La vue aussi prend de l'âge

Publié par Dr Stéphanie Lehmann
le 10/12/2001
Maj le
5 minutes
La déficience visuelle touche de 13 à 30% des personnes âgées. Dans près de 8% des cas, ce déficit est dramatique, se manifestant par une forte perte de l'acuité visuelle ou même une cécité. Néanmoins, il est surprenant de constater que très souvent, les problèmes de vision graves ne sont pas diagnostiqués. Moins voir la télévision ou ne plus reconnaître son voisin peut passer totalement inaperçu, par le malade et par son médecin. Quelques questions simples, un examen de l'acuité visuelle et l'application de certaines recommandations, suffiraient pourtant à détecter et parfois améliorer des troubles dont les répercussions sur la vie quotidienne sont particulièrement catastrophiques.

Le vieillissement joue sur la vision …

La presbytie est typiquement liée à l'âge. Elle donne aux gens la furieuse envie de voir leurs bras s'allonger pour lire le journal. La “ lentille ” intraoculaire ou cristallin s'épaissit, devient moins élastique, ce qui limite son pouvoir d'accommodation. Le vieillissement normal est également responsable de la diminution du champ visuel, d'une atténuation de la vision des couleurs (sombres et pastel) et des contrastes. Il entraîne aussi une gêne accrue dans la vision nocturne.

Mais moins que certaines maladies

Les principales pathologies oculaires de la personne âgée sont la Dégénérescence Maculaire de la rétine Liée à l'Age (DMLA), la rétinopathie diabétique, la cataracte et le glaucome. Dans chacune de ces maladies, la perte visuelle est réelle, avec des symptômes et des prises en charges spécifiques.

La DMLA : responsable de pertes graves de la vision. C'est la vision centrale qui est perturbée, avec une sensation de brouillage et de distorsion de l'image. Quinze pour cent des personnes de plus de 80 ans sont touchées, en particulier quand elles ont des antécédents familiaux de cette maladie. Les hypermétropes et les fumeurs sont plus exposés également. Les lésions étant irréversibles, la DMLA doit être dépistée tous les ans en consultant un ophtalmologiste à partir de 55 ans ou de 50 ans en cas de facteur de risque. Le traitement, quand il est possible (uniquement la forme humide), consiste à détruire les vaisseaux anormaux apparus sous la rétine : photocoagulation au laser, photothérapie (utilisation d’une substance photosensibilisante), molécules anti-angiogéniques (régression des vaisseaux en bloquant un facteur VEGF).

La rétinopathie diabétique : affection chronique de l'appareil micro circulatoire de la rétine. Particulièrement crainte, cette maladie est à l'origine de 33% des cas de cécité chez les personnes âgées diabétiques. Il s'agit surtout de prévenir son apparition en régulant au mieux, dès le début de la maladie diabétique, le taux de sucre dans le sang. L'utilisation du laser permet de limiter les lésions rétiniennes et de réduire les risques de perte visuelle.

La cataracte : le cristallin s'opacifie. Les causes de ce phénomène sont multiples : l'âge, les traumatismes, le diabète ou certains médicaments (corticoïdes, traitement contre le cancer). La cataracte rend sensible aux éblouissements, elle fait parfois percevoir un halo autour des objets. Certains collyres peuvent améliorer la gêne, mais c'est l'intervention chirurgicale, possible sous anesthésie locale, qui permet l'ablation du cristallin et son remplacement par un implant. La vision est ainsi efficacement restaurée.

Le glaucome : augmentation de la pression à l'intérieur de l'œil qui entraîne une destruction progressive et irréversible du nerf optique, menant, en l’absence de diagnostic et de prise en charge, à une réduction du champ visuel et de l’acuité visuelle. Le glaucome évoluant pendant des années sans aucun symptôme, cette maladie se dépiste tous les ans à partir de 45 ans, voire 40 ans en cas de prédisposition familiale. L’ophtalmologiste procède à une simple mesure de la pression intraoculaire. Le traitement peut être médical (collyres ou médicaments par voie générale) ou chirurgical. Le glaucome aigu est quant à lui très douloureux et s'accompagne d'autres signes (œil rouge, perte visuelle, maux de tête, nausées, etc.). Il s'agit alors d'une véritable urgence thérapeutique.

Lutter contre la basse vision, c'est adapter l'environnement

Le bilan ophtalmologique doit apprécier le retentissement des troubles visuels sur les activités de la vie quotidienne. Une fois les déficits établis, il faut choisir des objectifs et des aides réalistes.

Les aides techniques : une loupe, associée à un bon éclairage, est déjà d'un grand recours. D'autres systèmes optiques peuvent s'adapter à la gravité du déficit : loupe mono ou binoculaire, éventuellement montée sur les lunettes ; prismes pour augmenter le champ de vision ; télé agrandisseurs (caméra sous laquelle on dépose un texte ou un livre, permettant de le grossir de 5 à 40 fois). Ces équipements imposent un apprentissage et obligent à changer certaines habitudes. C'est pourquoi il vaut mieux les utiliser le plus tôt possible.

Les “ trucs ” simples qui facilitent le quotidien :

- Adapter dans toutes les pièces un bon éclairage, évitant les zones d'ombres.

- Utiliser des codes de couleurs (ranger la soupe de tomate dans une boîte marquée de larges bandes rouges ou la soupe de poulet dans une boîte marquée de bandes jaunes), afin d'éviter le recours permanent à une loupe pour lire le contenu des boîtes.

- Utiliser des lunettes de soleil ou des casquettes à l'extérieur (contre l'éblouissement).

- Ne jamais laisser les portes entrouvertes ou les chaises dans un passage.

- Faire participer les aidants. Eviter de dire : “ asseyez vous ”, mais “ prenez la chaise rouge contre le mur blanc à votre droite ”.

- Préférer pour le lieu de vie des couleurs vives, de hauts contrastes.

- Ne pas négliger l'abord psychologique : la basse vision est un véritable handicap.

On retiendra que des visites régulières chez l’ophtalmologiste sont indispensables pour dépister certains troubles visuels, stopper leur évolution et/ou les corriger.

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