Isoflavones de soja, une alternative contre les bouffées de chaleur ?

Les phytoestrogènes de soja, qu'est-ce que c'est ?
Dr David Elia : Les phytoestrogènes sont des molécules végétales que l'on retrouve dans beaucoup de plantes, mais en particulier dans le soja, non pas dans les pouces de soja, mais dans les feuilles de soja.
Le soja est une plante qui a des propriétés extraordinaires. On peut l'utiliser pour faire des protéines, en particulier le tofu. Cet aliment contient beaucoup de protéines, de bons acides gras également, et un peu de glucides. Les Asiatiques l'appellent la ' viande sans os ', signifiant que l'on peut très bien combler ses besoins protéiniques avec des protéines de soja.
Dans cette plante, on trouve également des molécules chimiques, les isoflavones, qui ont des caractéristiques architecturales proches des estrogènes, hormones actives biologiquement que l'on trouve particulièrement chez les femmes sécrétées par leurs ovaires avant la ménopause. Elles ne sont pas identiques, mais se ressemblent, d'où leur nom de phytoestrogènes : les estrogènes de plantes.
Quelles sont les propriétés des phytoestrogènes ?
Dr David Elia : Les phytoestrogènes se comportent parfois dans le corps humain comme des estrogènes, et parfois comme des anti-estrogènes, tout dépend du type d'organe ou de cellules ciblés.
Chez la femme, les estrogènes sont fondamentales à tout endroit du corps féminin : elles font pousser les seins, la muqueuse utérine (d'où les règles), elles sont responsables des propriétés de la peau féminine, de la voix, etc. En revanche, les phytoestrogènes miment l'action des estrogènes sur certaines parties du corps et s'y opposent sur d'autres organes.
Elles agissent un peu sur le même concept que les SERM (modulateur sélectif du récepteur des estrogènes), des hormones comme celles contenues dans le Raloxifène (Evista®). A titre d'exemple, le Raloxifène est un médicament prescrit contre l'ostéoporose. Il exerce des propriétés pro-estrogènes sur l'os, bénéfiques pour préserver la densité osseuse à la ménopause. Mais il exerce aussi, inversement, des propriétés anti-oestrogènes sur les seins et l'utérus, ce qui diminue légèrement le risque de cancer du sein et de l'utérus.
On appelle ainsi les phytoestrogènes des ' mini-SERM ' naturels pour leurs effets opposés et aussi parce que leur action biologique est beaucoup plus faible que celle des estrogènes naturellement présentes chez les femmes.
Les phytoestrogènes sont-elles intéressantes chez les femmes ménopausées ?
Dr David Elia : Au moment de la ménopause, surviennent classiquement des symptômes parfois très désagréables. Pour 75% de femmes, ce sont des bouffées de chaleur, mais parfois aussi des douleurs articulaires, une sécheresse vaginale, de la fatigue, etc. Les isoflavones de soja ont montré une certaine efficacité contre les bouffées de chaleur uniquement.
Pourtant, les études sont très nombreuses et très contradictoires. Les résultats dépendent du type d'études effectuées, du nombre de cas, de la population étudiée, du type d'effet recherché, des produits à base de phytoestrogènes employés, etc.
Il existe cependant une quinzaine d'études, dont une française, ayant montré une efficacité des isoflavones de soja sur les bouffées de chaleur de l'ordre de 60% à la dose de 75 mg par jour, contre 30 à 40% avec un placebo.
Cet effet n'est certes pas à la hauteur de celui obtenu avec le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS), mais il reste conséquent et particulièrement intéressant dans le contexte actuel où ce traitement classique de la ménopause est délaissé en raison de ses risques potentiels. En d'autres termes, dans un contexte où l'on se tourne vers d'autres alternatives.
Les effets des phytoestrogènes sont-ils identiques chez toutes les femmes ?
Dr David Elia : Si les effets sont évalués à 60%, cela signifie également que 40% des femmes ne répondront pas aux phytoestrogènes. Il faut savoir par ailleurs que les isoflavones deviennent actives lorsqu'elles entrent en contact avec les bactéries intestinales. Ainsi, les effets des phytoestrogènes dépendent aussi de la situation intestinale. L'intensité des bouffées de chaleur semble être un autre facteur à prendre en considération.
Ce qu'il faut retenir, c'est que les isoflavones de soja représentent une solution alternative au traitement hormonal chez les femmes ménopausées qui souffrent de bouffées de chaleur.
Quant à l'action des phytoestrogènes sur les seins, il n'existe aucune démonstration fiable. Le seul indice que l'on possède est la faible incidence du cancer du sein chez les femmes japonaises, grandes consommatrices de soja (3% au Japon contre 12% en France). Cette constatation est insuffisante pour établir une preuve. Il en est de même des effets protecteurs sur l'os.
On n'observe en général aucun effet indésirable avec ces isoflavones de soja et il ne semble pas y avoir de contre indications aux doses habituellement recommandées. Tout au plus, devra t-on faire avec son médecin le calcul des bénéfices et des risques potentiels méconnus lorsque l'on est dans le contexte d'un ancien cancer du sein.
Constatez-vous les effets des phytoestrogènes dans votre pratique quotidienne ?
Dr David Elia : Chez certaines femmes incommodées par des bouffées de chaleur, les phytoestrogènes n'ont aucun effet. En revanche, chez d'autres, les suées disparaissent effectivement et réapparaissent même à l'arrêt du traitement. Globalement, je suis en accord avec les études dont on dispose qui indiquent 60 à 75% maximum d'efficacité.
En pratique, je conseille des spécialités pharmaceutiques au dosage de 50 à 75 mg par jour. En cas d'inefficacité, je ne recommande pas d'augmenter la dose mais d'interrompre ce traitement car il se révèle tout simplement inefficace chez certaines femmes.
Je m'efforce enfin de conseiller (car on ne prescrit pas : ce sont des compléments alimentaires disponibles sans ordonnance) des produits de qualité : en particulier ceux proposés par les laboratoires pharmaceutiques classiques qui appliquent avec le même sérieux la fabrication de leurs produits phytos que celle dont ils font preuve avec les médicaments prescrits sur ordonnance.
* Le Dr David Elia est gynécologue, rédacteur en chef du magazine GENESIS, leader de la presse gynécologique, publie régulièrement dans les revues scientifiques et est l'auteur de plus de 35 livres grand public. Il a également créé un site internet à destination des femmes(www.docteurdavidelia.com), ainsi qu'un Podcast sur lequel ont peut l'entendre : http://david100.podemus.com
Enfin, le Dr David Elia est membre du comité scientifique d'e-sante.