Interview : Allergies, les connaître pour les combattre

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 19/03/2003
Maj le
5 minutes
Autre
L'allergie, cette maladie du siècle, reste mal connue malgré sa très grande fréquence. Afin de répondre aux nombreuses interrogations, de soulager les inquiétudes et les peurs, mais également de combattre et prévenir ces affections, le Dr Etienne Bidat* et Christelle Loigerot, présidente de l'AFPRAL**, ont réuni leurs expériences dans un ouvrage présenté sous la forme de 100 questions/réponses.

e-sante : Pensez-vous que nous soyons suffisamment informés sur ces maladies ? Si non, pourquoi et quelles en sont les conséquences ?

Dr Etienne Bidat : Bien sûr que non ! Et c'est une des raisons de ce livre. « L'allergologie a fait des progrès remarquables depuis les années 80. Or trop d'allergiques « vivent » encore mal leur affection. Les raisons sont bien sûr multiples.

L'allergie, surtout quand elle est familiale, est parfois vécue comme une calamité et une fatalité contre lesquelles on ne peut pas faire grand chose. Dans certains cas, seuls les symptômes gênants sont pris en compte et donc traités au coup par coup alors qu'aucun diagnostic précis n'a été porté, privant ainsi l'allergique de larges possibilités thérapeutiques. On prendra un médicament juste quand on tousse trop ou lorsqu'on respire trop mal, mais on ne cherchera pas la cause de cette toux, de ce nez bouché. L'enfant allergique et sa famille manquent parfois d'informations récentes sur les symptômes, leur évolution et la manière de les contrôler, alors que cette connaissance leur permettrait de bien comprendre et donc de mieux gérer la maladie. Les médicaments modernes parfaitement efficaces ne sont pas ou sont mal utilisés parce que le traitement n'est pas toujours totalement expliqué et donc compris par les familles. Les craintes concernant d'éventuels effets secondaires des médicaments, conduisent à éviter certains produits parfois essentiels. Trop souvent, l'enfant et sa famille vivent passivement cette allergie en espérant que cela va « passer en grandissant ».

Et pourtant, depuis les années 80, grâce aux progrès remarquables de l'allergologie et grâce à l'évolution de la prise en charge, l'enfant allergique peut et doit vivre comme tous les enfants de son âge. Ceci est possible avec quelques contraintes minimes. Première chose, un diagnostic précis doit être porté et un bilan simple est donc nécessaire. Ensuite, l'enfant et sa famille doivent connaître et comprendre la maladie allergique, ses symptômes, ses traitements éventuels. Mais ils doivent aussi recevoir des réponses à leurs interrogations et à leurs craintes. C'est en devenant acteurs de leur prise en charge que les enfants allergiques peuvent vivre comme tous les enfants de leur âge. Apprendre à bien collaborer avec son médecin est un investissement qui vaut largement la peine pour bien vivre aujourd'hui et demain avec son allergie. »

e-sante : Quels sont les derniers grands progrès en allergologie et particulièrement dans la prise en charge ?

Dr Etienne Bidat : voilà une question fréquemment posée. « Les recherches dans le domaine de l'allergie sont très nombreuses. Pour les années à venir, on peut attendre des progrès importants. Mais tous ces travaux ne seront utiles que si un diagnostic précis de l'allergie est posé. Or actuellement, les maladies allergiques sont diagnostiquées souvent tardivement. L'attente dans les nouveaux traitements est importante, et pourtant ceux actuellement disponibles sont sous utilisés, sous exploités. La plus grande découverte de ce siècle est probablement la prise de conscience chez les médecins que sans participation active de la personne allergique et de son entourage à la gestion et à la prévention de sa maladie, les traitements sont inutiles.

Les recherches ne seront utiles que si le diagnostic est fait !

Sans diagnostic précis, il ne peut pas y avoir de traitement adapté. L'asthme est un bon exemple du trop long délai entre le début des signes et la reconnaissance de la maladie. Toutes les études montrent que depuis plus de 25 ans l'asthme est toujours sous-estimé. En France, 32 à 49% des asthmes ne sont pas diagnostiqués. La conséquence est simple, des personnes asthmatiques ne sont pas traitées. Par ailleurs, quand les asthmatiques français sont diagnostiqués, ils sont souvent insuffisamment traités : 86,4% des asthmatiques à Paris et 66,7 % à Montpellier ne reçoivent pas un traitement adapté ; et parmi les asthmatiques les plus sévères 85% et 60% ne bénéficient pas d'un traitement anti-inflammatoire, dont l'efficacité est prouvée depuis de nombreuses années.

Un contrôle plus efficace de l'environnement

Une meilleure connaissance des allergènes à l'origine des manifestations et des découvertes nouvelles sur leur « comportement » permettent d'envisager dans le futur un environnement moins ou pas allergisant. Les literies seront conçues pour ne pas être rapidement envahies par les acariens. En dehors de toute polémique sur les organismes génétiquement modifiés, on peut imaginer des animaux de compagnie ne produisant plus d'allergènes. Les aliments allergisants seront remplacés par des organismes génétiquement modifiés qui n'entraîneront plus d'allergie. Ce qui peut paraître une fiction est déjà en partie réalisé : le riz, qui est à la base de l'alimentation d'une partie du monde, est parfois responsable d'allergies en Asie du Sud Est ; grâce aux organismes génétiquement modifiés, un riz non allergisant sera prochainement disponible.

La plus grande découverte du siècle " l'éducation "

Le monde médical est d'accord sur la nécessité d'apprendre à la personne asthmatique ou allergique à gérer correctement sa maladie. De nombreuses études montrent que les personnes qui ont été correctement informées sur les symptômes, sur la reconnaissance des signes annonciateurs d'une crise d'asthme par exemple, sur la manière de prendre les médicaments présentent moins d'incidents aigus, maîtrisent mieux la maladie, retardant ou évitant ainsi l'apparition de complications. Cette formation est indispensable pour tous les allergiques, elle sera d'autant plus poussée que les manifestations sont sévères. Des structures se mettent en place et le comportement des malades et médecins évolue, mais le chemin est encore long tant du côté médical que du côté des personnes allergiques. "

* Responsable de l'unité d'allergologie et de pneumologie du service de pédiatrie de l'hôpital Ambroise-Paré.** Présidente de l'AFPRAL (Association française pour la prévention des allergies).

Sources

" Les allergies de l'enfant. Les prévenir et les combattre ". Dr Etienne Bidat, Christelle Loigerot. Milan Editions, Du côté des parents. Prix éditeur 15 euros.

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