La dystonie du musicien, un tueur silencieux !

Publié par Dr Ange Mathieu Mezzadri
le 24/04/2006
Maj le
3 minutes
Autre
Angoisse de la page blanche, atteinte des cordes vocales, crampe des écrivains… nombreuses sont les pathologies spécifiques aux artistes. Certaines sont prouvées, d'autres non. Mais la dystonie des musiciens, elle, ne constitue aucunement une vue de l'esprit. Ses conséquences peuvent même s'avérer très graves ! A tel point qu'une consultation spécialisée a été mise en place pour les musiciens.

La majorité des musiciens sont touchés par des difficultés médicales

Une étude a montré que 76% des musiciens signalent une difficulté médicale susceptible d'altérer leur carrière. Le membre supérieur est atteint dans 77,5% des cas. On distingue le syndrome de surmenage et la dystonie de fonction*. Cette dernière consiste en un trouble moteur d'intensité variable caractérisé par la contraction involontaire de certains muscles, fixant un segment ou un membre entier dans une attitude particulière. Ce trouble touche environ un musicien sur cinq.

Les musiciens consultent trop tardivement

Un tiers des musiciens atteints parle d'une modification de la technique employée ou du rythme de travail instrumental dans les mois qui précèdent la survenue de la gêne. Mais, en général, les musiciens consultent quand les symptômes sont installés depuis des années. Ceux-ci, du reste, pouvant apparaître chez des sujets très jeunes, dès le conservatoire. Cette consultation tardive s'explique, notamment, par le fait que la dystonie de fonction est marquée par une absence de douleur. De plus, les musiciens pensent contrôler le phénomène en modifiant leurs habitudes techniques. Enfin, nombre d'artistes sont en situation de précarité - c'est le problème bien connu des intermittents - et évitent de laisser apparaître le trouble dont ils souffrent, jusqu'au moment où ils ne peuvent plus jouer, hélas.

Des termes musicaux pour des symptômes médicaux

Or, il est important de consulter au plus tôt. Il existe des services spécialisés adaptés à l'univers particulier des musiciens. En effet, s'ils se plaignent, tout comme nous, de sensations de faiblesse, de perte d'agilité, de raideur, de fatigue, ils expriment leurs plaintes de façon très différente A côté des termes généraux, les musiciens font souvent référence à l'exécution musicale elle-même. Il est donc impératif de traduire leurs termes musicaux en dénominations médicales : manque de son signifiant et de force ; problème de tempo, contrôle moteur insuffisant ; irrégularité d'un vibrato, manque d'agilité, raidissement des doigts, etc.

La consultation débute toujours comme une consultation médicale standard : âge, sexe, antécédents personnels et familiaux, mode de vie. Elle est suivie d'un examen complet, neurologique, rhumatologique et orthopédique. Dans un second temps, la consultation de pathologie musicale peut commencer. Elle dure entre une et deux heures car il faut examiner le musicien avec son instrument. Le médecin s'aide parfois de la vidéo pour repérer un mouvement anormal. Il recense ainsi tous les éléments aidant à la compréhension du problème et, surtout, évalue les chances de réinsertion ou non dans le milieu artistique. Question d'autant plus cruciale que les atteintes incriminées ne sont pas reconnues comme des maladies professionnelles et que la couverture sociale des musiciens est aussi déficiente que celle des intermittents.

Le ré-apprentissage comme outil de prévention de la dystonie

Agir précocement peut éviter ce drame. A ce jour, aucun traitement médical ou chirurgical n'ayant fait la preuve de son efficacité, les solutions les plus pertinentes relèvent davantage du réapprentissage instrumental que d'une thérapie médicale classique. Quelques principes doivent néanmoins être respectés :

  • ne jamais forcer, immédiatement arrêter de jouer dès les premières gênes,
  • se décontracter : le trac majore les troubles,
  • fractionner les périodes de travail,
  • traiter sur plusieurs plans, en intégrant notamment l'ergonomie, avec un professeur et/ou un kinésithérapeute pour adapter les tenues d'instruments à la morphologie de l'artiste.

La dystonie est certes un mal insidieux qui peut dramatiquement perturber l'avenir professionnel et, au-delà, toute la vie d'un musicien. Mais, démasqué à temps, ce tueur silencieux peut rendre les armes.* YAKOVLEFF A. : Pratique d'un instrument de musique et dystonie : apports d'une consultation spécialisée. Article paru dans La lettre du neurologue N°4. Août 1997.

Sources

HOPE

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