Infarctus du myocarde : mieux se soigner quand on est une femme

Publié par Hélène Joubert
le 11/11/2015
Maj le
4 minutes
young asian woman got chest pain on pink background
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Chez la femme- et parce qu’elle est une femme- s’accumulent les retards dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde. Convalescente, on lui propose aussi moins souvent une rééducation cardiaque, à laquelle elle renonce parfois d’elle-même. Le sexisme doit disparaître dans la prise en charge de l’infarctus, mais les femmes doivent de leur côté être plus à l’écoute de leur cœur. 

Infarctus du myocarde : chaque minute compte, aussi chez la femme !

L’infarctus du myocarde est une urgence cardiologique ; intervenir dans les trois heures permet au cœur de récupérer entièrement. Or, tous les délais de prise en charge sont allongés chez la femme, à commencer par les examens diagnostiques : le laps de temps entre la plainte et le diagnostic par électrocardiogramme (ECG) aux Urgences, qui devrait être de moins de dix minutes, n’est tenu que chez 29% d’entre elles contre 38% chez les hommes. Une étude au Canada a montré que les hommes passaient en moyenne l’ECG en 15 minutes et les femmes en 21 minutes (1).

Ensuite, les recommandations préconisent un délai maximal de 30 minutes entre la douleur crée par l’infarctus et le début de la coronarographie, l’examen qui permet de visualiser les vaisseaux irrigant le cœur (les artères coronaires) et repérer l’endroit où le flux sanguin est bloqué. Toujours dans cette même étude, les délais sont de 28 minutes en moyenne pour l’homme et 36 minutes pour la femme.

Le troisième retard accumulé par la femme se situe entre le début de la douleur et la dilatation coronaire (l’angioplastie qui permet de nouveau au cœur d’être oxygéné). Le délai optimisé que les cardiologues cherchent à respecter est de 90 minutes. Dans cette étude, les délais sont de 93 minutes en moyenne pour l’homme et 106 pour la femme.

Dr Aurélie Veugeois, cardiologue interventionnelle (Institut Mutualiste Montsouris) : « A tous les niveaux, les femmes -encore plus que les hommes- sont « hors délais », selon les standards de qualité. Du seul fait du sexe féminin, on tarde près de 10 minutes de plus à vous soigner alors même que le diagnostic d’infarctus du myocarde est posé ! »

Moins de techniques invasives chez la femme en cas d’infarctus du myocarde

Non seulement l’examen diagnostic de référence qu’est la coronarographie est retardé chez la femme, mais dans certains formes d’infarctus (dites « nstemi » pour infarctus du myocarde sans élévation du segment ST) on le pratique moins comparé aux hommes : dans 48% des cas contre 66%. Pourquoi ? D’une part, les patients ne présentant pas de douleur thoracique ont 59 % moins de chance de bénéficier de l’angioplastie primaire. Or les présentations atypiques sont plus fréquentes chez les femmes. D’autre part, à facteurs de risque égaux, la femme sera plus souvent considérée à bas risque que l’homme.

La femme moins traitée en cas d’infarctus du myocarde

En pré-hospitalisation et au moment de la prise en charge pour infarctus du myocarde, la femme reçoit moins de morphine (14% contre 28%), d’aspirine (70% contre 90%) (2) et d’anticoagulants. Cela peut se comprendre pour la morphine, car souvent les douleurs de l’infarctus du myocarde chez la femme sont moins intenses que chez l’homme.

Ne pas négliger la réadaptation cardiaque

En plus d’être frappées plus jeunes et plus durement par la maladie cardiovasculaire que les hommes, des données françaises parues en février 2014 (3) révèlent que les femmes sont moins nombreuses à suivre une réadaptation cardiaque. Non seulement les médecins ont moins tendance à leur proposer mais celles-ci l’acceptent moins souvent. La principale raison est qu’elles doivent gérer une famille et leur travail. Après le séjour hospitalier, il faut en effet y consacrer trois demi-journées par semaine ou 3 semaines d’hospitalisation pour les cas les plus graves.

Infarctus du myocarde : comment faire bouger les choses ?

3 pistes pour accélérer la prise en charge de l’infarctus du myocarde chez la femme :

  • Les femmes doivent savoir reconnaître des signes d’infarctus du myocarde, très souvent atypiques, d’intensité plus faible et qui peuvent être digestifs notamment.
  • Les femmes doivent appeler le SAMU plus rapidement. Elles doivent consulter en cas de douleur et penser à une éventuelle origine cardiaque.
  • Mais la prise de conscience doit venir aussi du corps médical qui doit penser à l’infarctus du myocarde aussi chez la femme, vu son augmentation surtout chez les moins de 50 ans. Les médecins doivent enfin tout faire pour traiter homme et femmes avec équité, en faisant surtout plus attention à la femme jeune.

Sources

(1) Pilote L et al., Canadian Medical Association Journal, 2014 ; (2) Observatoire CASSANDRE « Causes, Analyse de la Sous-évaluation des Syndromes coronaires Aigus et des Disparités en France chez les femmes » (juillet et sept 2011) ; (3) BEH N° 5 | 4 Février 2014

D’après un entretien avec le Dr Aurélie Veugeois, cardiologue interventionnel unité Cardiologie médicale et interventionnelle (Institut Mutualiste Montsouris)

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