Interview : et si l'on traitait l'anxiété par le sport ?

Les troubles anxieux sont rarement diagnostiqués en tant que tels pour la bonne et simple raison qu'ils se manifestent souvent sous la forme de pathologies organiques : le coeur s'emballe, le souffle se coupe, vertiges, crise de tétanie, nausées Le plus souvent, lorsque le patient se présente chez un médecin, ce dernier ne détecte aucun problème, le bilan de santé étant tout à fait satisfaisant. Le patient qui souffre réellement se sent alors démuni. Pour venir en aide à ces malades, les Cliniques universitaires Saint-Luc ont créé la Clinique des troubles anxieux, dont l'originalité réside dans son approche : la thérapie proposée allie le sport à la psychothérapie. Nous avons interrogé les Prs Luts et Nielens, respectivement psychiatre et médecin du sport, praticiens dans cette clinique novatrice.
e-sante : Quel est actuellement le traitement classique de l'anxiété ?
Pr Luts : Actuellement, l'anxiété est prise en charge soit par un traitement médicamenteux, soit par psychothérapie.
e-sante : Quelles sont les limites de cette prise en charge " classique " ?
Pr Luts : En ce qui concerne le traitement médicamenteux, s'il s'agit d'un traitement par tranquillisants, le risque de dépendance physique et psychique est très élevé. S'il s'agit d'un traitement par antidépresseurs, le taux de rechutes est important à l'arrêt du traitement.Quant à la psychothérapie, elle est difficile à entamer lorsque l'anxiété est massive ; en outre, ses résultats sont plus lents.
e-sante : Pourquoi introduire le sport comme élément de thérapie de l'anxiété ?
Pr Nielens : Car le sport, en particulier le sport d'endurance, a un effet anxiolytique connu. Ceci n'a rien de nouveau. Il a d'autres effets positifs sur le "moral" comme amélioration de l'estime de soi, effet antidépressif... Le modèle médical traditionnel privilégie trop et trop souvent le traitement par des moyens traditionnels (médications, psychothérapie) et, dans le cas de l'anxiété et de nombreuses autres affections, n'accorde pas suffisamment de place au traitement par l'exercice qui est pourtant un moyen simple et "naturel".Du reste le sport, ou l'activité physique, a de multiples autres répercussions positives sur l'organisme (effets métaboliques, effets cardiovasculaires, effets locomoteurs...). Bref, on n'est jamais perdant en faisant du sport pour peu que celui-ci soit adapté à l'individu et pratiqué de façon raisonnable (sans excès).Pr Luts : En conclusion, l'association de la psychothérapie, du sport et d'un traitement médicamenteux approprié donne des résultats rapides, efficaces, durables et sans danger.
e-sante : Existe-t-il des études prouvant l'intérêt du sport dans le traitement de l'anxiété ?
Pr Nielens : De nombreux articles scientifiques et autres traités évoquent et soulignent les effets bénéfiques potentiels d'une pratique régulière d'activité physique sur l'anxiété. Les références sont nombreuses.Notamment dans un ouvrage intitulé « exercise for prevention and traitement of illness » édité en 1994 (1), un chapitre entier rédigé par Benight C.C. et Taylor C.B est consacré au traitement de l'anxiété et de la dépression par l'exercice physique. Depuis, de nombreux auteurs se sont intéressés à cette problématique en conduisant parfois même des études très intéressantes sur l'animal (2). Une revue récente sur de la question souligne également l'intérêt de la pratique sportive pour diminuer l'anxiété, la dépression, améliorer l'estime de soi et les processus cognitifs (3).(1) Textebook « exercise for prevention and traitement of illness » édité en 1994 par Linn Goldberg et Diane L. Elliot chez F.A. Davis Company, Philadelphia.(2) Binder E. Et coll., Regular voluntary exercise reduces anxiety-related behaviour and impulsiveness in mice. Behav. Brain Res., 2004 Dec 6 ;155(2) : 197-206.(3) Callaghan P., Exercise: a neglected intervention in mental health care?, J. Psychiatr. Ment. Health. Nurs., 2004 Aug ;11(4) : 476-83.
Pr henri Nielens, médecin du sportPr Alain Luts, psychiatre
Pour en savoir plus : www.anxiete.info