Maladie de Raynaud : le mécanisme génétique mieux compris

Publié par Emilie Cailleau
le 17/10/2023
Maj le
5 minutes
a young woman with raynaud is showing her cold hand outdoors in winter
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Une nouvelle étude parue dans Nature Communications met en lumière l’implication de certains gènes dans le phénomène de Raynaud. Cette découverte ouvre la voie à la mise au point de traitements efficaces.

3 à 12 % des hommes et 6 à 20 % des femmes souffrent de la maladie de Raynaud en France. Ce trouble réversible de la circulation sanguine touche les doigts, plus rarement les orteils. Cet arrêt temporaire de la circulation sanguine dans les extrémités est lié à la contraction temporaire (vasoconstriction) des vaisseaux sanguins situés près de la surface de la peau, ce qui bloque la circulation du sang au niveau des extrémités (le plus souvent les doigts, parfois un doigt ou une phalange).  

Phénomène de Raynaud : des symptômes gênants mais passagers

L’arrêt soudain de l’apport en sang et en oxygène est à l’origine de divers symptômes identifiables : les parties touchées deviennent blanches, froides et insensibles. La peau peut ensuite bleuir. Lorsque la crise s’estompe, le retour du sang fait rougir la peau et peut s’accompagner de sensations de fourmillements, de brûlure ou de gonflement.

Ces symptômes bien que gênants sont passagers, sans gravité et disparaissent au bout de quelques années.

Maladie de Raynaud : la forme primitive, la plus courante

On distingue deux formes de maladie de Raynaud. Dans la forme primitive de la maladie qui représente 90 % des cas, le phénomène de Raynaud est dit "idiopathique" : il n’a pas de cause connue.

Chez les personnes atteintes du phénomène de Raynaud, les symptômes sont déclenchés par une exposition aux températures froides (mais aussi parfois le changement de températures ou l’humidité) ou au stress. Ces facteurs favorisent ces spasmes dans les petits vaisseaux sanguins, à l’origine de cette vasoconstriction des vaisseaux qui limite le flux sanguin. Cette forme primaire est souvent diagnostiquée chez les adolescentes et jeunes femmes de 20 à 30 ans.

Maladie de Raynaud : la forme secondaire, plus rare mais plus grave

Dans la forme secondaire de la maladie de Raynaud, elle cache une autre maladie sous-jacente, le plus souvent une maladie auto-immune (dysfonctionnement du système immunitaire qui attaque les constituants normaux de l’organisme) comme la sclérodermie (épaississement anormal de la peau)  Cette forme secondaire de la maladie de Raynaud touche plus souvent les personnes de plus de 40 ans mais reste rare. Les symptômes s’avèrent également plus graves, la maladie occasionnant alors des ulcères aux doigts et des douleurs intenses.

Maladie de Raynaud : le rôle de la génétique

La maladie de Raynaud peut aussi présenter une dimension héréditaire et familiale, mais cette cause génétique a fait jusqu’ici l’objet de peu d’études scientifiques. "Environ la moitié des personnes atteintes du phénomène de Raynaud primaire ont un autre parent au premier degré qui est également atteint de la maladie", explique à NBCnews Laura Hummers, rhumatologue et professeur associé à la John Hopkins University (Etats-Unis).

Une nouvelle étude parue le 12 octobre 2023 dans Nature Communications, nous en apprend un peu plus sur le rôle de la génétique dans la survenue de cette maladie. La compréhension de ces mécanismes génétiques pourrait permettre de développer des traitements plus sûrs et efficaces.

Des traitements actuels limités

Car les solutions pour traiter la maladie de Raynaud sont actuellement limitées. Dans sa forme primitive, elles passent par des stratégies destinées à limiter l’exposition au stress et au froid afin d’éviter de déclencher les symptômes. Quand la maladie est liée à une autre maladie (dans sa forme secondaire), des médicaments destinés à dilater les vaisseaux (comme des inhibiteurs calciques) peuvent être prescrits mais ils charrient nombre d’effets secondaires chez les patients.

Pour réaliser ce qui s’apparente à la plus grande étude génétique sur le phénomène de Raynaud menée à ce jour, les chercheurs de la Queen Mary University de Londres (Royaume-Uni) et du Berlin Institute of Health de la Charité (Allemagne) ont analysé les dossiers médicaux électroniques de la UK Biobank (une base de données biomédicales contenant des informations génétiques et sanitaires d'un demi-million de participants britanniques), afin d’identifier plus de 5 000 personnes atteintes de la maladie de Raynaud.

Les dossiers médicaux électroniques de l'étude Genes & Health de Queen Mary ont également été examinés.

Le rôle clé de deux gènes dans la constriction des vaisseaux sanguins

Les chercheurs ont découvert des variations dans deux gènes qui prédisposaient les participants au phénomène de Raynaud, dont un récepteur de l'adrénaline, le ADRA2A, un récepteur classique du stress, qui provoque la contraction des petits vaisseaux sanguins.

"Chez les patients atteints de la maladie de Raynaud, ce récepteur semble être particulièrement actif, ce qui pourrait expliquer les vasospasmes, surtout en combinaison avec le deuxième gène que nous avons trouvé : ce gène est le facteur de transcription IRX1, qui peut réguler la capacité des vaisseaux sanguins à se dilater", explique Maik Pietzner, professeur de modélisation des données de santé au Queen Mary University of London’s Precision Healthcare University Research Institute.

Si la production de ce dernier gène augmente, il s’en suit une réaction en chaîne : il active en effet "d’autres gènes qui empêchent les vaisseaux contractés de se détendre comme ils le feraient normalement, poursuit le chercheur. Associé à l'hyperactivité du récepteur de l'adrénaline, ce phénomène peut alors conduire à ce que les vaisseaux ne fournissent pas suffisamment de sang pendant une période prolongée, ce qui entraîne l'apparition de doigts et d'orteils blancs".

Une grande avancée pour la recherche

Ces conclusions aident à mieux comprendre pourquoi les petits vaisseaux réagissent si fortement chez les patients, même apparemment sans stimuli externes (sans exposition au froid).

Pour Emma Blamont, responsable de la recherche pour Scleroderma and Raynaud's UK, cette découverte constitue une grande avancée pour la recherche. "Nous savons relativement peu de choses sur les raisons pour lesquelles certaines personnes souffrent de la maladie de Raynaud et d'autres non. Pour les millions de personnes qui vivent avec cette maladie, les simples tâches quotidiennes peuvent être un défi, c'est pourquoi une recherche comme celle-ci, qui fait progresser de manière significative notre compréhension de la maladie de Raynaud et du rôle que la génétique peut jouer dans son apparition, est cruciale", estime-t-elle dans un communiqué.

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