La chirurgie du dos, en pleine évolution

«J’en ai plein le dos !» Cette exclamation n’a pas été trouvée par hasard. Le dos est effectivement celui qui porte le poids des maux, physiques ou psychologiques. En France ce sont près de trois millions de personnes qui souffrent du dos. Nombreux sont ceux qui ont essayé les kinésithérapeutes et ostéopathes, les anti-douleurs et pommades relaxantes sans trouver d’issue à ce mal qui ronge au quotidien et devient parfois un véritable handicap social et professionnel. Si tous les patients ne peuvent pas être candidat à la chirurgie du dos, pour certaines pathologies, elle se révèle très efficace. Avec les nouvelles technologies dont bénéficie aujourd’hui cette chirurgie, les opérations deviennent de moins en moins invasives et la convalescence de plus en plus rapide.
Mal de dos : qui et quand opère t-on ?
Le parcours du «dos douloureux» (lire encadré) commence bien souvent chez le généraliste, lequel peut proposer des séances de kinésithérapie, des infiltrations, et peut renvoyer vers un rhumatologue, en complément d’un traitement médical approprié. Au bout de plusieurs mois, si la douleur se fait toujours aussi intense, la visite chez le chirurgien du rachis qu’il soit chirurgien orthopédiste ou neurochirurgien s’impose.
L’opération du dos ne s'effectuera donc qu’en cas d'échec du traitement médical et si la cause anatomique des douleurs est précisément identifiée et curable par un acte chirurgical. Un bilan lésionnel est alors établi après examen clinique, radiographique et IRM... Dans tous les cas, la décision n’est jamais prise par un seul spécialiste. Elle est le résultat d’une prise en charge globale car les lombalgies naissent souvent de nombreux facteurs. Le patient participe à ce choix car il est le plus apte à juger de l’impact de ces douleurs sur sa vie personnelle.
En effet, la souffrance provoquée par ces douleurs peuvent parfois devenir un vrai calvaire. «Il y a deux ans, j’ai eu une sciatique. Malgré les traitements, la douleur est devenue chronique et de plus en plus intense, explique Catherine, 52 ans, secrétaire comptable. Cela a beaucoup affecté mon moral et ma susceptibilité. Je n’étais plus capable de travailler et de me concentrer.» Certaines pathologies peuvent, comme la hernie, devenir si importante, qu’elle engendre des déficits neurologiques. «Dans ce cas, plus l’opération se fait attendre, moins les résultats seront bons», commente le professeur Charles Court, chirurgien orthopédiste au CHU Bicêtre, secrétaire général adjoint de la Sofcot* et membre de la SFCR**.
Entre chirurgie classique et nouvelle chirurgie
Le principe de la «nouvelle chirurgie», dite mini-invasive, est de réaliser le même acte chirurgical qu’en chirurgie classique mais de manière moins agressive pour les muscles. «Il y a encore quelques années, l’opération des hernies discales, ou encore les arthrodèses en région lombaire (NDLR : fixation d'une ou deux vertèbres), se faisait en chirurgie classique, note le professeur Court.
Aujourd’hui la chirurgie mini-invasive a pris le pas et ces évolutions permanentes permettent d’opérer de plus en plus de pathologies.» Avec la chirurgie mini-invasive, une incision de deux à quatre centimètres est suffisante, en décollant et poussant très peu d'éléments pour atteindre la racine. Le chirurgien est aidé pour cela d'un microscope, ou de loupes grossissantes ou d’un endoscope, qui permet de voir sur un écran vidéo, le champ opératoire à fort grossissement.
De plus, d'autres champs de cette nouvelle chirurgie s'ouvrent, comme celle des métastases vertébrales, mais également pour certains types de fractures de la colonne, qui là encore étaient uniquement traitées par voie classique.
Des opérations du dos plus «douces»
Les avantages sont nombreux pour le patient. «La chirurgie percutanée, qui fait partie de la chirurgie mini-invasive, permet de fixer la colonne vertébrale en mettant des tiges et des vis dans les vertèbres, à travers des orifices cutanés qui mesurent 10 millimètres, le tout sous contrôle radiologique opératoire, poursuit le Professeur Court. Une autre version de la chirurgie mini-invasive consiste à aller jusqu'à la colonne vertébrale mais en passant entre les muscles. On diminue alors les douleurs postopératoires car les muscles ne sont pas abîmés. La diminution du saignement entraîne également moins de risques infectieux. La convalescence est plus rapide.» Pour certaines maladies comme l'ostéoporose ou certains types de cancer, les fractures vertébrales par compression entraînent de graves conséquences, dont une déformation de la colonne vertébrale et des douleurs.
La chirurgie percutanée, comme la cyphoplastie par ballonnets, qui consiste à insérer un ballonnet gonflable pour redonner la hauteur du corps vertébral, est alors prescrite, car les traitements conventionnels ne permettent pas de la corriger. Utilisée aux États-Unis depuis 2004, cette technique est pratiquée en France dans une cinquantaine de centres du secteur public dans les services de neurochirurgie, d'orthopédie ou de radiologie interventionnelle, et permet de réduire voir même éliminer la rééducation postopératoire. Néanmoins, ces nouvelles techniques ne peuvent s’appliquer à toutes les pathologies.
La chirurgie à ciel ouvert constitue encore 50 % des opérations. Elle est la seule solution pour certaines pathologies. Cette chirurgie «classique» consiste à ouvrir l'arrière au niveau du dos. Les incisions sont alors plus importantes, de 10 à 15 centimètres.
Une chirurgie du dos en perpétuelle évolution
Les innovations concernent principalement la réduction des incisions et la préservation des muscles. Autrefois, les suites opératoires et la durée d’hospitalisation pour une hernie discale étaient plus longues et les douleurs souvent persistantes. Les nouvelles techniques utilisées aujourd’hui orientées vers la chirurgie mini-invasive permettent de préserver les structures musculaires, très importantes pour stabiliser la colonne vertébrale.
D’autres techniques de chirurgie mini-invasive sont en phase de recherche et devraient être effectives dans les années à venir. Les techniques d’imagerie au bloc deviendront plus performantes grâce notamment à des amplificateurs de brillance, permettant une meilleure précision mais aussi une diminution de l’exposition au rayon X.
Des systèmes de navigation opératoire sont aussi mis en place afin de développer la chirurgie du rachis assistée par ordinateur. De nombreuses évolutions sont également attendues dans le domaine des ciments qui pourraient à terme se résorber et permettre la formation d’os.
Chirurgie du dos : une solution miracle ?
Malgré les progrès de la chirurgie du dos, les 100 % de réussite ne sont pas atteints.
Pour exemple, la chirurgie de la hernie discale qui consiste à soulager la sciatique, en levant la compression du nerf par la hernie apporte un soulagement important dans 85 à 95 % des cas. Un autre recours à la chirurgie consiste à souder deux ou plusieurs vertèbres en cas de discopathie, d’instabilité ou devant des déformations. Les arthrodèses soulagent dans 70 % à 80 % des cas.
Près de 20 % des résultats sont donc non satisfaisants, pour un traitement irréversible. Au-delà du soulagement, qui peut être relatif au vu de la douleur éprouvée avant l’opération, toute chirurgie, classique ou nouvelle, peut entraîner des complications, même si elles restent rares. Les principales complications étant les infections, et la proximité de la moelle épinière qui rend certaines opérations susceptibles de complications neurologiques.
Mal de dos : prévention et sensibilisation
Si certaines pathologies du dos peuvent difficilement faire l’objet de prévention (pathologies traumatiques ou tumorales), d’autres en revanche nécessitent juste d’adopter de bons gestes et de bonnes postures au quotidien. «Un grand nombre de problèmes de dos et donc de traitement, voir d’opération, pourraient être évités grâce de bons gestes et à une bonne hygiène de vie», conclut le Professeur Court. Dans de nombreux centres hospitaliers, les services d’orthopédie renseignent et mettent à disposition des supports de prévention.
*Sofcot : Société française de chirurgie orthopédique : www. sofcot.fr
**SFCR : Société Française de Chirurgie Rachidienne : www.scfr.fr
Lumbago, lombalgie, sciatique…, comment les distinguer ?
Il existe de nombreux types de douleurs au dos. Les maux de dos peuvent être définis selon le type de la douleur (aiguë ou chronique, mécanique ou inflammatoire) et sont classés en trois pathologies, traumatiques (fractures à la suite d'un accident), dégénératives (dû au vieillissement), tumorales (lié à un cancer). On peut ainsi distinguer :
- Les lombalgies, qui correspondent à des douleurs chroniques situées en bas du dos, au niveau des vertèbres lombaires, en dessous de la dernière vertèbre qui porte une côte.
- Le lumbago, douleur qui survient brutalement dans la région lombaire, en bas du dos, parfois d'un seul côté, le plus souvent après un «faux mouvement».
- L'arthrose, maladie chronique provoquée par une usure précoce du cartilage qui peut toucher toutes les articulations.
- La hernie discale correspond à une saillie anormale du disque intervertébral (disque situé entre chaque vertèbre de la colonne vertébrale et permettant à la colonne vertébrale d'acquérir sa souplesse et d'amortir les chocs). La hernie discale peut entraîner une sciatique, si la hernie arrive au contact d'une racine nerveuse.
- La sciatique, est provoquée par une saillie d'une hernie discale située entre les deux derniers disques lombaires. Elle provoque une douleur sur le trajet du nerf sciatique. La douleur irradie de la fesse, jusqu'au pied en passant par la cuisse.
«J’ai eu le sentiment d’être libéré»
(Emmanuel, 42 ans, formateur en gestes et postures)
«Depuis l’âge de 20 ans, je collectionne les lumbagos et les sciatiques. De par mon métier, je connais et pratique les bons gestes mais du fait de l’utilisation quotidienne de la voiture, mon dos a fini par lâcher. En février 2010, je me suis donc retrouvé totalement bloqué et une IRM a permis de détecter une hernie discale. J’ai donc suivi des traitements à base d’anti-douleur et d’infiltrations foraminales de corticoïdes ce qui a eu pour effet de diminuer la douleur.
Pendant un an, j’ai suivi ces traitements, sans que les douleurs ne disparaissent vraiment, mais en ingérant tellement de produits chimiques que mes intestins et mon estomac sont aussi devenus douloureux. Jusque-là, aucun orthopédiste ne m’a prescrit une intervention chirurgicale, que je souhaitais vivement.
En février 2011, au bout d’un an de traitement et d’un épuisement moral et physique, j’ai fini par trouver un kinésithérapeute qui m’a orienté vers un chirurgien. J’ai été hospitalisé le 10 mars et suis ressorti le 13. L’incision devait être petite, mais la hernie était plus grosse que prévue, j’ai donc une cicatrice qui mesure une dizaine de centimètres.
La rééducation a été longue car le nerf avait été comprimé pendant un an et le traumatisme était important. Malgré cela, quand j’ai pu au bout de quelques jours m’asseoir plus de cinq minutes d’affilée sans avoir besoin de me lever pour soulager mon dos, j’ai eu le sentiment d’être libéré. L’essentiel maintenant est de conserver de bonnes habitudes et les bonnes postures pour éviter de revivre cette expérience.»
Je bouquine…
- Mal de Dos en 100 questions, Brochure de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris.
- Cinquante exercices contre le mal de dos, de Jean Christophe Berlin, Éditions Flammarion.
Sources
Côté Santé.