Maladies émergentes : que faut-il craindre ?

Les maladies infectieuses émergentes
Les maladies infectieuses émergentes peuvent être de plusieurs types.
Ces termes englobent, par exemple :
- les maladies nouvelles stricto sensu (par exemple, le VIH, dans les années 80),
- les affections qui n’ont encore jamais été identifiées dans une zone géographique ou un environnement humain donné (comme l’apparition du Chikungunya en France métropolitaine),
- ou les affections qui émergent à nouveau là où elles avaient disparu ou dans un environnement nouveau (exemple de la fièvre jaune ou de la dengue hémorragique en Amérique du Sud ou de la tuberculose en région parisienne).
Les experts peuvent également parler de maladie émergente pour désigner une affection provoquée par un virus dont le réservoir d’origine est l’animal et qui s’est adapté à l’homme (c’est, par exemple, le cas des fièvres hémorragiques dues aux virus Ebola Lassa et Marburg).
Maladies émergentes : 12 % de décès en France...
Ces affections doivent être considérées avec le plus grand sérieux.
De fait, les maladies infectieuses sont à l’origine de 14 millions de décès chaque année. Plus de 90 % de ces décès sont constatés dans les pays du Sud, où les maladies infectieuses représentent 43 % du total des causes de décès contre 1 % dans les pays industrialisés.
Mais l’incidence des maladies émergentes dans les pays du Nord a aussi augmenté de 10 à 20 % ces 15 dernières années. D’après les derniers chiffres disponibles pour la France et fournis par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSETT), les maladies infectieuses représenteraient 12 % des décès en France.
La mission Keller*, s’est penchée sur la question en faisant une synthèse des travaux prospectifs récents menés en France et à l’étranger. Le rapport sur les maladies émergentes -fruit de cette mission- a pour objectif de donner des indications sur la manière dont la menace de propagation de ces maladies pourrait évoluer et sur les aspects pour lesquels il pourrait être utile d’envisager de développer des politiques.
*La sénatrice UMP du Bas-Rhin Fabienne Keller a présenté son rapport sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes, le 10 juillet dernier, à la suite d’une mission d’un an.
Des maladies historiques, souvent d’origine animale
L’histoire de l’humanité témoigne de la rencontre des hommes avec des pathologies infectieuses.
- Au Moyen-Âge, par exemple, les grandes pestes ont vidé les villes de leurs populations.
- À la fin du XIXe siècle, le choléra (parti quelques siècles plus tôt du delta du Gange) a atteint toutes les grandes villes de l’époque (Londres, Paris, New-York...).
- Quant à la grippe espagnole, elle a fait plus de morts au début du XXe siècle que la première guerre mondiale.
Virus, bactéries, parasites, champignons microscopiques, mycotoxines, prions... De tous temps, ces agents pathogènes responsables de maladies ont affecté les plantes et les animaux, et se sont parfois transmis à l’homme. Avec des conséquences graves sur l’économie ou la santé humaine.
L’émergence ou la résurgence de maladies ne sont, certes, pas des phénomènes nouveaux. Mais avec l’urbanisation du monde et la mondialisation de l’humanité de nouveaux risques de propagations de ces maladies apparaissent.
Les maladies émergentes, dont 75 % sont d’origine animale (comme le sida ou les grippes), ont d’ailleurs quadruplé au cours des cinquante dernières années.
Des facteurs de propagation bien identifiés
En 2005, les professeurs – Woolhouse et Gowtage-Sequeria – ont classifié les principaux facteurs à l’origine de l’émergence de maladies infectieuses.
Parmi ces facteurs, on trouve en tête de liste :
- les changements de pratiques agricoles (élevage hors sol),
- les évolutions récentes de la démographie humaine (lire l’encadré sur les mégalopoles).
- la précarité des conditions sanitaires des pays en développement,
- les erreurs de pratiques médicales (maladies nosocomiales...),
- la résistance aux antibiotiques,
- les voyages et échanges humains, animaux ou de bien commerciaux intercontinentaux,
- la désorganisation des systèmes de santé
- et le réchauffement climatique.
Face à ce constat, la mission Keller propose 10 leviers d’actions** pour lutter contre les nouvelles menaces de maladies émergentes.
**L’intégralité du rapport Keller est accessible sur le site du Sénat : www.senat.fr/rap/r11-638/r11-6389.html
Grande cause collective de l’humanité
La mission Keller propose que les politiques considèrent la prévention de la diffusion de ces maladies comme une grande cause collective de l’humanité et qu’ils empêchent les actes qui concourent à l’augmentation des menaces (comme les trafics alimentaires, la diffusion de polluants, l’introduction non autorisée d’espèces sauvages...).
Le rapport mise également sur :
- l’amélioration de l’information de la population,
- la réintroduction de protocoles classiques de lutte contre les pandémies (isolements, quarantaines, hygiène publique...),
- la promotion de nouveaux outils d’intervention sur les maladies infectieuses émergentes (constitution de bases de données épidémiologiques avec le recours aux téléphones portables et à Internet...)
- et le soutien de la recherche sur les vaccins et les thérapeutiques des maladies infectieuses par un rapprochement des politiques menées par les organisations internationales sur les santés humaines et animales (FAO, OMS...).
Espérons que les responsables politiques et les parties prenantes concernés prennent en compte ces mesures. Et les appliquent !
Les mégalopoles, des viviers de virus émergents
La population mondiale – en augmentation constante – va passer de 6,5 milliards d’habitants en 2012 à 9 milliards en 2025 et se rassembler dans de vastes mégalopoles.Désormais, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes.
La plupart de ces nappes urbaines – qui sont autant de viviers pour de potentielles explosions virales – sont situées dans des pays du Sud, proches de zones marquées par une forte biodiversité ou occupées par la faune sauvage.
Ces zones sont celles où les virus émergents possèdent des capacités importantes de recombinaisons génétiques favorisant les mutations, ouvrant ainsi la voie à des infections humaines.
Trois questions sur les maladies émergentes
Trois questions posées au docteur Jean François Etard, épidémiologiste au sein de l’association Epicentre (Médecins Sans Frontières)
Quelles maladies infectieuses émergentes touchent aujourd’hui la France ?
L’InVS surveille les maladies infectieuses actuelles en France et donne accès à des cartes, régulièrement mises à jours, pour localiser ces dernières : www.invs.sante.fr
- La principale maladie émergente reste le VIH/ Sida, dans les années 80.
- Des maladies infectieuses virales transmises par les moustiques sont également présentes en France :
c’est, par exemple, le cas du Chikungunya (Ile de La Réunion, cas importés dans les régions PACA et Ile de France).
- La maladie de Lyme -transmise par la morsure d’une tique- est très importante aux Etats-Unis et est également en développement en France.
- Il y a aussi d’autres maladies virales (telles que la grippe pandémique) qui se propagent d’un pays à l’autre par le biais des voyageurs infectés, ou qui sont, par exemple, transmises par le biais d’animaux (de rongeurs, par exemple).
- Par ailleurs, il existe encore des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob (dite de la «vache folle»).
- Enfin, n’oublions pas les maladies nosocomiales (celles que l’on attrape à l’hôpital).
Quels sont les éventuels risques de ces maladies pour notre santé ?
Lorsque le patient n’est pas traité ou qu’il n’existe pas de traitement ou de vaccin adapté aux maladies émergentes, l’issue peut être fatale (Creutzfeldt-Jakob, par exemple). Heureusement, la recherche avance pour certaines maladies pour lesquelles il n’y avait pas d’espoir il y a 30 ans : par exemple, les patients atteints de VIH sous traitement (trithérapie...), peuvent aujourd’hui espérer mener une vie normale.
Outre les cas de décès, certaines maladie peuvent également laisser des séquelles : le Chikungunya, par exemple, peut être à l’origine de douleurs articulaires chroniques.
Comment peut-on lutter contre ces maladies ?
La surveillance épidémiologique pour identifier les maladies émergentes et mettre en place des politiques de prévention est primordiale.
Chaque maladie a ses propres moyens de lutte.
Pour le VIH, outre le préservatif et la circoncision, une personne contaminée peut protéger son partenaire en se traitant (la trithérapie réduit considérablement la transmission sexuelle du VIH). La politique de sécurité transfusionnelle en France doit également se maintenir pour éviter que des maladies ne se transmettent par le biais de donneurs contaminés.
Pour les maladies nosocomiales, l’hygiène hospitalière reste le principal facteur de prévention. Il faut également encourager la recherche sur les nouveaux vaccins (pour la dengue, par exemple).
Enfin, il faut noter que les maladies émergentes voyagent d’un pays à l’autre, d’où la nécessité de contrôler les ports et les aéroports.
Sources
Magazine Côté Santé