La BPCO, trop souvent dépistée trop tard

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 3/02/2016
Maj le
4 minutes
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La BPCO (pour bronchopneumopathie chronique obstructive) sera la troisième cause de mortalité mondiale dans les décennies à venir. Cette maladie pulmonaire a la particularité de rester silencieuse pendant de longues années. Et lorsque les symptômes apparaissent, la capacité respiratoire est déjà fortement altérée de façon irréversible. Seul un dépistage précoce permet d’éviter l’entrée dans la maladie et l’insuffisance respiratoire chronique.Le Dr Philippe Serrier, pneumologue à Paris à l’hôpital Cochin nous explique pourquoi tant de personnes sont dépistées trop tard et comment améliorer cette situation.

BPCO : agir en amont, avant qu’il ne soit trop tard

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie qui se manifeste très tardivement par des symptômes. « L’enjeu est d’arriver à dépister les personnes à risque avant que les symptômes ne se manifestent, car une fois présents, la fonction respiratoire est déjà altérée d’environ 50%, explique le Dr Philippe Serrier. Ce dépistage doit cibler tous les patients à risque. » Les principaux facteurs de risque sont le tabac et le cannabis. Ils sont à l’origine d’environ 80% des BPCO. Les autres cas sont liés à des expositions professionnelles (métiers à haut risque d’empoussièrement, certains métiers agricoles comme l’élevage de porc et la laiterie, l’industrie du coton…), avec un chevauchement possible (un fumeur exerçant un métier à risque).

Agir en amont permet de proposer un sevrage tabagique ou d’alerter le médecin du travail.

Pourquoi les personnes concernées ne sont-elles pas dépistées plus tôt ?

Actuellement, seules 25% des BPCO sont diagnostiquées lorsque les symptômes sont encore discrets.

Dr Serrier : « Il faut bien comprendre que les personnes concernées ne se rendent pas vraiment compte de la baisse de leur capacité respiratoire. Ils adaptent inconsciemment leur vie en réduisant insensiblement leurs activités, en utilisant davantage les transports au lieu de marcher, en réduisant leur vitesse de marche, etc. Au fur et à mesure de la progression de la maladie, la qualité de vie se dégrade fortement. Cette maladie est aussi souvent accompagnée d’autres pathologies, directement ou indirectement associées à la cause de la bronchopneumopathie, notamment au tabagisme. » C’est ainsi que les personnes touchées par la BPCO sont aussi souvent atteintes d’une maladie cardiovasculaire, d’un diabète, d’un syndrome d’apnées du sommeil, d’ostéoporose ou d’un cancer bronchopulmonaire. « La dépression fait aussi partie des ces maladies associées et explique pourquoi en cas de BPCO, les personnes emploient les mots de la dépression plutôt que ceux de l’essoufflement quand elles s’expriment ».

Quels sont les symptômes évocateurs d’une BPCO ?

Le principal symptôme de la BPCO est l’essoufflement. Mais « il se quantifie très mal et il est difficile à décrypter lorsque l’on interroge le patient. Il s’évalue alors en fonction de la vitesse de marche et du nombre d’étages que l’on peut monter, indique le Dr Philippe Serrier. D’autres symptômes sont souvent associés à la BPCO : une toux chronique, des expectorations (crachats) et une obstruction chronique des voies respiratoires avec baisse du débit expiratoire (expiration courte). »

Sur quoi repose le traitement ?

Le meilleur traitement est le sevrage tabagique et du cannabis. Très rapidement, la fonction respiratoire cesse de se dégrader pour rejoindre le déclin normal de la respiration lié à l’âge.

Mais le sevrage ne permet pas d’améliorer ce qui a été perdu, ou vraiment très peu.

Le traitement repose sur les bronchodilatateurs. La baisse du débit respiratoire est peu sensible à ces médicaments, à la différence de l’asthme où l’obstruction des bronches est réversible. Mais ils sont utilisés, car ils agissent sur d’autres paramètres et sur l’amélioration de la tolérance à l’effort. Dans les formes plus sévères, ils sont associés aux corticoïdes inhalés.

En cas de suspicion d’infection bactérienne, on recourt parfois à des antibiotiques. La cortisone peut rendre quelques services en traitement court dans les exacerbations de la maladie.

La récupération des exacerbations est très lente, sur plusieurs mois, mais parfois sans retour à l’état basal antérieur. « Les exacerbations, souvent liées à des infections virales ou bactériennes, représentent un facteur de gravité et déterminant de la prise en charge ».

Enfin, dans les formes graves, la mise sous oxygène est indispensable pour diminuer la mortalité et améliorer la qualité de vie.

Le Dr Serrier nous indique par ailleurs que la vaccination contre la grippe est vivement recommandée, car l’immunisation diminue la mortalité liée à la BPCO. Celle contre le pneumocoque peut aussi être conseillée dans les formes graves.

Que retenir en pratique

« Tout sujet à risque (a minima tous les fumeurs), même sans plainte respiratoire, doit en parler à son médecin. Celui-ci procèdera à un dépistage ou adressera son patient à un pneumologue. Bien évidemment, cette démarche s’impose d’autant plus en présence de signes respiratoires (toux, crachats, essoufflement à l’effort), mais c’est avant les signes que le dépistage prend toute sa valeur. Quant à la meilleure prévention, c’est de ne jamais commencer à fumer », conclut Philippe Serrier.

Le saviez-vous ?

Tous les fumeurs ne sont pas exposés de la même façon à la BPCO. Nous sommes inégaux face aux polluants, tabac y compris. De plus, il existe de nombreuses formes de BPCO : par exemple, certaines surviennent plus typiquement chez des sujets jeunes, se développent très vite et sont graves. D’autres, d’évolution lente, avec peu d’exacerbations, se manifestent davantage chez des sujets plus âgés. Les femmes sont aussi plus vulnérables au tabagisme et à ses conséquences sur la fonction respiratoire, et donc à la BPCO...

Sources

En collaboration avec le Dr Philippe Serrier, pneumologue, service de Pneumologie au sein de l’AP-HP Groupe hospitalier Cochin (Paris).

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