicieux des traumatismes psychologiques. La construction de notre personnalité dépend en grande partie d'apprentissages qui se constituent depuis notre plus tendre enfance. Les traumatismes psychologiques précoces perturbent ce « bagage » et nous rendent parfois plus vulnérables face aux évènements de la vie.

Dépression et problèmes thyroïdiens précèdent ici la prise de poids

Mme Muriel Z, 33 ans, me consulte, envoyée par son médecin pour un problème de thyroïde. Elle a deux enfants : un garçon de 10 ans et une fille de 2 ans.Parmi ses antécédents, elle me signale un problème de dépression à l'âge de 20 ans avec suivi en psychothérapie pendant 2 ans. Son problème thyroïdien commence fin 2003 lorsqu'elle ressent une fatigue, des sueurs et accuse une prise de poids de 4 kg (elle passe de 56 à 60 kg pour 1,67m). Elle ressent alors une gêne cervicale sans véritable douleur, avec mal-être, pleurs, impression selon elle de « devenir folle ». A l'époque, le bilan thyroïdien détecte une hyperthyroïdie discrète c'est-à-dire une élévation des hormones thyroïdiennes. A l'échographie, on voit une légère inflammation de la glande thyroïde. Son médecin lui prescrit une corticothérapie et elle prend 20 kg en 3 mois. Sa deuxième grossesse se passe difficilement car elle ne se sent pas bien « nerveusement ». Après l'accouchement en 2005, elle continue de se sentir mal, ce que l'on attribue à son problème de thyroïde : nouveau traitement par cortisone sans effets.

Une histoire personnelle difficile

Je la vois pour la première fois en novembre 2006. Je suis d'emblée intrigué par la discordance entre son problème thyroïdien assez minime et les signes qu'elle présente. Mme Z est littéralement épuisée. Elle présente des signes de dépression, elle ne se supporte plus… Son bilan thyroïdien est normal. Je la questionne alors un peu plus sur son histoire :Elle est fille unique. A l'âge de 6 ans, Mme Z est enlevée à la sortie de l'école et emmenée de force dans une voiture par un pervers sexuel qui la force à le regarder et à le toucher. Elle réussit à se sauver et à rentrer chez elle. L'agresseur n'est jamais retrouvé. Elle me signale également ses difficultés familiales : un père violent avec sa mère, des interdictions de sortie, des privations… Elle ne fait pas les études qu'elle aurait alors souhaitées. Elle est enceinte à l'âge de 23 ans mais quitte son conjoint à 3 mois de grossesse en raison "de l'emprise qu'il exerce sur elle". Elle élèvera seule son enfant pendant 6 ans. Elle rencontre ensuite son mari et se trouve enceinte en 2004. Elle ne comprend pas pourquoi elle se sent aussi mal alors que sa vie est plus stable. En dehors de son épuisement, elle présente également une perturbation de la libido : une véritable « répulsion physique » à l'égard de son partenaire. Elle me signale avoir depuis plusieurs années des lésions de grattage importantes au niveau des fesses car elle s'arrache la peau. Elle n'osait pas en parler jusque-là car elle avait honte.

Pistes d'actions autour de l'hypnose

Je lui propose de travailler tous ces problèmes en se centrant sur son corps. C'est le principe du travail en hypnose : tenter de comprendre "ce que le corps a besoin de nous dire".Les premières séances ont pour but d'apprendre à se concentrer sur les sensations corporelles et à mettre en place "un endroit de sécurité". Cela permet ensuite de s'apaiser lors de séances plus chargées au plan émotionnel.A chaque séance, nous partons de ses sensations corporelles. De très nombreuses souffrances sont alors travaillées. Ce travail se fait par ce que l'on appelle « une régression en âge » c'est-à-dire que l'on revit « émotionnellement » la situation qui pose problème. La première a été le décès de son père 7 ans auparavant d'un cancer du poumon. Cette évocation permet un travail d'expression et de pacification. Les autres séances mettent en évidence une carence affective et un manque d'attention de la part de sa mère et des problèmes relationnels avec elle.Vient ensuite le travail en hypnose sur l'agression qu'elle a vécue à l'âge de 6 ans. Ce travail permet de se recentrer sur ses incroyables ressources de petite fille qui a réussi malgré la peur à sauver sa peau. A nouveau : travail sur les ressources et pacification. Au fur et à mesure de ces séances, Mme Z commence à se sentir beaucoup mieux. Les grattages ont disparu. Persistent encore les troubles de la libido. Le travail sur ce point fait ressurgir son premier ami qu'elle a quitté à 3 mois de grossesse. En fait, il y avait de la violence et de l'emprise dans le couple et en séance est apparu le sentiment d'un véritable «viol conjugal». Ce point est extrêmement douloureux et chargé de honte et de culpabilité pour Mme Z. Le travail en hypnose permet d'exprimer la colère et de percevoir précisément la notion d'agression et de viol. Après cette séance, Mme Z peut en discuter avec son mari. La libido revient.

Le travail sur la diététique peut maintenant commencer

Au plan pondéral, elle n'a pas maigri mais a minci en perdant 2 tailles. Nous allons maintenant travailler la diététique…J'ai voulu relater cette histoire pour rendre hommage au courage des patients et à toutes les ressources qu'ils peuvent développer en matière d'affrontement et de résilience face à des traumatismes… Le problème est que pendant la phase de construction de sa personnalité, l'enfant ou l'adolescent n'a pas forcément acquis tous les outils émotionnels lui permettant de lutter contre des traumatismes en cascade.Ainsi apparaissent des troubles de l'estime et de la confiance en soi, une certaine passivité par peur de ne pas être aimé… Cela peut conduire comme ici à se retrouver entre les mains de personnes dangereuses, ce qui aggrave encore les traumatismes… Un autre point difficile à comprendre : les troubles apparaissent parfois alors que tout devrait aller bien… Le problème est que le corps garde en mémoire les traumatismes qui n'ont pas été réellement pris en charge… L'intérêt de l'hypnose dans ces situations est de pouvoir éclairer d'un nouveau regard la situation traumatisante. Les réactions que cela déclenche au plan cérébral ont des vertus apaisantes. Le cerveau a cette faculté de corriger les « bugs ». C'est ce que l'on appelle la plasticité cérébrale.Ce travail a été nécessaire pour pouvoir mettre en place un environnement propice à un élément capital : avoir envie de retrouver le plaisir de son corps. Le Dr Dominique Boute est médecin nutritionniste, responsable du site www.monregimeperso.fr et pratique l'hypnose au Centre Hypnose et Psychosomatique à Paris (8 Avenue Victor Hugo 75016 Paris). Pour toute information, vous pouvez le retrouver sur son blog : www.corps-et-sante.typepad.fr

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