Pourquoi est-ce si difficile de bien nourrir son enfant ?

Pourquoi est-ce si difficile de faire manger son enfant de manière équilibrée ?
Les mères d'aujourd'hui sont en situation paradoxale : elles ressentent à la fois le besoin de nourrir leur enfant et la peur que leur enfant grossisse. Car maintenant, le souci des médecin est le suivant : « Est-ce que votre enfant n'est pas trop gros ? » Il existe une sorte de terreur de l'obésité, à la fois de la part des médecins et des mères.
Mais si les mères ont peur que leur enfant grossisse, pourquoi y a-t-il tant d'obésité infantile ?
C'est que si elles ont peur que leur enfant soit trop gros, elles ressentent aussi l'autre terreur, plus archaïque, celle que leur enfant ne mange pas ! Autrefois, on voulait seulement que les enfants mangent. Un enfant qui n'avait pas une bonne mère ou une bonne nourrice mourrait. Et cette mortalité infantile élevée, elle n'est pas si ancienne. Elle a concerné ma grand-mère par exemple. Ainsi, les famines, les disettes d'autrefois sont toujours présentes quelque part en nous. Et cette peur de ne pas pouvoir donner suffisamment à ses enfants a été réactivée par la dernière guerre pendant laquelle les citadins n'avaient pas à manger, et par la peur de la turberculose, car un enfant mal nourri résistait moins à cette maladie autrefois mortelle.
Mais quand même on le voit quand un enfant est trop maigre ou trop gros !
Oui, mais le beau bébé a toujours été dans les esprits, un bébé joufflu, de type « Bébé Cadum ». Alors on aime les bébés dodus, mais en même temps, on a très peur que ce bébé joufflu devienne un adulte obèse. Et puis, il y a un facteur étonnant, c'est que les parents sous évaluent l'obésité de leur enfant. Ils le voient plus mince qu'il n'est en réalité.
Est-ce que l'environnement dans notre société (campagnes pour le " bien manger ", etc.) peut nous aider à trouver le juste milieu entre ces deux peurs, celle de donner trop et celle de donner trop peu à manger ?
Pas tellement ! Nous sommes malheureusement dans une société de pléthore qui en même temps, cherche la minceur, signe de jeunesse. À l'opposé, nous gardons des représentations archaïques de disette, et la peur de manquer. C'est ce qui rend l'exercice de mère nourricière si délicat.
Alors pourquoi, même quand un enfant est visiblement trop gros, sa mère a-t-elle du mal à équilibrer son alimentation ?
C'est qu'une mère a besoin de remplir son enfant, et pas seulement sur le plan nutritionnel. Elle agit comme si elle pensait « ce qui est bon en moi, je te le donne. Je te donne du bon, du contenu psychique, de l'amour, des câlins, de la patience, mes pensées et de la bonne nourriture. » Or, le plus difficile c'est que sur le plan alimentaire, donner trop n'est pas bon. Il faut donner juste et aux bons moments. Autrement dit il faut accepter que l'enfant ait parfois faim, et ne pas calmer tous ses pleurs par du sucré ! Car la peur du manque, la peur que son enfant souffre, l'idée qu'on veut qu'il "ne manque de rien", voilà des idées qui font grossir les enfants. On les gave par peur du manque !
Une bonne mère n'est donc pas celle qui donne beaucoup, mais celle qui donne juste ce qu'il faut. Et c'est bien plus difficile à trouver comme équilibre que pour une mère d'autrefois qui pensait : « Plus je donne et plus je suis une bonne mère ».
Et les mères sous-estiment le surpoids de leur enfant. Est-ce si gênant ?
Pas tant que cela. Une mère ne voit pas son enfant tel qu'un regard médical le voit. Le regard affectif n'est pas le regard objectif. Le regard maternel idéalise, estompe ce qui déplait. C'est un bon regard pour l'enfant. Il a besoin de ce regard pour se construire. Une mère ne peut avoir le regard d'un médecin. Car si un enfant se sentait observé médicalement, scientifiquement par ses parents, ce serait horrible pour lui. Au lieu d'un sujet d'amour, il serait un objet scientifique.
Alors si une mère ne voit pas le surpoids de son enfant, comment peut-elle l'éviter ?
Une mère en bonne santé psychique voit peut-être son enfant plus beau qu'il n'est, ce qui est bon pour lui, mais elle accepte d'autres regards sur son enfant et les confronte aux siens. Si le médecin scolaire signale que son enfant est trop gros, elle va s'interroger, se laisser bousculer par l'extérieur. Et elle prendra des mesures en conséquence. Au contraire, une mère en mauvaise santé psychique, une mère qui vit en autarcie avec son enfant, une mère coupée de l'extérieur sera totalement fermée aux remarques extérieures. Et c'est une mère dangereuse pour son enfant.
Finalement que peut-on dire aux mères pour qu'elles soient les meilleures mères possibles ?
Continuez à donner tout ce que vous pouvez donner à votre enfant comme affection. Mais écoutez ce que votre entourage vous dit, vous signale. Laissez-vous imprégner par ces remarques et interrogez-vous sur leur bien-fondé. Ne restez pas enfermée sur vos idées. Confrontez-les aux autres, puis agissez en conséquence en suivant ce qui vous semble la meilleure voie.