Piercings et tatouages, au-delà de la mode

Pas seulement un phénomène de mode
Piercing et tatouage sont à la mode. Il semble même qu'il n'y ait plus une seule zone du corps qui ne puisse être marquée du sceau d'un aigle noir ou d'un anneau de piercing. Les adolescents ne sont pas les seuls à fréquenter les boutiques spécialisées qui ont de plus en plus pignon sur rue. Des plus jeunes ou des personnes parfois plus âgées font aussi cette démarche, mais le sens de cette dernière est alors moins univoque. Pour les adolescents, qui souvent se rendent à plusieurs pour se faire « percer » ou tatouer, s'agit-il d'une simple mode consistant à porter tatouages, brillants et anneaux comme autant de bijoux ?
Piercing et tatouages à l'adolescence : une affirmation identitaire
Parfois, le geste est longuement réfléchi et une date est prise, souvent celle d'un anniversaire, pour le réaliser. Dans d'autres cas, c'est sur un coup de tête, que le jeune décide de faire un piercing ou un tatouage. Il s'expose alors au risque de le regretter quelques heures ou semaines plus tard. Et si un anneau de piercing se retire facilement, cela n'est pas le cas d'un tatouage. Mais quelle peut être la signification de ce geste ? Marie, 21 ans, a récemment fait un piercing au nombril. Au-delà d'un souhait esthétique, elle ne savait pas expliquer son choix avant que l'acte ne soit réalisé. Mais juste après que l'anneau ait été posé, elle a eu l'impression qu'elle venait enfin de réussir à couper le cordon ombilical. Pour elle, ce geste symbolique lui permettait d'achever la séparation nécessaire d'avec sa mère. Il est fort probable en effet que pour nombre d'adolescents, piercing et tatouage leurs permettent de revendiquer leur besoin de quitter le monde de l'enfance, tout en affirmant leur différence par rapport à celui des adultes. Autrement dit, ces marquages du corps, loin d'être des mutilations, sont plutôt une façon d'affirmer leur identité et leur spécificité d'adulte en devenir. Par ailleurs, c'est aussi une façon pour eux d'afficher leur appartenance au groupe.
Du côté des parents : une image plutôt négative
Les réactions des parents sont multiples. Certains soutiennent volontiers leurs adolescents dans cette démarche, voire les accompagnent pour vérifier que les conditions d'hygiène sont bien respectées. Mais ces derniers sont minoritaires, car en général, les parents se montrent plutôt hostiles à ce genre de pratique. Ainsi, en est-il des parents de Claire qui en est à son sixième piercing ! Un dans le nez, trois dans l'oreille, deux dans le nombril. Au début, elle leur a caché, mais depuis qu'ils le savent, ils demandent chaque jour et sans aucun succès de les retirer. Ce qu'ils ressentent s'apparente surtout à de la honte, tout se passant comme si leur fille affichait une part intime d'elle-même, qui ne devrait pas être vue par les autres. Pour d'autres parents, le piercing, parce qu'il suppose une effraction de la peau (et du cartilage), représente plutôt une forme de mutilation. De façon générale, tatouage et piercing sont encore porteurs d'images plutôt négatives, de marginalité ou de révolte.
Du côté du sociologue : une affirmation identitaire joyeuse
Dans son livre, « Signes d'identité »*, le sociologue David le Breton, professeur à l'Université de Strasbourg tente de comprendre et d'expliquer l'engouement pour le tatouage et le piercing. Selon lui, ces pratiques sont loin d'être des manières délirantes de décorer son corps. Au contraire, il considère que cette manière de marquer son corps peut revêtir « une fonction de construction de soi, une dimension identitaire ». Par ailleurs, il explique aussi que la majorité des marques corporelles ont aussi une fonction de « mise en scène ludique de soi, d'érotisation de son corps ». Au contraire de signes de souffrance et de mutilations, piercing et taouage sont donc pour ce sociologue plutôt le marquage d'une inscription joyeuse dans le monde.
Du côté de la santé : un risque infectieux à prendre au sérieux
Tous ces gestes, aussi minimes soient-ils, exposent à des risques rares mais réels de transmission d'infections des virus de l'hépatite (B ou C) et du sida. C'est la raison pour laquelle les aiguilles, les pinces et tous les autres instruments nécessaires, doivent être conservés dans des sachets hermétiques et être à usage uniques. Les bijoux, en acier chirurgical ou en titanium, doivent également être stérilisés. Le local doit être propre et la « pierceuse » doit porter des gants et désinfecter la peau avant chaque soin. D'autre part, sur le plan médical, il faut être vigilant vis-à-vis des plus jeunes, car avant 15-16 ans, il faut tenir compte de la croissance en cours et ne pas prendre le risque d'une infection, même locale, d'autant plus que le jeune doit être capable de faire les soins d'hygiène nécessaires le temps de la cicatrisation.
Quelle que soit la motivation réelle d'un jeune, il est donc essentiel que les parents puissent prolonger le dialogue avec leurs adolescents afin de les mettre en garde sur les risques sanitaires que le piercing et le tatouage sont susceptibles d'entraîner. Ce sera aussi peut être l'occasion de mieux comprendre l'engouement des uns et les réticences des autres.
* David Le Breton, « Signes d'identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles », éditions Métailié, collection Traversée, 2002.