Troubles bipolaires : les différences femmes/hommes

C'est un qualificatif qui revient souvent dans la bouche des non-initiés, en guise de moquerie. Être bipolaire, pourtant, c'est souffrir d'une maladie psychiatrique chronique, et surtout handicapante.
Les principaux symptômes sont ceux qui ont donné son ancien nom à la maladie, trouble maniaco-dépressif. Des phases de dépression sévère alternent avec des phases d'excitation extrême.
Le trouble bipolaire n'est pas rare. Selon les études, il toucherait 650 000 à 1.6 million de Françaises et de Français. Et les hommes et les femmes ne sont pas tout à fait égaux face à cette pathologie.
Deux formes de troubles aux effets différents
Parmi l'ensemble des personnes souffrant de troubles bipolaires, on compte 1.6 fois plus de femmes que d'hommes. Mais il existe deux types de troubles bipolaires.
Le premier se caractérise par des épisodes dépressifs majeurs et des phases maniques de grande ampleur. "C'est le type 1 et il touche autant d'hommes que de femmes", explique le Dr Bruno Etain, psychiatre et responsable du centre expert "trouble bipolaire" à l'hôpital Fernand-Widal (Paris).
Le trouble bipolaire de type 2, lui, se distingue par des phases de dépression sévère tandis que les épisodes de manie sont plus modérés. "Dans cette forme, on trouvera plus de femmes, avec un rapport de deux à trois pour un homme", estime le coordonnateur des Centres ExpertsFondaMental Troubles bipolaires.
Ce déséquilibre peut s'expliquer par un phénomène plus large : les femmes sont plus vulnérables aux symptômes dépressifs, qui dominent dans le trouble bipolaire de type 2. "Cela pourrait être lié au contexte hormonal, ou encore à une sensibilité au stress un peu différente", avance Bruno Etain.
Des symptômes égalitaires
Sur le plan des symptômes, en revanche, le trouble bipolaire se montre strictement équitable. "Il y a assez peu de variations selon le sexe, confirme le Dr Etain. Chez les hommes, on peut observer un peu plus de signes d'agressivité, d'irritabilité ou d'hostilité. Mais on les constate aussi chez les femmes."
Les différences émergent plutôt sur les pathologies associées au trouble bipolaire – qui se manifeste rarement seul. Parmi ces comorbidités, certaines touchent plus la gent masculine. "L'abus de substances toxiques prédomine chez les hommes, alors qu'on observe davantage de troubles anxieux chez les femmes, indique le psychiatre. Mais ce n'est pas une règle absolue."
Un possible sous-diagnostic des hommes
Ce qui concerne le traitement, le sexe ne change pas grand-chose. "Les femmes sont, généralement, plus respectueuses de leur traitement médicamenteux", ajoute Bruno Etain. Ce qui serait moins vrai chez les hommes.
Sans aller jusqu'à parler de sous-diagnostic masculin, on peut considérer que ces messieurs se montrent moins rigoureux dans la prise de leurs médicaments. C'est d'autant plus vrai qu'il souffre souvent de dépendance à des substances toxiques ou psychoactives. "Ce type de comorbidité est associé à un moins bon suivi du traitement", souligne le psychiatre.
Souvent victimes des inégalités, les femmes s'en tirent donc mieux en ce qui concerne le suivi de leur santé. "Elles consultent plus le médecin que les hommes", ajoute Bruno Etain. Ce qui se confirme dans le traitement d'un trouble bipolaire.
Autre faille majeure : "les filières de soins peuvent être légèrement différentes" selon le sexe. Les hommes bipolaires se dirigeront en priorité vers une structure d'addictologie pour traiter leur abus de substances. "Cela peut conduire à se focaliser sur ce trouble, sans forcément envisager l'existence d'un trouble bipolaire."
La grossesse : une période à risque de rechute
Il est, en revanche, un point sur lequel les hommes sont clairement avantagés : celui de la procréation. Car la grossesse est une période qui peut provoquer des rechutes, même chez des patientes stabilisées par les médicaments. "Longtemps, on a considéré que la protection hormonale limitait ce risque, mais on ne pense plus que ce soit le cas", indique Bruno Etain.
La période du post-partum est vivement surveillée. "Il existe un risque dépressif chez toute femme, donc particulièrement pour celles souffrant d'un trouble bipolaire", explique le psychiatre.
Les spécialistes se montrent d'autant plus prudents si, lors d'une précédente grossesse, une rechute s'est produite. Sans constituer une contre-indication, cela peut permettre d'anticiper l'évolution et d'adapter la prise en charge.
"On pourra mettre en place une surveillance rapprochée, comme une hospitalisation en maternité prolongée, des consultations psychiatriques rapprochées, le passage d'une infirmière à domicile pour surveiller l'état de santé de la mère et du nouveau-né", illustre Bruno Etain.
Les traitements sont à changer dans certains cas
Anticiper la grossesse est important pour un autre point : certains traitements du trouble bipolaire ne sont pas compatibles avec la gestation d'un enfant. Ils peuvent provoquer des malformations congénitales.
En raison de ce risque, "certains médicaments ne sont pas utilisés, en tout cas pas en première intention, chez des femmes en âge de procréer", souligne le Dr Etain. C'est le cas des dérives de l'acide valproïque (Depakote®). La liste des médicaments concernés est disponible sur le site du Centre de Référence sur les Agents Tératogènes.
Bruno Etain ne veut toutefois rassurant. "De nombreux régulateurs de l'humeur n'ont pas de risque tératogène identifié, insiste-t-il. On peut donc anticiper un projet de grossesse, et aménager le traitement."
Ce projet fera l'objet d'un échange avec l'équipe médicale, afin de convenir de l'approche qui convient le mieux à la patiente et son compagnon. Ce qui peut inclure, dans certains cas, une levée temporaire du traitement.
Ces précautions peuvent être prolongées pendant la période de l'allaitement, selon les molécules. "Certains produits, notamment sédatifs, peuvent passer dans le lait maternel", explique le psychiatre.
A l'occasion de la journée mondiale des troubles bipolaires, la Fondation Fondamental organise les Rencontres en territoires bipolaires ce 30 mars, à Paris et en province.
Sources
Association de patients bipolaires Argos 2001
Les troubles bipolaires, Fondation Fondamental