Les cancers du larynx et de l'ovaire liés à l'amiante reconnus comme maladies professionnelles

Vers une meilleure reconnaissance, une meilleure prise en charge et une meilleure indemnisation des malades de cancers du larynx et des ovaires exposés à l’amiante dans le milieu professionnel. Trois objectifs qui semblent se rapprocher des travailleurs de l’amiante touchés par ces deux cancers, à la faveur de la publication du décret du dimanche 15 octobre 2023, paru au Journal Officiel. Le texte reconnaît en effet les cancers du larynx et celui de l’ovaire liés à l’amiante comme des maladies professionnelles.
Ce texte "crée pour le régime général de la Sécurité sociale un tableau des maladies professionnelles, relatif aux cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante", détaille le décret.
"Une avancée" pour un meilleur accompagnement des victimes de l’amiante
Cette reconnaissance constitue une avancée pour les travailleurs malades de l’amiante puisqu’elle leur permettra de "bénéficier de meilleures possibilités d’indemnisation et d’accompagnement".
Le ministère du Travail invite dans un communiqué les travailleurs éligibles à "se rapprocher de leur caisse primaire d’assurance maladie pour déposer une demande d’indemnisation et obtenir une reconnaissance de leur pathologie en maladie d’origine professionnelle". Ils peuvent également s’adresser au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), chargé d’assurer la réparation intégrale de l’ensemble des préjudices subis par les victimes et leurs ayants droit.
Ce nouveau tableau est issu des travaux de la commission spécialisée des pathologies professionnelles du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT).
Cette reconnaissance a emporté l’adhésion de tous les partenaires sociaux membres de cette commission, forts de l’expertise scientifique rendue par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2022. Une expertise qui a débouché en septembre 2022, à la publication d’un rapport de l’agence sanitaire.
Amiante et cancers des ovaires et du larynx : un lien causal avéré
Dans cette expertise, l’Anses, avait conclu à "une relation causale avérée entre le risque de survenue des cancers du larynx et des ovaires et l'exposition professionnelle à l’amiante", en s’appuyant sur les "nombreuses études scientifiques de qualité montrant un lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante".
En reconnaissant ce lien de causalité, l’Anses s’est mise au diapason du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui considère ce lien causal "avéré" entre ces deux cancers et l’exposition à l’amiante depuis 2012.
Autre enseignement du rapport de l’anses, l’agence avait noté que ces cancers provoqués par une exposition professionnelle à l’amiante restent encore trop "sous-déclarés et sous-reconnus".
D’après les données fournies par la Caisse nationale d’assurance maladie, seules 130 demandes de reconnaissance du cancer du larynx en maladie professionnelle associée à l’exposition à l’amiante ont été examinées entre 2010 et 2020, constatait alors l’anses.
Amiante et cancers des ovaires et du larynx : ce que le décret va changer
"Malgré sa reconnaissance par le CIRC depuis dix ans, le lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante était très peu connu. L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers", observait-elle.
Pour cause, seuls les cancers broncho-pulmonaires et celui de la plèvre (mésothéliome) faisaient l’objet d’un tableau de maladies professionnelles en lien avec l’exposition à l’amiante. L’ajout des cancers du larynx et des ovaires dans la liste, consécutif au nouveau décret, va donc changer drastiquement la donne. Cela devrait faciliter les démarches des travailleurs malades concernés, qui se heurtaient à un parcours du combattant pour faire valoir leurs droits à une indemnisation pour ces maladies.
Car s’il leur était déjà possible de faire reconnaître leurs cancers en tant que maladie professionnelle, les victimes devaient "apporter la preuve du lien entre le cancer et [leur] travail", rappelait encore l’Anses dans son expertise. Les conditions d’acceptation étaient "bien plus restrictives qu’avec un tableau de maladie professionnelle."
Amiante : la première cause de cancers d’origine professionnelle
L’amiante reste la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de cancers d’origine professionnelle.
Malgré l’interdiction des fibres d’amiante en 1997 en France (et depuis 2005 dans l’Union européenne), ce matériau reste encore présent dans de nombreux secteurs d’activité (travaux de démolition ou d’enlèvement d’amiante dans des bâtiments ou sur des machines, plombiers, chauffagistes, électriciens, peintres, charpentiers...) posant question sur la santé des travailleurs qui respirent sa poussière toxique.
La littérature existante, portant sur l’impact de l’amiante sur la santé dans le milieu professionnel, a été réalisée surtout chez la population masculine, surreprésentée dans le secteur du BTP. Mais cela ne signifie pas que l’exposition à l’amiante des femmes soit un non sujet. Selon l’Anses, les femmes qui oeuvrent à la fabrication de textiles non inflammables sont exposées à l’amiante. Et d’autres secteurs sont également à risque selon l’agence sanitaire, en les exposant de façon indirecte. Ce serait le cas notamment du secteur de la santé, où les femmes sont majoritaires.
Face au manque cruel de données sur le sujet, l’anses avait d’ailleurs plaidé en 2022 pour de plus amples recherches afin de mieux "documenter l’exposition des femmes à l’amiante et les impacts sur leur santé".