La COVID-19 infecterait (aussi) les cellules de la bouche

Publié par Sophie Raffin
le 5/11/2020
Maj le
5 minutes
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Istock
Selon une nouvelle étude américaine, le SARS CoV-2 affecterait les cellules de la bouche. Cette découverte pourrait expliquer la perte de goût observée chez certaines personnes atteintes de la COVID-19.

Alors que le SARS-CoV-2 reste encore assez mystérieux, des chercheurs de l’American Dental Association Science and Research Institute et de l’Université de Caroline du Nord révèlent que notre bouche pourrait être la première source de l’infection de la COVID-19.

Le nouveau coronavirus détecté dans les cellules buccales

Dans leur étude mise en ligne dans la base de données réunissant les papiers en attente de publication MedRxiv, les chercheurs avancent que certains tissus buccaux pourraient être les plus vulnérables au SRAS-CoV-2, virus responsable de la nouvelle maladie. 

Le Dr Kevin Byrd, directeur de la recherche orale et craniofaciale à l’American Dental Association Science and Research Institute a expliqué à la chaîne WTKR : "Une des choses que nous entendions le plus dans les études de cas sur la COVID-19, était que des gens présentaient des symptômes inhabituels dans la bouche :  perte de goût, parfois perte d'odorat ainsi que la sécheresse buccale. Nous avons ainsi décidé d'étudier les glandes qui font cracher ou saliver ainsi que les papilles gustatives, siège principal sens du goût, pour voir si ces sites étaient infectés par le virus”. 

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Les scientifiques ont analysé les échantillons de quelques douzaines de personnes atteintes par la COVID-19. Après avoir étudié l’ARN des cellules de leur bouche, ils ont constaté, en effet, que celles des glandes salivaires, de la langue et des amygdales transportaient plus d'ARN lié aux protéines dont le coronavirus a besoin pour infecter les cellules comme les récepteurs ACE2 et l’enzyme TMPRSS2.

"Notre étude montre que la bouche est une voie d'infection, ainsi qu'un incubateur pour le SRAS-CoV-2", confirme l’auteur principal de l’étude.

Par ailleurs, son équipe a fait un second constat après avoir examiné des patients décédés de la COVID-19. Les cellules des glandes salivaires, des amygdales et de la langue présentaient plus de preuves d'infections. 

Pour le Dr Kevin Byrd, il est probable que les glandes salivaires mineures - qui sont disséminées dans toute la cavité orale et responsables en moyenne de 10% de la production de salive - soient la principale source de virus dans la salive. 

Une perte de goût enfin expliqué 

L’autre découverte importante : plus le virus est présent dans les cellules buccales, plus il est probable que le malade souffre d’une perte de goût et d'odorat. L’auteur principal des travaux précise : "l'infection des cellules de la bouche par le SRAS-CoV-2 pourrait entraîner des changements dans la production ou la qualité de la salive, ce qui expliquerait le symptôme de la perte de goût rencontré par de nombreux malades de la COVID". 

Pour l’équipe, de nouvelles études sont nécessaires pour tenter de comprendre comment cette infection buccale affecte l'évolution de la maladie et la façon dont ces cellules touchées contribuent à la propagation du coronavirus entre les personnes.

COVID : la salive des personnes asymptomatiques mise en cause

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COVID : la salive des personnes asymptomatiques mise en cause

Les chercheurs de l’American Dental Association Science and Research Institute et de l’Université de Caroline du Nord ont remarqué un autre point inquiétant : les personnes asymptomatiques peuvent transporter beaucoup de particules virales dans leur salive.

En effet, le virus a été trouvé dans la salive deux personnes asymptomatiques, 14 jours après leur première analyse positive alors qu’elles avaient déjà été testées négatives à la COVID-19 avec les échantillons prélevés dans le nez et la gorge à ce moment-là. 

"Cette recherche souligne avec force l'importance des mesures de santé publique que nous savons efficaces - masques, éloignement social et lavage des mains - que vous ayez des symptômes ou non”, a rappelé le Dr Kevin Byrd.

En ce qui concerne la façon dont l'infection buccale s'inscrit dans la grande image du COVID-19, "il y a beaucoup à apprendre sur l'endroit où l’infection SRAS-CoV-2 commence, son voyage dans notre corps et son élimination, précise l'expert.

Et pour y parvenir, l’équipe américaine a mis en place un atlas cartographiant les différentes cellules buccales où l'on a découvert de l'ARN. Il en contient déjà une cinquantaine.

Coronavirus : et si votre bain de bouche vous protégeait

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Coronavirus : et si votre bain de bouche vous protégeait

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs s'intéressent de près à la bouche des patients atteints du COVID-19. Des scientifiques ont émis l’hypothèse dans un article paru dans la revue Fonction en mai dernier que les bains de bouche pouvaient protéger du SARS-CoV-2.

Pour eux, les composants du produit antiseptique offriraient des propriétés virucides permettant de diminuer la charge virale dans les gouttelettes de salive émises par les malades. "Le Sars-CoV-2 est un virus caractérisé par une membrane lipidique externe dérivée de la cellule hôte dont il est issu. Or, les formulations des bains de bouche existants perturbent cette membrane lipidique", ajoutent les auteurs de l'étude.

Pour avancer sa théorie, l’équipe avait étudié les effets sur le coronavirus des principaux ingrédients des bains de bouche : l'éthanol, la chlorhexidine, le chlorure de cétylpyridinium, le peroxyde d'hydrogène et le povidone iodée.

L'école de médecine de Pennsylvanie a également travaillé sur cette hypothèse récemment. L'article présenté en octobre, révèle qu'un bain de bouche d’une trentaine de secondes pouvait désactiver 99,9 % des coronavirus humains.

Toutefois, les chercheurs ne garantissent pas pour autant qu’il s'agît d’un remède. Il précise que les tests ont été faits sur des cellules et non sur l’homme. Par ailleurs, les tests ont porté uniquement sur le coronavirus HCoV-229E. De nouvelles analyses sont nécessaires pour déterminer si le bain de bouche à la capacité de réduire la charge virale des personnes testées positives à la COVID-19. 

Il reste donc vital de respecter les gestes barrières pour enrayer l’épidémie : le port du masque, le lavage des mains et la distanciation physique.

Sources

Integrated Single-Cell Atlases Reveal an Oral SARS-CoV-2 Infection and Transmission Axis, Medrxiv, 27 octobre 2020

COVID-19 infects the mouth. Could that explain patients' taste loss?, Livesciences, 2 novembre 2020

UNC study shows mouth as 'primary source' of COVID-19 spread, infection, Wtkr, 4 novembre 2020

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