Lunettes loupe, une fausse bonne idée ?

Publié par Hélène Joubert
le 22/05/2017
Maj le
5 minutes
vue rapprochée des loupes grossissantes pour les dentistes ou les horlogers
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Passé la quarantaine, c’est inéluctable, la vue commence à baisser : la presbytie s’installe peu à peu. Mais acheter en pharmacie des lunettes loupe, solution pratique au look plus « mode » que les « demi-lunes » d’antan pour lire ou travailler sur ordinateur… est-ce une fausse bonne idée ?

Lunettes loupe, qu’est-ce que c’est ?

Tendre les bras pour lire un texte écrit en petits caractères, ne plus pouvoir lire à la distance habituelle de 30 cm, ressentir de plus en plus souvent des difficultés d’accommodation entre les distances de loin et de près, rechercher la lumière pour éclairer le support… la presbytie n’épargne personne avec l’âge et entraîne une fatigue oculaire. Le cristallin de l’œil ne fait plus la mise au point correctement, d’où une vision floue de près. Elle se déclare en général entre 40 et 60 ans.

Du fait du vieillissement de la population, et probablement aussi à cause des longs délais de consultation chez les ophtalmologistes et du coût des mutuelles pour ces consultations spécialisées, l’offre des lunettes loupe s’est étoffées. Elles sont disponibles sans ordonnance, en pharmacie, en grandes surfaces ou sur Internet. Ces lunettes peu chères proposent des corrections basiques ; elles n’ont pas la prétention de corriger un quelconque trouble de la vue comme l’hypermétropie, la myopie ou l’astigmatie. Ce sont simplement deux loupes, qui grossissent selon plusieurs dioptries, l’unité de mesure de la presbytie, allant de +0,50 à +4.

Un test simple permet de trouver la dioptrie qui convient : essayer plusieurs grossissements les uns après les autres sur un texte lu à la même distance. Pour ne pas gêner la vue de loin lorsqu’on les porte et ne pas avoir à les enlever lorsqu’on lève le nez, certaines lunettes loupe à double foyer « bifocale » existent. Le grossissement se situe exclusivement au niveau de la partie basse du verre. Certaines lunettes loupe dites « dégressives » ou « mi-distance » proposent un grossissement décroissant du bas du verre vers le haut.

Les lunettes loupe rendent service aux emmétropes

Une catégorie de personnes -un quart de la population environ - peut tout à fait utiliser ces lunettes loupe pour effectuer des tâches de près, comme lire ou travailler sur ordinateur : ce sont des personnes emmétropes c’est à dire sans défaut de vision sous-jacent. De ce fait, elles n’ont jamais eu besoin de porter de verres correcteurs avant l’apparition de la presbytie. Chez elles, les lunettes loupe corrigent correctement la vue lors de la lecture rapprochée.

Dr Catherine Albou-Ganem, chirurgien-ophtalmologiste (Paris), vice-présidente de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO) : « Chez les personnes emmétropes, les lunettes loupe peuvent être proposées en dépannage pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’elles n’ont aucun autre défaut de vision (astigmatisme, myopie ou hypermétropie) et ensuite parce que les deux yeux sont symétriques dans la correction optique. Cependant, les verres sont de moins bonne qualité, ils sont pour la plupart dénués de filtre en particulier pour la lumière bleue, sans traitement de surface notamment « antireflet » et ne corrigent pas les aberrations optiques pouvant entraîner des distorsions de l’image en périphérie du verre ».

Un risque d’endommager ses yeux ?

Porter des lunettes loupe, est-ce habituer sa vue au moindre effort et accélérer la progression de la presbytie ? A priori non : le port de lunettes loupe n’interfère pas dans le processus de développement de la presbytie. Quoi qu’il arrive, la presbytie progressera, plus ou moins rapidement selon les individus.

Dr Albou-Ganem : « Le port des lunettes loupe ne comporte pas de risque. Elles n’endommagent pas la vue ni n’accélèrent la progression de la presbytie. Mais lire sans lunettes pour la presbytie impose un effort d’accommodation pouvant entraîner des maux de tête, une fatigue oculaire, une sécheresse oculaire, accentuer les rides etc. En revanche, porter des verres correcteurs pour la lecture, à condition qu’un bilan ophtalmologique ait confirmé qu’ils étaient nécessaires, soulage, défatigue les yeux et permet de mieux voir, surtout quand la luminosité diminue ».

Important : toute correction doit être validée par un bilan ophtalmologique, au risque de présenter des phories, c’est-à-dire un défaut de convergence. Ça n’est pas le type de verre correcteur qui est en cause, plutôt la puissance de la correction.

Le risque de zapper la case « ophtalmologiste »

La quarantaine passé, il est important de faire réaliser un examen ophtalmologique complet, avec, en particulier, une prise de la tension oculaire. Cette pression oculaire d’un liquide -l’humeur aqueuse- s’élève généralement sans le moindre symptôme. Elle peut provoquer des dégâts irréversibles comme un glaucome lorsqu’elle est trop haute que la tension oculaire est basse, le risque d’inflammation d’une membrane, l’uvée, existe conduisant à une uvéite.

Lors de cet examen, un fond d’œil permet d'observer la rétine et ses vaisseaux, la papille optique (tête du nerf optique) et la macula.

Dr Albou-Ganem : « Le risque avec les lunettes loupe est de les utiliser sans faire vérifier sa vue. Un bilan ophtalmologique sert à repérer un astigmatisme naissant dont la correction permettrait de diminuer la fatigue oculaire. Si l’ophtalmologiste confirme que le patient peut porter une correction symétrique et sans correction de l’astigmatisme et qu’il est confortable avec ses lunettes loupe, qu’il soit rassuré : celles-ci ne lui abîmeront pas la vue. L’astigmatisme ou l’hypermétropie ne seront pas corrigés mais la vue n’en souffrira pas. Cependant, une fatigue oculaire et un effort de fixation de la vue sont possibles et pourront engendrer une sécheresse des yeux et des troubles de l’accommodation et de la convergence pouvant nécessiter une réeducation ».

Sources

D’après un entretien avec le Dr Catherine Albou-Ganem, chirurgien-ophtalmologiste (Paris), vice-présidente de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO) 

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