Le daltonisme : des chromosomes et des couleurs

Un peu d'histoire
C'est à la fin du dix-huitième siècle que le médecin Thomas Young décrivit un trouble de la vision des couleurs affectant le chimiste John Dalton. Celui-ci, s'apercevant que la couleur d'un géranium changeait en lumière naturelle et à la lueur d'une bougie, se demanda si les autres personnes percevaient la même chose que lui. La réponse fut bien évidemment non, à la différence de son frère qui était atteint de la même anomalie de vision. Il ne percevait semble-t-il pas le rouge, d'après sa description. Or, l'étude de son œil, précieusement conservé à Manchester a montré que c'est le vert qu'il ne percevait pas. Son appréciation du trouble était également perturbée. Quelques années après, Goethe fit des expériences avec des daltoniens, leur demandant d'apparier des couleurs d'aquarelle, et tentant de peindre un paysage en suivant leurs indications.
Un peu de science
La vision « normale » se fait par l'interaction de trois couleurs : le bleu, le vert et le rouge, qui permettent de distinguer près de 150 teintes. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder avec attention la pixellisation d'un écran de télévision couleur ou d'ordinateur, qui fonctionne selon le même principe. Ces trois couleurs de base correspondent à des longueurs d'onde différentes, qui sont absorbées par des cellules de la rétine appelées cônes. Trois types de cônes sont donc suffisants pour percevoir les couleurs. Un œil normal est donc dit « trichromate ». Dans certains cas, il existe un déficit congénital en un type de cône. L'œil devient « dichromate » et ne perçoit que trois teintes, le bleu, le jaune et une teinte intermédiaire (perçue comme blanche ou grise).
Un peu d'art
Au dix-neuvième siècle, le peintre Charles Meryon, élève de David, peignait essentiellement des œuvres ou domine le noir et blanc et les nuances de gris. Ses eaux-fortes furent particulièrement appréciées par Victor Hugo. Son seul tableau exposé au Louvre, le « vaisseau fantôme », a des teintes dans les bleus et les jaunes, seules couleurs perçues. Une étude récente faite en Allemagne sur les peintres daltoniens montre que ceux-ci utilisent soit les teintes du blanc au noir, soit ne se servent que des couleurs perçues véritablement (le jaune et le bleu), soit usent arbitrairement des couleurs.
Un peu de médecine (quand même !)
Génétiquement, la vision des couleurs est localisée sur le chromosome X, qui est l'un des deux chromosomes sexuels (la femme est XX, alors que l'homme est XY). En cas de déficience génétique, la femme possède un deuxième chromosome X, ce qui la met relativement à l'abri, par rapport à l'homme qui n'en possède qu'un. Ainsi, 8% des hommes sont daltoniens, contre 0,45% des femmes. Les formes les plus courantes sont les déficits du rouge et du vert. Les autres formes sont beaucoup plus rares.
Certains types de daltonisme ne sont pas génétiques, mais acquis, à l'occasion de maladies comme la sclérose en plaques, le diabète ou l'intoxication alcoolo-tabagique. Leur évolution, au contraire des dyschromatopsies congénitales, est variable au cours de la maladie causale, et disparaît en général à la guérison de celle-ci.
Il est important de dépister le daltonisme avant une orientation professionnelle (on imagine très bien les problèmes posés dans certains métiers). C'est normalement le rôle de la médecine scolaire. Le daltonisme congénital (le plus courant) n'est de toute façon pas une maladie et n'altère pas les facultés visuelles (en dehors de la perception des couleurs bien sûr). Actuellement, il n'existe pas de traitement efficace.