Médiator : petit médicament, grand tueur de diabétiques

Rappelons-nous de l’Acomplia® et l’Isoméride®
Rappelons-nous de l’Acomplia® (Rimonaban) lancé en grande pompe par les laboratoires Sanofi-Aventis pour faire maigrir les obèses en grand surpoids. Il a été retiré très peu de temps après son lancement pour toxicité. Il avait été aussi rapidement lancé en Europe malgré les avertissements de pharmacologues qui s’étonnaient qu’une molécule voisine du tétrahydrocannabinol, principe actif du cannabis, soit autant dénuée d’effets secondaires.
Rappelons-nous de l’Isoméride® (dexfenfluramine) des laboratoires Servier, médicament coupe-faim pris par plus de 7 millions de Français entre 1985 et 1997. Il fut retiré du marché car il provoquait des hypertensions artérielles pulmonaires mortelles chez ses bénéficiaires.
Rappelons-nous qu’il n’existe pas de coupe-faim miracle
Maintenant c’est au tour du Médiator® (benfluorex) de faire l’objet d’une recherche de personnes en danger de complications graves. Le Médiator a en effet été retiré du marché en 2009 pour risque de malformations au niveau des valves cardiaques. Pourtant là encore des experts étaient vigilants, constatant que le benfluorex et la dexfenfluramine des laboratoires Servier étaient des molécules bien voisines et de ce fait, bien suspectes. En l’occurrence la vigilance du Dr Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, a permis d’alerter sur la toxicité du Médiator et d’entraîner la mise en place d’études qui ont abouti au retrait du produit en novembre 2009.
Le marché des coupe-faim et des diabétiques ouvre l’appétit de nombreux industriels du médicament tant il est gros et en pleine expansion. Du coup, le poids du marketing dans les décisions de recherche et de lancement est majeur. Du coup, les quelques chercheurs doutant du produit ne sont pas vraiment écoutés. Personne n’aime les Cassandre, surtout quand le business est gras.
Médiator, un petit médicament aux grandes conséquences
Le pire, c’est que le Médiator était un petit médicament sans grand effet. Les laboratoires Servier ont en effet essayé de le proposer en traitement du diabète de type 2 sans succès : il n’était pas efficace. Mais comme il avait un peu d’effet, il était prescrit massivement aux malades ayant peu de symptômes : un peu d’hyperglycémie, un peu de surpoids, un peu de cholestérol et le Médiator trouvait sa place sur l’ordonnance. Du coup le nombre des victimes est potentiellement considérable. Les premières estimations de l’AFSSAPS (l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) font état de 500 à 1000 décès.
En pratique, si vous avez pris du Médiator, même peu de temps, allez voir rapidement votre médecin pour qu’il puisse s’assurer du bon état de vos valves cardiaques et le cas échéant vous orienter vers un cardiologue.
En pratique et d’une manière générale, méfiez-vous des coupe-faim : ils sont tous dangereux.
En pratique enfin, espérons que cette triste histoire va rendre les autorités chargées de la pharmacovigilance plus « vigilantes ». Saluons la décision de Xavier Bertrand d’alerter tous les patients qui ont pris du Médiator et pas seulement ceux qui en avaient pris plus de 3 mois comme cela lui était recommandé. Une bonne pharmacovigilance n’est possible qu’avec une bonne dose de méfiance.
Source : Egora, 16 novembre 2010.