La douleur de l'enfant : mieux la comprendre pour mieux la soulager

Publié par Dr Sylvie Coulomb
le 22/08/2000
Maj le
6 minutes
Autre
Quelle que soit la façon dont l'enfant l'exprime, bruyamment ou au contraire très (trop) calmement, la douleur est un signe d'alarme qui, une fois reconnu et évalué, nécessite toujours un soulagement rapide. De nombreux médicaments contre la douleur ou antalgiques, adaptés à l'intensité de la douleur, agissent efficacement. Rassurer l'enfant et lui expliquer ce qui se passe sont tout aussi importants que les médicaments. Lors d'un soin potentiellement douloureux, un enfant bien informé coopérera toujours plus facilement.

On pensait autrefois et dans un passé encore récent qu'il ne fallait pas soulager la douleur car elle représentait un signe d'alarme nécessaire pour porter un diagnostic ou pour suivre l'évolution d'une maladie. Fort heureusement pour nos enfants, et grâce à l'impulsion d'un certain nombre de médecins, les mentalités évoluent. On sait aujourd'hui que, dès sa naissance, l'enfant peut ressentir la douleur. Soulager rapidement et efficacement l'enfant est en train de devenir une préoccupation prioritaire et l'on ne peut que s'en féliciter.

Comment l'enfant exprime sa douleur ?

Votre enfant a fait une chute ! Il n'est pas nécessaire d'être médecin pour se rendre compte qu'il a mal: il crie, pleure, s'agite, montre la zone douloureuse. Vous n'êtes pas sans savoir que bien souvent, l'enfant exprime de la même façon sa douleur, sa colère, sa peur ou son angoisse. En plus, certains sont plus démonstratifs ou plus sensibles que d'autres. Il n'est donc pas toujours facile, pour nous parents, de faire la part des choses. Néanmoins, croyez toujours ce que l'enfant exprime et rassurez-le en lui montrant que vous tenez compte de sa douleur.A l'inverse, s'il s'agit d'une douleur moins aiguë ou qui se prolonge, l'enfant, surtout s'il est plus jeune, peut se replier sur lui-même et devenir alors trop calme, immobile. Si vous voulez le prendre dans les bras pour le consoler, il refuse. Et vous voilà bien démunis, car vous ne comprenez pas cette soudaine hostilité.Dans tous les cas, et quelle que soit la cause de cette douleur, une consultation médicale est indispensable, afin de l'évaluer et surtout de la traiter rapidement.

Comment évaluer l'intensité de la douleur chez l'enfant ?

Il est évident que dans certains cas où la douleur est très intense, comme lors d'une fracture par exemple, il est inutile, voire même incongru, de chercher à quantifier son intensité.En dehors de ces situations bien particulières, le médecin dispose aujourd'hui de méthodes permettant d'évaluer plus objectivement la douleur de l'enfant. Pourquoi? Parce qu'il ne suffit pas de savoir si l'enfant a mal ou s'il n'a pas mal, il faut également connaître l'importance de cette douleur de façon à pouvoir la soulager plus efficacement. Il s'agit en réalité d'aider l'enfant qui souffre à mieux exprimer ce qu'il ressent. C'est évidemment plus facile chez l'enfant de plus de 5 ans avec qui il est possible de dialoguer: « Je vois bien que tu as mal, j'aimerais que tu me dises combien ». On peut alors lui proposer une échelle de visages où l'enfant désigne celui qui correspond le mieux à l'importance de sa douleur; le dessin d'un bonhomme permet à l'enfant de dire où il a mal et d'en indiquer l'intensité par des couleurs différentes.

L'échelle visuelle analogique est la plus simple et aussi la plus fiable: on demande à l'enfant de déplacer un curseur le long d'une échelle matérialisée par un triangle rouge qui s'élargit ver le haut; le curseur va de la position « pas mal du tout » à la position « très très mal »; au verso, une réglette graduée permet de noter l'intensité de 0 à 100 mm. On considère que la douleur est tolérable jusqu'à 30 mm et qu'elle doit être rapidement soulagée au-delà. Il existe également une autre échelle, appelée échelle numérique simple, où l'enfant doit attribuer une note de 0 à 10 pour exprimer l'intensité de sa douleur.Chez le tout-petit, on peut évaluer une douleur prolongée par des échelles dites comportementales, qui sont souvent utilisées après une intervention chirurgicale: elles prennent notamment en compte l'aspect du visage, du corps, le sommeil et la qualité de la relation avec l'enfant.

Quel traitement ?

L'objectif doit être de soulager l'enfant le plus vite possible, en attendant que le traitement de l'affection en cause fasse son effet.Les médicaments utilisés sont des antalgiques, que l'Organisation Mondiale de la Santé a classé en trois niveaux.Le niveau I est indiqué pour les douleurs légères à modérées. Il comprend le paracétamol, en sirop ou en suppositoire, l'aspirine (ou acide acétylsalicylique) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, dont l'ibuprofène qui a l'avantage d'agir rapidement et de façon durable. Ces médicaments permettent en pratique de soulager la plupart des douleurs « bénignes ».Devant une douleur moyenne à sévère ou lorsqu'un antalgique de niveau I n'a pas suffi à soulager la douleur, le médecin va prescrire un antalgique de niveau II, qui appartient à la classe des opiacés faibles ou dérivés de la morphine. Il s'agit essentiellement d'un sirop de codéine, qui peut être donné à l'enfant dès l'âge de 1 an; il existe également des antalgiques qui associent du paracétamol et de la codéine, que l'on peut administrer à l'enfant s'il pèse 15 kilos ou plus, c'est à dire vers l'âge de 3 ans. Ces médicaments, qui ne peuvent évidemment être délivrés que sur prescription médicale, peuvent être associés à des antalgiques de niveau I pour renforcer l'action anti-douleur.La morphine, antalgique de niveau III, est réservée aux douleurs intenses (traumatisme avec fractures, brûlure étendue, douleur post-opératoire, ...). Ce traitement est le plus souvent administré à l'hôpital. Sachez que la morphine n'entraîne aucune dépendance, ni à court, ni à long terme et qu'il n'y a donc aucun risque de toxicomanie future. La morphine peut d'ailleurs être donnée aux nouveau-nés et aux nourrissons.

Quel que soit le traitement entrepris, pensez à surveiller la position de l'enfant, respectez son sommeil et son repos. Et le plus important est de ne pas oublier les caresses et les câlins...

La douleur peut être prévenue ou atténuée lors d'un soin douloureux

Votre enfant doit subir une prise de sang, une piqûre ou une suture... Il est important qu'il soit alors informé sur ce qu'il va lui être fait. Cela le rassurera et il sera alors certainement plus coopératif. Il ne faut surtout pas lui mentir si le soin risque d'être douloureux, mais seulement le prévenir sans dramatiser: « certains enfants ont mal, d'autres pas » ou « tu as le droit de pleurer, même si tu es grand et courageux ». Votre présence, en tant que parents, est souvent souhaitable, car elle sécurise l'enfant, d'autant plus qu'il est plus jeune. Parlez-lui ou racontez-lui une histoire pour le distraire.On dispose aujourd'hui d'une crème anesthésique qui permet de pratiquer de nombreux soins dans un climat plus serein. Elle induit une anesthésie locale de la peau sur une profondeur de 2 à 5 mm et pendant 2 à 3 heures. Elle est donc particulièrement recommandée avant les ponctions, les sutures, les poses de perfusion, ou certaines vaccinations, chez l'enfant de plus de 3 mois. Elle existe maintenant également en patch, ce qui rend son application encore plus facile.Et lorsque le soin est terminé, félicitez votre enfant. Vous pouvez être fier de lui !

Sources

- La douleur de l'enfant. FMC Hebdo. 13 juin 2000 - 4ème Forum de la douleur. Paris. 18 mars 2000 - La douleur de l'enfant. C. Ecoffey et I. Murat. Flammarion Médecine Sciences. 1999 - Soulager la douleur de l'enfant. C. Pilon. Hôpital Ste Justine. 1999

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