Les débuts de la médecine anti-âge

E-santé : Maintenant que nous sommes amenés à vivre de plus en plus longtemps, nombre d'entre nous se demandent comment rester en forme jusqu'au bout. A quoi sert de vivre très vieux, s'il s'agit de vivre mal ? Qu'en pensez-vous ?

Quel est mon âge physiologique ?

Dr Christophe de Jaeger : La première question à se poser est quel est mon âge physiologique ? Autrement dit est-ce que je fais plus jeune ou plus vieux que mon âge ? Dans ce but des bilans ont été mis au point, par exemple à l'Institut du Vieillissement à Paris, qui compare vos résultats à ceux mesurés dans des populations de divers âges. On peut ainsi déterminer si vous êtes en avance ou en retard sur votre âge. Ce bilan concerne la finesse de la peau (qui augmente avec l'âge), la répartition des muscles par rapport aux graisses (votre silhouette), la tension artérielle et diverses mesures permettant d'apprécier l'état fonctionnel de vos divers organes. La fonction respiratoire est par exemple très sensible à l'âge et ceux qui ne s'entraînent pas physiquement vont la voir baisser plus rapidement. Une autre fonction sensible est la mémoire et des bilans mnésiques très complets sont proposés, pouvant prendre jusqu'à 2H30, pour faire le point sur l'efficacité de vos neurones !

Quid de mon mode de vie ?

La deuxième question est qu'est-ce qui cloche dans mon mode de vie ? Est-ce que je fume (même un peu, c'est pas bon…), est-ce que je bois trop même sans m'en rendre compte : plus d'un verre de vin par jour pour les femmes et plus de 2 verres par jour pour les hommes ? (cocktails par ci, un peu de vin par là, restaurant avec des amis, invitations, etc.) Est-ce que mon alimentation est équilibrée et suffisamment riche en fruits et légumes et en poissons ? Est-ce que je fais assez d'exercice physique ? Est-ce que le stress prend trop de place dans ma vie ?E-santé : Quid des hormones, des vitamines et autres oligoéléments. Faut-il en prendre pour rester jeune ?

Est-ce que tout est bien équilibré en moi ? (Vitamines, oligoéléments, enzymes, hormones.)

Dr Christophe de Jaeger : C'est un domaine dans lequel de très nombreux progrès ont été réalisés, notamment pour les dosages biologiques. Il faut en effet savoir que certains éléments indispensables existent sous forme de traces dans notre organisme et qu'ils sont donc très délicats à mesurer. D'autres sont très fragiles et demandent des conditions de transport avec congélation pour être expédiés aux laboratoires spécialisés. Il faut enfin être suivi par un spécialiste de l'interprétation de ces paramètres car ils sont tous intimement liés entre eux.Concrètement on peut doser :- des vitamines : Vitamine C, Vitamine E, Rapport Vitamine C / Vitamine E, Vitamine A, Bêta carotène,- des oligoéléments nécessaires à la fabrication d'antioxydants : Sélénium, Zinc, Cuivre, Rapport Cuivre / Zinc,- des enzymes antioxydantes : Glutathion réduit (GSH), Glutathion oxydé (GSSG), Rapport GSH / GSS, Glutathion peroxydase (GPx), Superoxyde dismutase (SOD), Protéines thiols, Ubiquinone (Coenzyme Q10), - d'autres paramètres biologiques liés à l'oxydation : Fer sérique, ferritine, transferrine, Acide urique,- des hormones : prégnénolone, testostérone, estrogène, DHEA, cortisol, mélatonine, hormone thyroïdienne.Reste toute la difficulté de mettre en relation les déficits ou au contraire, les surplus observés, avec les signes cliniques correspondants. Nous manquons de recul et surtout d'études cliniques bien menées, selon des critères de bonne pratique. En attendant, ceux qui sont intéressés par ce type de bilan ont intérêt à s'adresser à des médecins qui se sont spécialisé dans ce type de prise en charge. Ils ont tendance à se regrouper dans des associations, dont les plus connues en France sont la Société Française de Médecine et de Physiologie du vieillissement (SFMPV) dont je suis le président et l'association Française Anti-aging (AFAA).La médecine préventive du vieillissement est encore très complexe, de très nombreux facteurs étant mis en jeu. Il s'agit toujours d'une hyper-spécialité et elle fera son entrée à la faculté de Médecine en 2006, avec la mise en place d'un nouveau diplôme. Cet enseignement devrait augmenter le nombre des médecins susceptibles de répondre à la demande du public. Cette demande augmente sans cesse et nous voyons maintenant des gens de 50 ans, voire moins, venir nous consulter. Et on ne peut que les encourager tant corriger un déficit quand on est encore jeune n'est rien, alors que plus tard ce sera beaucoup plus délicat… »