Migraine avec aura : quand l’aura précède la crise…

La migraine avec aura : un quart à un tiers des migraineux
La migraine est une maladie qui se caractérise par des crises de céphalées répétées.
Elles sont dues au fait que le cerveau est hyperexcitable chez certaines personnes (15% de la population), sans que l’on sache pourquoi.
Deux types de migraine coexistent :
- Les plus courantes, habituelles chez 70 à 85% des migraineux, comprennent des céphalées accompagnées de nausées, d’éventuels vomissements, d’une gêne au bruit et/ou à la lumière (photo-phonophobie) et durent le temps d’une demi-journée jusqu’à deux-trois jours.
- En revanche, pour un quart à un tiers des migraineux, les crises de migraine sont précédées ou accompagnées d’une aura. L’aura est un dysfonctionnement des neurones. Ce phénomène, quoiqu’anormal, n’a rien de dangereux en soi. Il est transitoire et entièrement réversible. Certains patients ont des migraines avec auras lors de chaque crise, d’autres alternent crise avec et sans aura.
L’aura peut être visuelle, sensitive et aphasique (troubles du langage) :
- Les troubles visuels/ophtalmiques sont prédominants (95% des cas). La vision est scintillante (taches brillantes) et/ou trouble, colorée, déformée, double, avec un scotome (tache aveugle dans le champ visuel) ou une diminution voire la perte de la vue dans une moitié du champ visuel d’un œil ou des deux yeux (hémianopsie).
- Chez 30% des cas de migraines avec aura, il peut aussi s’agir de troubles sensitifs avec des fourmillements, des picotements ou un engourdissement d'une main, d’un pied ou de la face. Ces troubles de la sensibilité tactile (paresthésie) sont indolores.
- Les troubles du langage concernent moins de 20% des migraineux avec aura.
- D’autres troubles sont beaucoup plus rares : troubles moteurs (perte de force main, pied, visage), auras auditives (sifflement, bruit, voix) ou olfactives (odeurs anormales).
Pr Anne Ducros, neurologue, Hôpital Gui de Chauliac, CHU Montpellier : « Le phénomène de l’aura se développe graduellement (sur 5 à 20 minutes) et chaque symptôme n’excède pas les 60 minutes. Les auras précèdent généralement la céphalée mais pas de façon systématique. Parfois, elles surviennent simultanément à la céphalée migraineuse, parfois même légèrement après. Très rarement, dans à peine 5% des cas, il n’y a même pas de céphalée du tout ; ce sont des auras isolées ».
Comment diagnostiquer une migraine avec aura ?
Les critères diagnostiques de l’international Headache Society (IHS) font force de loi.
Pour affirmer le diagnostic de migraine avec aura il faut :
- Au moins 2 crises répondant aux critères B.
- Au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes :
- un ou plusieurs symptômes de l’aura, totalement réversibles,
- les symptômes de l’aura se développent progressivement sur plus de 4 minutes et en cas de deux ou plusieurs symptômes, ils surviennent successivement,
- la durée de chacun des symptômes de l’aura n’excède pas 60 minutes. S’il y a plusieurs symptômes, la durée est augmentée en conséquence,
- la migraine fait suite à l’aura après un intervalle libre de 60 minutes mais peut parfois commencer avant l’aura ou l’accompagner.
- Exclusion d’une maladie cause de céphalées par l’anamnèse (histoire de la maladie), l’examen clinique, et par des examens complémentaires.
Pr Anne Ducros : « Les auras sont des symptômes stéréotypés d’atteinte neurologique, à bien distinguer de la gêne à la lumière que ressentent la plupart des migraineux sans aura au cours de leur crise. Les auras sont caractérisées par des signes qui apparaissent progressivement avec une "marche migraineuse" (une succession de symptômes qui progressent peu à peu), liées à des phénomènes dans le cortex cérébral, qui se propagent doucement et progressivement sur plus de cinq minutes. Ce trouble de l'excitation des neurones débute dans la zone visuelle du cerveau et se propage de l'arrière vers l'avant. Il s'accompagne d'un rétrécissement transitoire et modéré des vaisseaux cérébraux (vasoconstriction). Ces caractéristiques permettent de distinguer les auras d’autres phénomènes neurologiques transitoires comme les accidents ischémiques transitoires (baisse de la perfusion sanguine d'une partie du cerveau) ou les crises d’épilepsie ».
Migraine avec aura : des céphalées plutôt intenses
Les migraineux avec auras n’ont pas de profil neurologique particulier. Il existe une légère prédominance féminine après la puberté.
Avec l’âge, certains migraineux avec aura ont des céphalées de moins en moins intenses qui peuvent finir par disparaître. La céphalée d’une migraine avec aura est gradée modérée à sévère chez 90% des personnes.
"Aura" un jour, "aura" toujours ? Chez deux tiers des personnes sujettes aux migraines avec aura, une céphalée sera systématiquement présente. Cette céphalée sera le plus souvent en tous points identique à celle d’une migraine sans aura, parfois de durée plus courte.
Pour 35% environ, la présence de l’aura sera variable en fonction des crises.
Mais il est un petit nombre de migraineux (5%) qui ressentira des auras sans jamais souffrir d’aucune céphalée !
Toute variation dans les symptômes de l’aura (nature, durée supérieure à 60 minutes, installation brutale, etc.) est à signaler au médecin. Dans de rares cas, l’examen clinique et l’imagerie permettront alors de dépister des auras dites cette fois-ci symptomatiques comme un accident vasculaire cérébral, une méningite lymphocytaire, une thrombose veineuse cérébrale (caillot de sang dans une artère cérébrale) etc.
Pr Anne Ducros : « Les traitements de crise sont destinés à prévenir ou écourter la céphalée migraineuse. Un "avantage" des migraines avec aura est que la personne peut prendre une partie de ses traitements de crise (anti-inflammatoires dits non stéroïdiens ou aspirine) dès le début de l’aura et ainsi en renforcer l’efficacité. Elle attendra ensuite le début de la céphalée elle-même pour prendre un antimigraineux spécifique (triptan). Les triptans pris avant le début de la céphalée sont généralement inefficaces. D’où la séquence recommandée : un anti-inflammatoire dès le début de l’aura, et un triptan dès le début de la céphalée ».
L’aura, un facteur de risque cardiovasculaire
Les migraines avec aura constituent un facteur de risque en soi d’accident vasculaire cérébral ischémique (infarctus cérébral par défaut d’irrigation du cerveau), surtout chez la femme jeune de moins de 45 ans, avec un risque multiplié en cas de tabagisme ou une contraception de type œstroprogestative associée. Celle-ci est d’ailleurs absolument contrindiquée en cas de migraine avec aura.
Les femmes souffrant de migraines avec aura ont également un risque plus élevé de thrombose veineuse profonde (caillot de sang dans les membres inférieurs, exposant à un risque d’embolie pulmonaire) dans le cas de la prise de certaines pilules contraceptives.
Selon une étude de l'Inserm (Unité 7 08)* portant sur 27 860 femmes suivies pendant 15 ans, celles souffrant de migraines "avec aura" seraient trois fois plus susceptibles que les autres de développer une maladie-cardiovasculaire (infarctus du myocarde ou décès consécutifs à un accident cardiovasculaire)…
Ce qui est impressionnant dans cette étude est que l’aura est un facteur de risque juste après la pression artérielle élevée mais surtout devant le diabète, le tabagisme, l'obésité ou même les antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire !
Même si le nombre de femmes migraineuses avec aura qui ont une crise cardiaque ou une attaque cérébrale reste très faible, ce risque peut être réduit en adoptant une hygiène de vie correcte : bannir la cigarette, surveiller sa pression artérielle et son poids, pratiquer une activité physique et privilégier les contraceptifs progestatifs purs et les dispositifs intra-utérins.
Signaler ses auras à son médecin est essentiel.
Sources
*Kurth Tobias et al. 65e Rencontres de l'Académie américaine de neurologie, à San Diego, du 16 au 23 mars 2013
D’après un entretien avec le Pr Anne Ducros, neurologue, Hôpital Gui de Chauliac (CHU Montpellier).