L'agressivité et violence, pas seulement pour le pire

Publié par Dr Catherine Feldman
le 5/03/2003
Maj le
4 minutes
Autre
La violence ou les flambées de violence à l'école, dans les cités, sur la route, au cinéma, dans les jeux vidéo ou dans les jeux bien réels de certains, sont des sujets abordés quotidiennement par les médias. Derrière cette image collective de la violence, se cache un ressort de la psychologie individuelle, décriée et mal connue, l'agressivité.

Par définition, en psychologie, « l'agressivité désigne toute tendance visant, par un moyen quelconque et sous n'importe quelle forme, à causer un tort à un individu, un groupe ou à ce qui les représente ». La violence physique est bien la forme la plus apparente des comportements agressifs. Bien sûr, aucune société ne peut accepter de laisser libre cours à certaines formes d'agressivité.

D'où vient l'agressivité humaine ?

L'histoire de la psychanalyse depuis Freud est une histoire (entre autres) de la découverte progressive de l'importance de l'agressivité dans les comportements humains. Freud décrit deux instincts, deux pulsions fondamentales : la pulsion de vie, qui nous pousse à tout mettre en œuvre pour rester en vie, et la pulsion de mort, poussée d'énergie visant surtout à l'autodestruction de l'être humain. Freud développe l'idée qu'il existe en chacun un besoin fondamental de destruction, qui devient de l'agressivité lorsqu'elle se retourne contre autrui. L'agressivité est un instinct humain qui peut s'exprimer de multiples façons.

Les innombrables visages de l'agressivité

La forme la plus visible de l'agressivité est la violence physique. Une forme plus discrète est la violence verbale, qui peut d'ailleurs être tout autant destructrice. Des formes plus insidieuses, plus ténues, de l'agressivité s'expriment au travers de l'ironie, de l'humiliation, de mots d'esprit blessants, d'une certaine forme d'humour. Elle peut aussi se dissimuler derrière la façade de certains types d'autorités sociales qui confèrent à un individu un pouvoir sur un autre. Cette agressivité se rencontre quotidiennement dans les relations de travail, dans les échanges entre un administré et un représentant de l'Etat par exemple. Il existe donc des formes ouvertes d'agressivité et des manifestations plus détournées.

La frustration comme autre ressort de l'agressivité

L'agressivité est aussi un comportement réactionnel à de l'agressivité subie, d'autant plus que les barrières sociales nous interdisent d'exprimer notre agressivité. Si Odette se voit quotidiennement humiliée par sa supérieure hiérarchique, et qu'elle n'est pas en mesure de pouvoir réagir (conventions sociales obligent), elle risque de développer un sentiment de colère et de frustration générant à son tour une agressivité, dont elle pourrait bien se décharger sur son mari ou ses enfants en rentrant le soir à la maison. Des psychologues dans les années 1960 (Dollard, Doob et Miller) ont d'ailleurs dépeint les comportements agressifs comme des réactions à des frustrations. Pour eux, un comportement agressif présuppose toujours l'existence de la frustration, et inversement, l'existence de la frustration mène toujours à une forme d'agression.

Quand certains retournent l'agressivité contre eux-mêmes

Dans d'autres situations, l'agressivité n'arrive pas à trouver une forme d'expression socialement acceptable. Dans ce cas, des personnes fragiles tendent à retourner l'agressivité contre elles-mêmes. Ainsi en est-il de certaines formes de comportements suicidaires, de mutilations (par exemple en se lacérant les avant-bras), de comportements à risque, de certains types de toxicomanie. Plus discrètement, on peut aussi parfois émettre l'hypothèse que le développement de certaines maladies, est en lien avec un retour de l'agressivité contre soi.

L'agressivité est aussi une forme de pulsion de vie

Une « pulsion » est ce qui nous « pousse » à vivre, à aller de l'avant. C'est notre « moteur » intérieur, qui dynamise notre vie quotidienne, de notre naissance à notre mort. Certains psychologues différencient la violence destructrice, de l'agressivité positive, celle qui permet d'aller de l'avant, de conserver sa place dans la société. Cette saine agressivité nous permet d'être reconnus, d'exister, de s'affirmer. C'est aussi celle qui permet au nourrisson de crier suffisamment fort pour que ses parents répondent à ses besoins, c'est celle qui aide une personne timide à sortir de sa timidité ou à une personne dépressive de retrouver son dynamisme. L'agressivité négative serait, comme l'explique bien Serge Ginger, psychologue, psychothérapeute, une forme de « dérapage », « lorsqu'au lieu de combattre pour mon propre espace légitime d'existence, je cherche à envahir la place d'autrui ! », autrement dit, lorsque l'affirmation de ce que je suis, passe par la domination ou la violence. Vouloir la première place en classe ou dans une entreprise nécessite une saine agressivité. Elle devient une conduite agressive négative si se réaliser ne peut se faire qu'au détriment d'autrui, en humiliant l'autre.

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