Interview : comment vivre avec un malade d'Alzheimer ?

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 15/09/2004
Maj le
4 minutes
Autre
A l'occasion de la journée mondiale d'Alzheimer qui se déroulera le 21 septembre 2004, paraîtra un guide destiné aux familles et aidants qui accompagnent au quotidien une personne touchée par cette redoutable maladie. Intitulé « La maladie d'Alzheimer au jour le jour », cet ouvrage apporte des réponses claires et concrètes à chaque étape de cette épreuve. Les auteurs ont accepté de nous dévoiler quelques secrets très pratiques.

e-sante : Faut-il informer le malade de son diagnostic ?

Christian Dérouesné (1) : L'opinion de la majorité des professionnels ainsi que les dispositions légales sont en faveur de la communication du diagnostic au malade, sauf cas particuliers. Les raisons sont premièrement d'ordre éthique : le droit de savoir la vérité, le respect de la personne, et deuxièmement d'ordre technique : cette révélation permet au patient de comprendre ce qui lui arrive et de mieux gérer ses difficultés. D'autre part, éviter le mensonge facilite la communication entre patient-famille-médecin, donc la prise en charge thérapeutique. L'expérience montre que les craintes de nuire au patient en révélant le diagnostic (dépression, suicide) ne sont pas justifiées en pratique. En revanche, il faut respecter le droit de ne pas savoir, s'il est clairement formulé par le patient, ou en cas de déni de la maladie. Jacques Selmès (2) : Les aidants, les familles et les associations de familles souhaitent vivement que leur proche soit informé du diagnostic quand son état intellectuel lui permet encore de comprendre ce que signifie la maladie d'Alzheimer. En effet, le malade sera moins anxieux et angoissé s'il sait ce qui provoque ses pertes de mémoire et les modifications de sa conduite. De plus, la relation au jour le jour entre le malade et son soignant se déroulera dans un climat plus serein et plus confiant que celui d'une perpétuelle occultation de la vérité.

e-sante : Peut-on améliorer la communication ?

Christian Dérouesné : Le partage du diagnostic facilite grandement la communication qui peut également être améliorée en expliquant clairement la nature des difficultés du patient et en le conseillant pour mieux gérer la situation. Ceci reste vrai même lorsque les difficultés de langage sont importantes car la communication affective, non verbale, reste intacte.Jacques Selmès : Oui. L'aidant doit apprendre à formuler des questions simples, à donner des informations courtes et concrètes, à laisser au malade le temps de comprendre. Pour faciliter la communication entre lui et son malade, il doit aussi recourir aux formes de communication qui ne sont pas verbales : le dessin, les images, l'écrit et surtout les gestes qui inspirent confiance et soulignent les paroles, le toucher, l'expression du visage, le regard. L'aidant doit aussi apprendre à comprendre ce que veut transmettre son proche... pas seulement par le langage, mais aussi par ses réactions (agressivité, passivité, agitation...).

e-sante : Comment réduire les risques d'errance et de fugue ?

Christian Dérouesné : Un certain nombre de précautions permettent de réduire le risque de fugue. Mais le plus important est d'analyser les causes de la fugue pour prévenir la survenue de situations similaires.Jacques Selmès : Il existe un certain nombre de précautions : depuis le contrôle des issues (la porte du domicile), jusqu'à des systèmes électroniques plus sophistiqués qui préviennent quand le malade sort d'un périmètre défini. Il est aussi recommandé de faire porter au malade un élément d'identification qu'il ne puisse pas perdre.

e-sante : Comment réagir en cas d'idées de suicide ?

Christian Dérouesné : Les études montrent que, même si l'expression de désespoir ou les idées noires sont relativement fréquentes, les tentatives de suicide sont rares et les suicides réussis encore plus. Il est essentiel d'apprendre aux aidants à distinguer la simple expression d'idées noires et de sentiments dépressifs, très fréquents, des signes qui témoignent d'une dépression caractérisée, beaucoup plus rare, et qui nécessite une intervention médicale rapide.Jacques Selmès : Beaucoup de malades évoquent la mort qui leur paraît une meilleure condition que leur souffrance actuelle. Souvent, ces évocations traduisent un épisode dépressif. Bien que le passage à l'acte soit rare, il ne faut pas attendre pour en parler au médecin.

(1) Christian Dérouesné : professeur émérite à l'Université Paris-VI. Ancien chef de service de neurologie à l'hôpital de la Salpêtrière, son activité au cours de ses vingt dernières années a été principalement consacrée à la maladie d'Alzheimer et aux troubles associés au vieillissement cérébral. (2) Jacques Selmès : ancien interne des Hôpitaux de Paris. Il a été impliqué dans la création et le développement des associations de famille Alzheimer, en particulier en Europe. De 1996 à 2004, il a été successivement vice-président, puis président d'Alzheimer Europe.

« La maladie d'Alzheimer au jour le jour » de Jacques Selmès et Christian Dérouesné, aux éditions John Libbey Eurotext, est le premier guide d'une série qui aborde l'ensemble des aspects de l'Alzheimer. Les cinq autres guides, à parution ultérieure, développeront des points précis : « Gérer les modifications du comportement », « Les activités de loisirs », « Le guide pour l'aidant », « Affronter les diagnostics » et « Les 500 mots clés ».Pour commander, rendez-vous sur le site de l'éditeur John Libbey Eurotext : www.john-libbey-eurotext.fr.

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