Parents âgés : faut-il les prendre chez soi ?

Le quatrième âge des parents n'est-il pas le moment pour rendre aux parents tout ce qu'ils nous ont donné ?
La façon dont vont se vivre les relations parents / enfants dans le grand âge dépend beaucoup de toute l'histoire familiale, y compris depuis l'enfance.
- Dans certains cas, les enfants ont le sentiment d'avoir reçu énormément de leurs parents et se sentent redevables ou ont, tout simplement, envie de donner autant qu'ils ont reçu, par gratitude.
- Mais, dans d'autres familles, les enfants ont pu subir de la maltraitance physique ou de la maltraitance psychologique comme de l'humiliation, des vexations, des punitions, de la négligence : ils peuvent ne pas avoir mis en place d'attachement, ou ont reçu très peu de manifestations d'amour. Et ils ne peuvent pas donner ce qu'ils n'ont pas reçu. Ils n'en sont pas capables.
Il y a une pression sociale très forte dans le sens : "Il faut aimer ses parents, on doit s'occuper d'eux", indépendamment du type de relations que les parents ont établi avec leurs enfants. Cette pression sociale engendre une importante culpabilité, y compris chez les personnes qui ont vécu des choses difficiles avec leurs parents, et qui peuvent alors s'entendre dire : "Ils sont vieux maintenant, le temps a passé, tu peux leur pardonner, et ce sont quand même tes parents… ".
De ce fait, en thérapie, j'entends des enfants adultes commencer leur explication en me disant : " Vous allez penser que je suis un mauvais fils ou une mauvaise fille, mais…"
Est-ce qu'il est encore fréquent que des enfants prennent leur(s) parent(s) chez eux ?
- Souvent, ce sont des femmes seules, veuves, célibataires ou divorcées qui prennent un parent à domicile.
La contrepartie, plus ou moins inconsciente, peut être de moins ressentir la solitude. Le problème, c'est que souvent, elles ne mesurent pas la difficulté que cela peut poser un jour, la charge physique et psychologique que cela va représenter.
- Il y a aussi des enfants qui prennent leur parent chez eux à cause de la culpabilité qu'ils ressentent, en raison aussi de la mauvaise image des maisons de retraite.
- Et puis, il y a des raisons financières.
C'est parfois plus facile financièrement de les prendre chez soi que de payer pour une maison de retraite.
Mais accueillir un parent chez soi lorsqu'on est en couple, en famille, peut conduire à des tensions insupportables et à des conflits avec ses proches ; certaines personnes sacrifient leur propre vie familiale et de couple pour leur parent, ou usent leur santé en allant jusqu'à l'épuisement.
Voici un conseil primordial :Quand on prend un de ses parents chez soi, il faudrait être clair sur le fait que ce n'est pas forcément définitif.
Il faut expliquer : "Pour l'instant, c'est possible pour moi, mais si c'est trop difficile, trop douloureux, trop lourd, peut-être faudra-t-il envisager d'autres solutions… "
C'est essentiel de le dire dès le début, sinon, on peut se sentir pris au piège.
Et ce serait dommage de finir par détester quelqu'un que l'on aime.
Lorsqu'on vit en couple ou en famille, la décision d'accueillir un parent chez soi devrait être mûrement réfléchie et prise d'un commun accord entre tous les protagonistes.
Il doit être difficile de refuser de prendre un parent chez soi s'il le demande...
Ce qui se passe souvent, c'est que l'on cède au chantage de son parent : "Tu ne viens pas me voir assez souvent " ; ou encore : "Tu n'as plus longtemps à profiter de moi".
- Il est important de se fier à ce que l'on sent au fond de soi.
En ne se respectant pas, on entre dans un fonctionnement qui n'apportera rien de bon ni aux parents, ni aux enfants.
- Il est important de savoir prendre ses dispositions.
Si le parent âgé a toutes ses facultés intellectuelles, lui dire non est tout à fait possible. Il est même important de le remettre à sa place quand il dépasse les bornes.
- Il ne faut pas accepter les menaces, le chantage, y compris le chantage au suicide.
Bien sûr, un avis médical est parfois nécessaire pour s'assurer que la personne n'est pas dépressive, mais sinon, une personne âgée est un adulte comme un autre et doit respecter ses proches et leur intimité ; ce n'est pas parce qu'une personne est âgée qu'on ne peut pas dire non et mettre des limites.
Ce n'est pas simple de vieillir jusqu'au grand âge sans devenir difficile
Si on se prépare très tôt dans la vie à l'idée de bien vieillir, on peut déjà suivre des mesures de prévention aujourd'hui connues et éviter ainsi un certain nombre de pathologies susceptibles de conduire à la dépendance. Même pour la maladie d'Alzheimer, il existe des facteurs protecteurs que l'on peut activer.
De façon plus générale, on peut se préparer psychologiquement à la vieillesse.
L'idéal serait :
- de se préparer tout au long de sa vie à renoncer à certaines choses,
- d'apprendre à terminer les deuils,
- de prendre le temps aussi de vivre ces transitions de vie,
- de s'interroger régulièrement sur le sens de sa vie.
Si l'on s'est rempli de bons souvenirs, si l'on a développé sa vie intérieure, on vit beaucoup mieux le grand âge.
On peut plus facilement arriver à ne plus être capable de faire certaines choses si l'on s'y prépare et si l'on trouve des compensations dans d'autres aspects de sa vie. C'est un vaste programme qui nous concerne tous.
Qu'est-ce qui nous empêche de parvenir tous à bien vieillir psychologiquement ?
Dans notre société, il existe des croyances collectives sur la vieillesse, souvent fausses et négatives. Et elles ont une grande incidence sur nos croyances personnelles.
Ces croyances négatives sont par exemple :
- " ce n'est pas bien d'être vieux ",
- " c'est horrible ",
- " c'est la déchéance ",
- " on devient moche et repoussant ",
- " il n'existe aucun bénéfice à la vieillesse ",
- " on n'intéresse plus personne ",
- " on est inutile "...
Les croyances collectives sont transmises et on se les approprie. Et si on le croit… on risque de se conformer à l'image qu'on attend de soi.
D'autre part, actuellement, on peut vivre très longtemps et pour le vivre bien, on a besoin de modèles.
Or, on ne les montre pas. Le tabou de la vieillesse conduit à la cacher, y compris dans ce qu'elle a de beau et d'enviable. Si on nous montrait que la vieillesse peut être une période très riche, très précieuse, cela en changerait notre vision. Il existe des personnes qui vieillissent bien. Et beaucoup pense que ce sont des exceptions. Pourtant, c'est faux, il y en a beaucoup. Autour de vous, beaucoup disent : " Ah oui, je connais untel ou untel " et on réalise qu'on connaît tous des personnes très âgées qui vivent plutôt bien leur avancée en âge.
Alors, je vous conseille de chercher des modèles positifs de personnes âgées autour de vous pour vous préparer en beauté à avancer en âge…
Les livres de Claudine Badey Rodriguez :
Quand le caractère devient difficile avec l'âge, Claudine Badey-Rodriguez, éditions Albin Michel.
"J'ai décidé de bien vieillir", Claudine Badey Rodriguez, éditions Albin Michel.