L'idéal minceur peut-il perturber le comportement alimentaire ?

e-sante : En quoi " jouer avec son poids " peut-il être néfaste ?
Dr Dominique Boute : Il y a, à mon sens, deux éléments de réponse. Le premier est le risque de fluctuations pondérales, c'est-à-dire le « yo-yo ». Selon certaines études, les fluctuations de poids peuvent être associées à un risque plus important de mortalité, en particulier par maladies cardiovasculaires. Ceci n'est toutefois pas réellement confirmé. En revanche, on sait très bien que le yo-yo induit une véritable résistance à l'amaigrissement. C'est une conséquence d'ordre métabolique. Le deuxième point a trait à la dimension psychologique des problèmes de poids. Avec cette médiatisation « minceur », on crée un véritable amalgame entre les personnes en réelle souffrance, ayant atteint un surpoids plus ou moins important ou une obésité, et celles de poids normal, dont l'objectif est de perdre les quelques kilos pris durant l'hiver. Si ces dernières sont quand même concernées par le risque de « yo-yo », elles subissent moins la dimension psychologique des problèmes de poids.
e-sante : Quelle est cette dimension " psychologique " du poids ? Le poids n'est-il pas seulement un excès de masse grasse ?
Dr Dominique Boute : Par définition, le poids est le reflet de la masse graisseuse de l'organisme que l'on mesure facilement par l'index de masse corporelle. S'il est vrai qu'il existe une inégalité en matière de poids (hérédité favorable à la prise de poids), la prise de poids résulte de multiples facteurs. Certains sont liés à l'environnement (mariage, changement de travail, arrêt du sport...) et au stress quotidien, mais parfois aussi à une souffrance ou un mal-être aggravés par l'association fréquente de la prise de poids avec une dimension de « faiblesse », de laisser aller ou de manque de volonté. Exemple d'une dame qui n'a pas fait le deuil d'un enfant et qui a pris 70 kg en 23 ans (le poids qu'aurait son enfant...). Autre exemple d'une dame qui s'est constituée une carapace de 170 kg après des problèmes d'abus sexuels par son père pendant l'enfance... Ces cas sont peut-être extrêmes, mais ils existent et ne sont probablement pas aussi exceptionnels que cela. A un degré moindre, se situent les prises de poids lors de dépression, etc. Imaginons ainsi les conséquences d'attitude un peu stéréotypée sur l'idéal minceur chez des personnes en réelle souffrance...
e-sante : En quoi la pression " minceur " peut-elle être un facteur aggravant ?
Dr Dominique Boute : Essentiellement en aggravant le sentiment de frustration et de mésestime de soi. Les personnes ayant pris du poids sont souvent en situation de culpabilité d'avoir grossi, elles ne se sentent pas bien dans leur poids, dans leur corps... Elles ont une image négative d'elles-mêmes et cela retentit sur leur relation à l'entourage (peur de se montrer, peur du regard des autres....). Ensuite, la pression « minceur organisée » aggrave ce sentiment de frustration et de mise en échec en donnant l'impression que perdre du poids « c'est facile ». Le problème dans ce cas est que l'on ne prend pas réellement la « dimension de changement » de la perte de poids : on fait un truc pour maigrir.
e-sante : Le sentiment de frustration induit-il des perturbations du comportement alimentaire ?
Dr Dominique Boute : Complètement. Il y a un risque important de décompensation compulsive. On n'atteint pas son objectif ou pas assez vite ? Alors à quoi bon, autant craquer ! Cette situation accroît la prise de poids et renforce le sentiment d'échec permanent.
e-sante : D'où vient le problème ?
Dr Dominique Boute : Je pense que le problème vient en partie d'un manque d'analyse de ses propres objectifs. Que souhaite t-on réellement en perdant du poids ? Qu'est ce qui nous pousse à vouloir perdre du poids ? En quoi notre vie sera meilleure ? Si l'on se sent « obligé de perdre du poids » en particulier par l'influence de la mode « minceur », il y a de grande chance que cela ne marche pas. L'autre point important est la motivation au changement qui peut se traduire par cette question : « Que sommes nous prêt(e) à mettre en place pour atteindre cet objectif ? » Le plus souvent, on fait tel ou tel régime contraignant, en oubliant que la seule dimension pouvant s'inscrire dans la durée est celle du plaisir. Ainsi, pour perdre du poids, il faut revenir sur certains plaisirs pour en retrouver d'autres... C'est ce nouvel équilibre qu'il est indispensable de retrouver.
e-sante : Est-ce cette démarche que vous proposez sur votre site à travers le principe de coaching minceur ?
Dr Dominique Boute : C'est effectivement le message que nous souhaitons faire passer. Sur le site www.monregimeperso.fr, on peut disposer d'une alimentation équilibrée, structurée et calibrée en énergie, exprimée sous forme de bases de menus. Notre objectif n'est pas d'enfermer l'utilisateur dans un régime, mais de lui permettre de réfléchir à l'organisation de son alimentation, de se situer par rapport à un apport énergétique ciblé... Bref, de disposer d'un guide, tandis que le coaching permet de définir le rythme et les résultats. C'est pour cette raison que l'on inscrit d'emblée la prise en charge dans la durée. Beaucoup de personnes savent pertinemment ce qu'il faut faire pour maigrir. Elles connaissent souvent leurs propres erreurs. Nous utilisons les bases de menus pour fournir des propositions concrètes afin d'être un support d'idées au quotidien. Cela permet aussi de se concentrer ensuite sur l'essentiel : l'aide au changement, le soutien et la motivation...* Le Dr Dominique Boute est endocrinologue et diabétologue.