La vérité sur le cholestérol et les statines

Publié par Dr Philippe Presles
le 21/05/2013
Maj le
5 minutes
homme prenant des médicaments sur ordonnance
getty
Les statines sont maintenant d’anciens médicaments, pris par des millions d’entre nous, dont votre serviteur, pour se protéger des complications cardiovasculaires et des démences qui menacent ceux dont les facteurs de risque cardiovasculaire sont élevés. Une polémique et un livre, « La vérité sur le cholestérol », nous font douter. Alors quelle est vraiment la vérité ?

Depuis que ce livre est sorti, « La vérité sur le cholestérol », j’ai croisé plusieurs personnes qui avaient arrêté la prise de leurs statines, pour voir. Une polémique a aussi commencé sur l’effet négatif des statines sur la mémoire. J’ai donc voulu refaire le point pour savoir ce qu’il en était vraiment. Faut-il continuer à prescrire des statines, médicaments anti-cholestérol, ou faut-il s’en débarrasser une fois pour toutes ?

Pour ma démonstration, je ne m’appuierai que sur des études de haut niveau scientifique car réalisées sur de grands nombres de participants avec des mesures indiscutables, comme le nombre des décès ou des années de survie, le nombre d’infarctus du myocarde, d’attaques cérébrales et de démences. Après tout la question doit toujours être : « est-ce que sous statine les gens font moins de complications cardiovasculaires ou de démences, meurent moins et vivent plus longtemps ? » Les autres critères sont anecdotiques.

Le cholestérol est bien l’ennemi N°1 du cœur

Depuis que la relation entre un niveau de cholestérol trop élevé dans le sang et la survenue d’infarctus du myocarde a été observée dans la cohorte de la Framingham study, de nombreuses études ont retrouvé cette relation. La plus importante pour rester dans notre logique est l’étude Interheart qui a comparé les facteurs de risques de 15.152 personnes ayant fait un infarctus dans 52 pays différents, à 14.820 témoins. L’excès de cholestérol arrive en tête de 8 facteurs de risques observés, suivi par le tabac, le stress, le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité, la sédentarité, la faible consommation de fruits et légumes.

Les statines protègent bien des démences

Si la prise de statine pouvait induire des pertes de mémoire et des démences comme la maladie d’Alzheimer, ce serait vraiment très inquiétant. Je vais donc continuer par cette rumeur qui est malgré tout étonnante, car la relation entre un taux élevé de cholestérol et le risque de faire une démence a été établie depuis longtemps. Les statines devraient donc nous protéger sur ce plan et c’est le cas. La dernière méta-analyse (compilation de plusieurs études) qui a suivi 57.020 participants a constaté que ceux qui étaient sous statines voyaient leur risque de faire une démence être diminué de 38 % par rapport à ceux qui n’en prenaient pas. C’est franchement très rassurant.

Les statines protègent bien des infarctus et attaques cérébrales

La protection contre le risque d’infarctus du myocarde et d’attaque cérébrale fait partie des premiers bénéfices démontrés des statines. Je me suis donc intéressé à des questions plus fines comme le niveau de protection conféré chez les hommes ou chez les femmes, chez les patients diabétiques ou par les fortes doses de statines. Dans les grandes méta-analyses les plus récentes, j’ai effectivement retrouvé que les statines diminuent dans tous les cas le risque de faire un infarctus du myocarde ou une attaque cérébrale. Dans celle comparant l’effet des statines chez les hommes et les femmes, concernant 43.193 patients, la baisse était de 19 % chez les femmes et de 18 % chez les hommes. Dans celle concernant 12.711 diabétiques, la baisse était de 21%. Dans celle comparant l’effet des fortes doses de statines contre les faibles doses chez 175.000 participants, la diminution du nombre des infarctus du myocarde a été de 28 % dans le groupe à fortes doses contre 14 % dans le groupe à faibles doses. Ceci explique pourquoi plus le risque est élevé, plus les médecins proposent de fortes doses de statines.

Les statines augmentent la durée de vie

Dans ces mêmes études, si on s’intéresse maintenant à la mortalité globale ou à la mortalité cardiovasculaire, celles-ci sont diminuées chez les hommes de 19 à 21 % de manière significative et de 8 % chez les femmes, mais de manière non significative. Les fortes doses de statines quant à elles n’apportent pas un surcroît de baisse de mortalité par rapport aux faibles doses.

Finalement, vivons-nous plus longtemps sous statine ? La réponse est là encore clairement oui. Les 228.528 vétérans américains qui prenaient des statines, quels que soient les motifs, ont vécu 2 années de plus que les 1.261.938 vétérans qui n’en prenaient pas. Pourtant l’état de santé des vétérans sous statines était globalement moins bon du fait de leurs risques cardiovasculaires plus élevés !

Il existe plusieurs statines

Si vous présentez des risques cardiovasculaires importants, votre médecin sera donc tout à fait fondé de vous proposer une statine, la question étant alors laquelle et à quelle dose. Toutes les statines ne se ressemblent pas. Certaines par exemple ne sont éliminées que par le foie alors que d’autres ont une élimination mixte, hépatique et rénale. Il est donc important de toujours signaler à votre médecin les effets secondaires que vous pouvez observer sur vous, de manière à changer de statine ou de dose. Les statines sont des médicaments et ce qui compte c’est de trouver le meilleur rapport bénéfice-risque pour chacun.

Enfin, gardez bien à l’esprit que la prise de statine est une protection et non pas une garantie. Et la meilleure façon d’augmenter encore votre protection est d’avoir une bonne hygiène de vie avec une activité physique suffisante, une alimentation équilibrée de type méditerranéenne, et une bonne gestion du stress (voire la pratique d’activités équilibrantes psychiquement comme le Yoga, la méditation, etc.).

Sources :

Yusuf S. Lancet. Published online September 3, 2004.

Song Y. Geriatr Gerontol Int. 2013 Mar 6.

Gutierrez J. Arch Intern Med. 2012 Jun 25;172(12):909-19.

Chen YH. Exp Clin Endocrinol Diabetes. 2012 Feb;120(2):116-20.

Ribeiro RA. Int J Cardiol. 2011 Dec 20.

Jawahar L. Am J Cardiol 2006;98:923–928.

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