#stopaccouchementmasqué : "J'avais envie de vomir" témoigne une maman obligée d’accoucher avec le masque

Publié par Sophie Raffin
le 30/09/2020
Maj le
5 minutes
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En cette période d’épidémie de Covid-19, certaines maternités obligent les futures mamans à porter un masque pendant l’accouchement. Le collectif 'Toutes contre les violences gynécologiques et obstétricales' a réuni de nombreux témoignages alarmants sous le hashtag #stopaccouchementmasqué.

Il n’est pas évident d’être une future maman à l’ère du nouveau coronavirus. Outre, les craintes inhérentes à l’arrivée d’un bébé, les femmes enceintes doivent gérer d’autres incertitudes comme la possible transmission du virus au fœtus, la présence ou non du père au moment de l’accouchement. Le hashtag #stopaccouchementmasqué révèle une autre difficulté de taille. Certaines maternités obligent les futures mamans à porter un masque pendant l’accouchement. 

Accouchement avec masque : “J'avais envie de vomir"

Pour éviter les contaminations en salle de travail et protéger leurs équipes, plusieurs maternités françaises demandent aux futures mamans de garder le masque quand elles sont dans leurs locaux, et cela même le jour de l’accouchement, aussi bien pendant le travail que la période de la poussée.

Lauranne a dû respecter cette consigne alors qu’elle mettait au monde son petit Anthon. Elle s’est confiée sur cette épreuve particulière au micro de nos confrères d’Europe 1. La jeune maman explique : “après chaque contraction, à chaque poussée, je n'arrivais pas à reprendre mon souffle, j'avais envie de vomir".

Avoir une respiration bien rythmée et régulière est important pendant le travail. Elle assure un niveau maximal d’oxygène aussi bien au bébé qu’à la maman. Elle aide aussi à soulager les douleurs provoquées par les contractions. 

twitter.com/Europe1/status/1310447624508575744

Le Pr Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège National Gynécologues-Obstétriciens, assure "il n’y a pas de risque médical pour la maman ou le bébé. Le masque ne bloque pas la respiration lors des efforts. Par contre, cela peut représenter une gêne et créer un inconfort important pour la future maman"

La gêne est, en effet, ce que garde en mémoire Lauranne après 39 heures de travail et plus d’une heure de poussée avec un masque sur la bouche et le nez. Elle explique : “le masque était humide, j'avais très chaud, donc ça rajoutait encore plus de difficultés à respirer."

Ces conditions difficiles sont particulièrement angoissantes pour les mamans. Certaines peuvent avec le stress adopter une respiration superficielle rapide et finir par hyperventiler. Ce trouble peut provoquer une baisse du niveau d’oxygène causant des étourdissements ou une sensation de flottement.

Un événement heureux et triste à la fois

Malgré la difficulté de la situation, Lauranne tient à retenir uniquement le plus important de cette journée : la naissance de son bébé. "C'était un heureux événement parce que j'ai rencontré mon fils, mais j'espérais tellement que ça se passe autrement. J’étais triste", explique-t-elle. Elle n’est pas la seule femme à avoir vécu un accouchement compliqué pendant la pandémie de COVID-19. Plusieurs jeunes mamans ont rapporté avoir eu pour consigner de garder le masque pendant l’accouchement et l’avoir mal vécu. Sonia Bisch, fondatrice du collectif de 'Toutes contre les violences gynécologiques et obstétricales' a réuni plusieurs témoignages actuellement publiés sous le hashtag #stopaccouchementmasqué.

Accouche masqué : les témoignages se multiplient

Accouche masqué : les témoignages se multiplient

La réglementation du port du masque est fixée par les maternités et les hôpitaux. Plusieurs femmes ont partagé sur les réseaux sociaux les difficultés rencontrées lors de leur accouchement marqué par les gestes barrières mis en place pour lutter contre la propagation du coronavirus.

“Je me souviens d'avoir eu vraiment envie de vomir après chaque poussée tellement j’avais du mal à respirer (…) Le plus dur, c’est quand on a posé mon fils sur mon torse. Avec le masque, je n’ai pas réussi à le voir. Du tout. Pendant les deux premières heures de sa vie. On me parlait tellement de ce moment soi-disant magique. Pour moi, il n’a été que frustration, épuisement et découragement”, explique une jeune maman de Bordeaux. 

twitter.com/tcvog/status/1307932831880970240

Une autre explique "j’ai accouché avec un masque : 3 malaises à la poussée, impossible de bien respirer, obligée de m’arrêter de pousser en plein effort tellement je voyais des étoiles. La sage-femme a fini par me le faire enlever et c’était beaucoup plus efficace !!!”

Sonia Bisch, fondatrice du collectif 'Toutes contre les violences gynécologiques et obstétricales a expliqué à Europe 1 : "pour l'instant, c'est à chaque maternité, voire à chaque soignant de décider en fonction du service. Ce n'est pas acceptable". Cette incertitude entourant l’accueil des futurs parents est source de nombreuses angoisses. La dirigeante de l’association rapporte avoir reçu des appels de nombreux couples anxieux.

twitter.com/tcvog/status/1309776831546118144

Les professionnels de santé se sont saisis de la question comme nous l’explique le Pr Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège National Gynécologues-Obstétriciens dans la page suivante.

Gynéco : “c'était la seule solution disponible, il y a 6 mois”

Gynéco : “c'était la seule solution disponible, il y a 6 mois”

Le port du masque à la maternité avait été mis en place au plus fort de l’épidémie de COVID-19 lorsque les professionnels de santé savaient peu de chose sur le virus. "Les maternités cherchaient avant tout à protéger les mamans, les bébés, mais également les équipes à une époque les études pouvaient laisser craindre des risques importants de contagion. Cela semblait être la seule solution disponible, il y a 6 mois", rappelle le Pr Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège National Gynécologues-Obstétriciens.

Il reconnaît que les données recueillies aujourd’hui sur les masques ainsi que la maladie ne justifient plus l’application de cette mesure. L’expert qui a participé au groupe de travail dédié aux nouvelles recommandations, explique "Les recommandations seront les suivantes : il n’est pas nécessaire d’imposer le masque aux mamans lors de la poussée. Les données montrent qu’il y a peu de risque de contamination. Il faudra, en revanche, porter un masque au contact du personnel pendant la phase de travail". Les professionnels de la santé au contact des futures mamans et des bébés pourront, de leur côté, porter un masque FFP2 plus protecteur. 

S’il ne voit plus d’éléments légitimant le port du masque pendant l’accouchement, le gynécologue accepte mal de voir des accouchements avec masques survenus en pleine crise du COVID décrits comme des violences obstétricales. "Si j’ai toujours soutenu les associations de patientes, je suis peu enclin à parler de violences obstétricales pour les accouchements réalisés il y a 6 mois, au vu de la situation et du peu de recul que l’on avait à l’époque. Il ne faut pas oublier que le monde médical était en grande souffrance. Nous faisions face à une situation inédite, nous avions peu de connaissance et voulions protéger les patientes et le personnel. N’oublions pas que nous avons perdu des collègues".

Il reconnait : "la peur du virus reste très présente chez certains professionnels de santé. Ce qui peut expliquer leur maladresse. La clé reste le dialogue avec la patiente, et non pas profiter d’une position d’autorité pour imposer le masque".

Sources

"J'avais envie de vomir" : la souffrance de ces femmes obligées d'accoucher masquées, Europe 1, 28 septembre 2020

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