Interview : pas d'enfant au soleil !

e-sante : Vous semblez inquiet sur l'accroissement du nombre de cancers de la peau. Que pouvez-vous nous dire sur l'évolution du comportement des Français que vous étudiez ?
Pr Jean-François Doré : Le comportement des Français vis-à-vis du soleil a changé : en 40 ans, avec la mode des peaux bronzées et l'augmentation des vacances « à la plage », les Français s'exposent beaucoup plus. Et le nombre de cancers augmente Le problème aujourd'hui c'est que les Français utilisent des crèmes solaires justement pour pouvoir s'exposer plus longtemps et à n'importe quel moment de la journée.Les sondages montrent que les messages de précaution atteignent leurs cibles mais que les comportements ne changent pas.
e-sante : Ceci signifie que les crèmes ne sont pas efficaces ?
Pr Jean-François Doré : Non, elles le sont. Mais elles sont efficaces contre les coups de soleil, pas contre tous les risques de cancers cutanés. La crème n'est pas la seule bonne réponse. La protection solaire est un comportement global, une combinaison de règles à respecter : ne pas s'exposer entre 12 et 16 heures, porter des vêtements adaptés, des lunettes, un chapeau et bien sûr appliquer une crème Et même pour des peaux déjà bronzées qui restent tout aussi vulnérables.
e-sante : Y-a-t-il d'autres préjugés comme celui de croire qu'une peau bronzée (par des UV avant de partir en vacances par exemple) est moins vulnérable ?
Pr Jean-François Doré : Oui, malheureusement. Si nous savons qu'un coup de soleil est une brûlure, nous ignorons que la coloration de la peau est le résultat d'une défense des cellules, une réaction face à une agression extérieure. Il n'y a donc pas de bronzage sans danger. Le bronzage est déjà un signe de dégât (qui génère ensuite le vieillissement cutané prématuré par exemple).Un autre préjugé : nous laissons les enfants jouer dehors au soleil faiblement vêtus, recouverts d'écran total de fort indice. C'est une erreur de croire qu'ils sont protégés. La peau est fragile, c'est un organe qu'il faut préserver car il joue un rôle fondamental de barrière. Plus on s'expose aux rayons et plus tôt on le fait durant l'enfance, plus on accroît le risque de cancers à l'avenir.Enfin, les gens pensent qu'en restant trois heures au soleil, aux heures les plus chaudes de la journée, ils seront trois fois plus bronzés. C'est faux ! Il faut trois jours pour établir un bronzage et les doses d'ultraviolets solaires nécessaires sont faibles : au bout de trois jours, on bronze de la même manière, que l'on se soit mis au soleil à l'heure du déjeuner ou que l'on se soit exposé uniquement le matin et le soir
* Le Professeur Jean-François Doré, Directeur de recherche à l'INSERM et spécialiste des effets du soleil, s'est mobilisé en juin 2003 aux côtés des centres E.Leclerc dans une campagne de sensibilisation à la prévention solaire infantile.