Les nouveautés dans la lutte contre la douleur de l'adulte

Publié par Dr Sylvie Coulomb
le 5/11/2001
Maj le
6 minutes
Autre
De toute évidence, le statut de la douleur évolue, les mentalités changent. Des avancées importantes sont intervenues, tant sur le plan des connaissances fondamentales que sur celui de son traitement et de sa prise en charge. On dispose désormais de méthodes relativement fiables pour évaluer la douleur. De nouvelles améliorations thérapeutiques sont à attendre des recherches dans ce domaine.

Si la prise en charge de la douleur, particulièrement en France, a longtemps été négligée, on observe que les mentalités évoluent peu à peu. Mais, pour autant, la douleur n'est que depuis peu considérée comme une maladie à part entière par les chercheurs et les médecins. Des progrès considérables ont été réalisés dans la connaissance des mécanismes fondamentaux de la douleur. Des unités de recherche et des services hospitaliers se consacrent aujourd'hui totalement la totalité à l'étude et au traitement de la douleur.

Le plan gouvernemental de lutte contre la douleur

La France accuse un certain retard par rapport à d'autres pays tels que le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Scandinavie ou le Canada où la mise en place de centres de traitement et d'évaluation de la douleur a été plus rapide. C'est dans cette optique que le gouvernement français a mis en place en 1998 un plan de lutte contre la douleur afin que celle-ci ne soit plus vécue comme une fatalité.Dans ce cadre, la prise en charge de la douleur à l'hôpital s'est améliorée: chaque malade se voit désormais remettre un "carnet douleur" lors de son entrée à l'hôpital. À sa sortie, on mesure grâce à ce carnet sa satisfaction en matière de traitement contre la douleur. Par ailleurs, celle-ci est aujourd'hui systématiquement évaluée, à l'aide de "réglettes" qui permettent d'enregistrer quotidiennement l'intensité de la douleur pour chaque malade hospitalisé.De nouvelles structures ont été mises en place, consistant en des unités hospitalières et des consultations spécialisées; des comités de lutte contre la douleur ont pour objectif de sensibiliser et d'informer les médecins. La formation des professionnels de santé a été renforcée: les médecins reçoivent un enseignement spécifique de la douleur au cours de leurs études et dans le cadre de la formation médicale continue. Cet enseignement a également été renforcé chez les infirmières qui sont aujourd'hui autorisées, en cas d'urgence, à délivrer certains médicaments antalgiques aux malades.

De nombreuses maladies sont douloureuses

Signal d'alerte pour l'organisme, la douleur aiguë est généralement liée à une pathologie évoluant rapidement. Elle est notamment fréquente après une intervention chirurgicale.La douleur chronique est une douleur qui dure depuis trois à six mois. On distingue généralement celles liées aux cancers, au sida et celles dites "non malignes" dues à des lombalgies ou mal de dos, migraine, etc.L'infection à VIH et le Sida entraînent souvent des douleurs, qui deviennent aujourd'hui de plus en plus souvent chroniques avec le recours à la trithérapie. Le cancer se complique également souvent de phénomènes douloureux. Mais la fréquence des douleurs est, en fait, très variable selon le siège de la tumeur. Les mécanismes de la douleur dans le cancer peuvent associer compression nerveuse, excès de stimulation douloureuse et effets des traitements. Cependant, cette douleur du cancer n'est pas inéluctable: selon les spécialistes, elle peut aujourd'hui être soulagée dans 95 % des cas.

De quels moyens dispose-t-on aujourd'hui pour combattre la douleur ?

La douleur nécessite une prise en charge individualisée, car les effets d'un traitement antalgique varient d'un malade à l'autre. Selon le type de douleur, son intensité, sa cause, le mode de vie du patient et ses souhaits, de nombreuses thérapeutiques médicamenteuses peuvent être proposées. Et, l'on n'hésite pas à en changer ou à modifier leurs doses si ces traitements ne sont pas assez efficaces ou mal tolérés.Face à une douleur chronique, il est recommandé de procéder par étapes. L'Organisation mondiale de la santé a défini trois paliers pour les médicaments utilisés. Dans les douleurs d'intensité faible ou modérée, on utilise d'abord les médicaments de palier I: paracétamol, aspirine et autres anti-inflammatoires non stéroïdiens parmi lesquels les nouveaux médicaments anti-cox 2, mieux tolérés par l'estomac. En cas d'échec, on passe au palier II, c'est-à-dire que l'on associe alors au paracétamol ou à un autre médicament de palier I, un dérivé de la morphine d'action faible comme la codéine ou le dextropropoxyphène. Enfin, le palier III repose sur l'emploi de morphine ou de dérivés morphiniques dont beaucoup peuvent désormais être prescrits par les médecins de ville. Il ne s'agit néanmoins que d'un schéma et une douleur sévère est d'emblée traitée par un médicament puissant.

La morphine demeure le produit de référence des douleurs les plus intenses

Mais elle n'est plus réservée aujourd'hui aux seules douleurs cancéreuses. Ainsi, certains rhumatologues prescrivent ce médicament aux personnes souffrant de douleurs articulaires rebelles (sciatique, arthrose...).La morphine est souvent donnée par voie orale, sous une forme buvable ou à libération prolongée, mais elle peut aussi être administrée par injections. Des pompes intraveineuses à morphine, qui permettent au malade de déterminer lui-même la dose dont il a besoin, sont de plus en plus utilisées en cancérologie ou après une intervention chirurgicale. En augmentant les quantités de morphine, il est possible de faire disparaître la grande majorité des douleurs chroniques. De plus, tous les experts admettent aujourd'hui que le risque de dépendance est assez faible avec la morphine.

Un arsenal thérapeutique plus large

De nouveaux médicaments antidouleur sont apparus comme le fentanyl, proposé sous la forme de patchs à renouveler toutes les 72 heures. Il doit également être commercialisé sous une forme transmuqueuse à mettre dans la bouche. Récemment, un dérivé semi-synthétique de la morphine a été mis sur le marché français, pouvant être administré chez des patients devenus intolérants à la morphine.Cependant, le traitement de la douleur ne se limite pas à ces médicaments. Ainsi, des antidépresseurs sont fréquemment prescrits à des personnes souffrant de douleur d'origine neurologique ou articulaire. Les anesthésiques locaux et les corticoïdes ont également leur place dans le traitement de la douleur. Enfin, relaxation et sophrologie peuvent contribuer à diminuer le vécu douloureux et l'acupuncture est de pratique courante dans ce domaine.Certaines pathologies douloureuses bénéficient d'un traitement spécifique. C'est le cas pour la migraine, pour les affections rhumatologiques (rééducation...) ou les métastases osseuses de cancer (radiothérapie, bisphosphonates, traitements radioactifs...). Dans les lésions des nerfs, les lombalgies et les sciatiques rebelles, une neurostimulation peut être tentée dans une unité spécialisée. Cette technique consiste à stimuler les fibres nerveuses par un courant grâce à des électrodes appliquées sur la peau.Pour tous les cas difficiles, une prise en charge est recommandée dans un centre antidouleur.

Et dans l'avenir ?

En ce qui concerne le système nerveux central, la voie la plus prometteuse, aujourd'hui, reste celle de la morphine. Des équipes du CNRS travaillent activement à la mise en évidence d'un récepteur n'agissant que sur la composante analgésique de la morphine, évitant ainsi tous ses effets secondaires. Une autre piste est la mise au point d'inhibiteurs d'enzymes de dégradation des enképhalines. Ces substances, moins fortes que la morphine, ont l'avantage de ne pas provoquer d'effet de tolérance ni de dépendance. Elles pourraient être utiles chez les malades non-cancéreux.Récemment, Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, a annoncé la mise en place d'études cliniques visant à évaluer le potentiel antalgique du cannabis. Il ne sera évidemment pas question de fumer des cigarettes de cannabis, mais si les résultats des études sont probants, on peut espérer que le principe actif de cette drogue puisse être synthétisé pour en faire un médicament.

Partager :