Maladie de Creutzfeltd-Jakob ou la folle histoire du prion
De l'Angleterre à la Nouvelle-Guinée
C'est au XVIIIème siècle que fut décrite pour la première fois la « tremblante du mouton », maladie qui affecte le comportement et la coordination des mouvements des ovins. Plus tard, en France, cette maladie est décrite chez des moutons mérinos de la bergerie royale de Rambouillet, moutons qui avaient été importés d'Angleterre pour la qualité de leur laine. Beaucoup plus tard, en 1922, Creutzfeldt, élève d'Alzheimer, et Jakob, décrivent la même maladie chez l'homme. On est alors bien loin de se douter de l'agent causal. Dans les années 50, des chercheurs constatent lors d'un voyage en Nouvelle-Guinée, que dans certaines tribus cannibales, les femmes sont atteintes de troubles neurologiques. Or, lors du partage des dépouilles ennemies, elles ont droit à la cervelle. L'étude histologique des cerveaux atteints montre des lésions comparables à celles que l'on retrouve dans les cerveaux des ovins malades. Il s'agit certainement d'un agent transmissible, mais celui-ci ne se comporte pas comme une bactérie ou un virus; il résiste aux techniques de stérilisation classiques. On parle alors d'Agent Transmissible Non Conventionnel (ATNC). Ce n'est qu'en 1997 que le docteur Prusiner (qui aura le prix Nobel) montre qu'il s'agit d'une simple protéine, d'où son nom: PRoteïnous Infectious Only, ou PRION. Mais reprenons notre histoire …
De la Nouvelle-Guinée à l'Angleterre
Retour au Royaume-Uni en 1986, où l'on constate chez les bovins une épizootie (équivalent d'une épidémie chez l'homme) d'encéphalopathie spongiforme. Plus tard, on constate l'apparition chez l'homme et dans toute la communauté européenne de cas de MCJ différents des cas habituels que l'on a appelé nouveaux variants de la MCJ. Les études épidémiologiques permettent de faire le lien entre d'une part la transmission aux animaux par les farines animales et d'autre part la transmission à l'homme par l'ingestion d'organes ou de tissus infectés par le prion de l'ESB.
Les animaux NAIF
Après l'interdiction des farines animales pour les bovins en 1986, en 90 en France puis en 94 pour tous les ruminants (bovins, ovins, caprins), on a vu apparaître de nouveaux cas d'encéphalopathie spongiforme qu'il faut bien expliquer. Les animaux atteints sont appelés NAIF, c'est-à-dire Nés Après l'Interdiction des Farines. On pense qu'il existe une contamination croisée avec l'alimentation des porcs et des volailles pour lesquels les farines animales étaient toujours autorisées. Depuis 1996, ces farines ne doivent plus être préparées à partir de matériaux à risque (cadavres d'animaux, cervelle, moelle épinière …).
Un agent peu conventionnel
Cet organisme qui résiste à la stérilisation classique n'est ni une bactérie ni un virus. Il s'agit d'une protéine. Plus étonnant encore, cette protéine existe naturellement dans les organismes vivants mais sous une forme inactive. On ne sait pas encore si l'infestation par un prion pathogène modifie la structure des prions de l'organisme. L'autre particularité du prion, c'est qu'il semble passer d'une espèce à l'autre sans problème, choses que l'on pensait impossible jusqu'alors.
Et maintenant ?
Sans verser dans la paranoïa, il reste toutefois beaucoup de questions sans réponses. Le prion est-il seul en cause, ou agit-il avec l'aide d'autres facteurs ou organismes que l'on n'a pas encore identifiés? Les nouveaux cas d'encéphalopathie spongiforme détectés chez le mouton seront-ils à l'origine d'une épidémie identique à celle de la vache folle? Qu'en est-il de l'alimentation des poissons dans les fermes aquacoles, qui est parfois à base de farines animales? Doit-on craindre une contamination de l'environnement des lieux de stockage des farines animales (notamment des nappes phréatiques)?On voit bien que la plus grande prudence est nécessaire et que l'on doit plus que jamais appliquer le fameux « principe de précaution ».