Pesticides : quels sont les vrais risques pour notre santé ?

L'utilisation quotidienne des pesticides
Les pesticides peuvent être utilisés au quotidien.
- Les agriculteurs, par exemple, les emploient pour lutter contre les mauvaises herbes ou protéger leurs cultures des insectes et des champignons. Les jardiniers y recourent pour entretenir les parcs et les jardins publics.
- Les techniciens en charge de l'assainissement des immeubles en usent -et abusent parfois- pour dératiser ou désinsectiser les habitations.
- Les professionnels de l'industrie agro-alimentaire -quant à eux- peuvent transformer des produits contenant des pesticides (céréales, croissants, brioches...).
- Et, à la maison, beaucoup se servent des pesticides pour désherber les allées, protéger les plantes de leur jardin.
Mais aussi, pour débarrasser leurs animaux domestiques des tiques et puces et éliminer les poux de leurs chères têtes blondes !
Les pesticides ne sont pourtant pas des produits anodins.
Ils peuvent même être dangereux pour notre santé. C'est la conclusion des équipes de l'Inserm* qui ont récemment réalisé un bilan des études internationales des 30 dernières années montrant un lien entre l'utilisation professionnelle de pesticides et la survenue de certaines pathologies.
L'omniprésence des pesticides
Les pesticides sont très nombreux
Environ 1000 substances actives ont déjà été mises sur le marché. Aujourd'hui 309 substances sont autorisées en France.
Parmi les plus connus, on distingue notamment les herbicides, les fongicides et les insecticides.
Certains pesticides ne restent que quelques heures dans l'environnement alors que d'autres, bien que désormais interdits, peuvent persister pendant plusieurs années (par exemple, les organochlorés).
Les pesticides sont présents partout
On peut les trouver dans l'air, l'eau (souterraine, de surface, littoral...), le sol et les denrées alimentaires (dont certaines eaux de consommation).
En milieu professionnel, l'exposition aux pesticides se fait le plus souvent par la peau (dans 80% des cas) mais aussi, par voie respiratoire. Elle peut se faire lors de différentes circonstances : manutention, préparation, application, nettoyage, préparation des bouillies...
Dans la vie courante, l'exposition aux pesticides se fait principalement par voie orale par le biais de l'alimentation.
Un risque accru de cancers chez les agriculteurs
Mais l'analyse de l'Inserm s'est intéressée aux usages professionnels des pesticides *. Elle a notamment mis en exergue l'augmentation du risque de survenue de lymphomes non hodgkinien**, de myélomes multiples*** et du cancer de la prostate chez les agriculteurs, les ouvriers d'usine de production et les populations rurales.
"Notre travail s'est beaucoup basé sur les études américaines et notamment, sur la cohorte Agricultural Health Study. Nous avons été étonnés des résultats concernant le cancer de la prostate. En effet, l'augmentation de risque de survenue de ce cancer chez les agriculteurs utilisant des pesticides est de l'ordre de 7 à 28%, ce qui est très important pour une pathologie fréquente. Cela pose un réel problème de santé publique car les cancers engendrés par l'utilisation de pesticides sont très invalidants pour les personnes dépendantes de travaux manuels tels que les agriculteurs. Le problème est également sociétal, ces cancers -qui pourraient être évités- coûtent cher à la Sécurité sociale", souligne Xavier Coumoul, toxicologue, professeur à l’université Paris Descartes (Inserm UMR-S 747).
Pour ce qui concerne, les autres types de cancers, l'Inserm n'a pas pu tirer de conclusions définitives.
" Plusieurs raisons peuvent être évoquées : une incidence faible (cancer du testicule, tumeurs du cerveau et maladie de Hodgkin) ou l’existence d’un facteur de confusion important (par exemple, l’exposition aux ultraviolets de la population agricole, facteur de risque reconnu pour le mélanome)", précise Xavier Coumoul.
Parkinson et pesticides : des liens étroits
Par ailleurs, les personnes exposées professionnellement aux pesticides ont un risque bien plus important que la population générale à développer la maladie de Parkinson.
"Un très grand nombre d'études internationales que nous avons analysées démontrent l'excès de risque de survenue de cette pathologie en cas d'exposition professionnelle aux pesticides. Toutefois, la majorité des études portent sur l'exposition aux insecticides et herbicides alors qu'en France, les agriculteurs utilisent davantage les fongicides. L'association entre Parkinson et fongicides n'a pas encore été clairement mis en évidence car le nombre d'études sur ce sujet reste peu important".
Même constat pour les autres maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer : trop peu d'études sont disponibles pour conclure, d'après l'Inserm.
L'action des pesticides en question
Comment les pesticides agissent-il sur notre organisme ?
"Les pesticides peuvent passer la barrière cutanée (de la peau), pénétrer dans le sang et être distribués à nos différents organes. Ils ont également des propriétés mutagènes : ils peuvent avoir pour effet la mutation de l'ADN en l'attaquant et donc, provoquer un cancer. Nous pensons, par ailleurs, que les pesticides augmentent le stress oxydant (dérivés réactifs de l'oxygène qui peuvent endommager l'organisme) et provoquent ainsi la mort cellulaire : c'est ce qui explique le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson", note Xavier Coumoul. Outre l'utilisation professionnelle, la population est exposée de façon permanente et à faible dose aux pesticides.
" Il y a certainement un lien entre la survenue de certaines maladies et l'utilisation personnelle de pesticides (par exemple, par le biais du jardinage ou de la consommation de certains aliments contaminés). Mais il y a encore trop peu d'études sur le sujet pour pouvoir conclure. La question des mélanges de substances et des faibles doses est un des enjeux importants de la recherche sur les dangers des pesticides", conclut Xavier Coumoul.
Pesticides : Le saviez-vous ?
Le terme pesticide provient du latin, Pestis (fléau) et Caedere (tuer) et regroupe de nombreuses substances agissant sur des organismes vivants (insectes, bactéries, vertébrés, vers, champignons...). Il existe, en effet, près de 100 familles chimiques de pesticides : organophosphorés, organochlorés, carbamates, pyréthrinoïdes, triazines… Et près de 10 000 formulations commerciales composées de la matière active et d’adjuvants qui se présentent sous différentes formes (liquides, solides : granulés, poudres...).
Si l’agriculture utilise près de 90 % des pesticides commercialisés chaque année en France, les usages non-agricoles sont responsables de près de 40 % des pollutions des eaux de surfaces par ces produits.
De gros risques pour les femmes enceintes et les enfants
L'analyse de l'Inserm sur les pesticides met en avant l'augmentation significative du risque de fausses-couches et de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux pesticides.
Autres risques :
- Une atteinte de la motricité fine, de l’acuité visuelle, de la mémoire récente lors du développement de l’enfant.
- Le risque de leucémie et de tumeurs cérébrales a aussi été mis en évidence.
- Plusieurs études montrent, par ailleurs, une diminution du poids de naissance et une augmentation du risque de malformations cardiaques et du tube neural chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liée aux usages domestiques.
- Enfin, les pesticides sont reconnus comme étant des perturbateurs endocriniens.
"Le lien entre certains pesticides (qui ne sont plus utilisés) et des atteintes de la fertilité masculine a été établi mais de nombreuses incertitudes subsistent en ce qui concerne les pesticides actuellement employés. Par ailleurs, le lien entre pesticides et infertilité chez la femme mériterait d’être mieux étudié ", indique Xavier Coumoul.
Sources
* Pesticides : Effets sur la santé, Une expertise collective de l’Inserm, juin 2013. La Direction Générale de la Santé (DGS) a sollicité les experts de l'Inserm pour effectuer cette analyse - bilan de la littérature scientifique- permettant de fournir des arguments sur les risques sanitaires associés à l’exposition professionnelle aux pesticides.
** Le lymphome non hodgkinien est un type de cancer du système lymphatique, une composante importante du système immunitaire.
** Le myélome multiple est caractérisé par la multiplication dans la moelle osseuse d’un plasmocyte anormal. Le rôle des plasmocytes étant de produire les anticorps dont l’organisme a besoin pour se défendre contre les infections.
Sources : Inserm et ANSES