Hypersensibilité chimique multiple (MCS) : intolérance aux produits chimiques, vraie maladie

Publié par Laura Houeix
le 31/08/2014
Maj le
7 minutes
produit de nettoyage de maison sur la table en bois
Istock
L’hypersensibilité chimique multiple ou MCS en anglais (Multiple Chimical Sensitivity) est une maladie reconnue par l’OMS.
Pathologie chronique et invalidante, elle toucherait près de 10 % de la population française dont 3 % gravement atteints.
Une maladie encore peu connue en France et trop souvent confondue avec d’autres pathologies.

L'hypersensibilité chimique multiple ou MCS, c'est quoi ?

Déodorants, parfums, produits ménagers, lessive, alimentation..., autant de produits qui peuvent empoisonner le quotidien des personnes atteintes de MCS.

Une intolérance (ressemblant à une allergie) aux produits chimiques très peu connue en France et souvent confondue avec une allergie classique.

« L’intolérance peut se traduire sur trois plans, commente Célestine Delorghon, auteure du livre Produits chimiques : l’overdose. Par contact avec la peau, par inhalation ou par ingestion, comme avec l’alimentation. C’est aussi ce qui en fait une maladie difficile à détecter, de par la multitude de ses symptômes. »

La maladie peut toucher toutes les populations ; quelque soit l’âge, la classe socio-économique ou le sexe. Les femmes sont affectées dans des proportions plus importantes que les hommes, notamment en raison des hormones que leur corps produit.

Aujourd’hui en France, aucune prise en charge spécifique n’est proposée aux patients qui souffrent de MCS, même si la maladie commence à se faire connaître.

Hypersensibilité chimique multiple : des symptômes variés

« Pour ma part, les symptômes sont arrivés au fur et à mesure, sans que je ne puisse au départ faire de lien entre chacun d’entre eux, poursuit Célestine Delorghon. J’ai ressenti des douleurs musculaires, articulaires, des difficultés à respirer, une fatigue intense, le visage qui gonflait, je transpirais énormément la nuit, j’ai constaté des problèmes de mémoire importants. Tous ces symptômes je ne les avais plus quand j’étais chez moi. Et puis une année, la classe de l’école dans laquelle je travaillais a été repeinte et là ça a été la catastrophe.»

Souvent extrêmement sensibles aux odeurs, les personnes souffrant de MCS développent des pathologies néanmoins différentes.

« Il ne s’agit pas simplement d’une réaction aux odeurs, précise Catherine Lemasson, co-fondatrice de l’association SOS MCS. Bien souvent, les patients réagissent à des composés chimiques qui n’ont pas d’odeur. Des patients privés d’odorat deviennent également malades à la suite d’expositions à certains produits chimiques. L’odeur ne provoque pas simplement une gêne mais plutôt une sorte de brûlure de la sphère ORL.»

Les réactions MCS n’entrent pas dans ce schéma. Les traitements (et injections) contre les allergies n’ont donc souvent pas d’effet sur le MCS.

Une échelle de handicap pour les MCS

Les troubles peuvent être réellement handicapants au quotidien :

  • maux de tête,
  • fatigue,
  • vertiges,
  • difficultés respiratoires,
  • douleurs musculaires et articulaires,
  • perte de la coordination,
  • nausées,
  • vomissements,
  • diarrhées,
  • confusion mentale,
  • pertes de mémoire,
  • douleurs abdominales,
  • irritation (yeux, nez, oreilles, gorge, poumons et peau),
  • problèmes d’élocution,
  • modification de la pression sanguine,
  • perturbation du sommeil,
  • palpitations cardiaques,
  • problèmes de concentration.
Un test de dépistage mis en place aux USA, reconnu dans de très nombreux pays, et traduit en français, le QUEESI permet d’évaluer le degré d’atteinte en fonction des symptômes.

MCS, une réaction du corps

« Le MCS est une sorte de maladie intelligente, ironise Célestine Delorghon, le corps n’accepte pas ce qui est nocif pour lui et il le fait savoir. »

Tout commence par une phase de sensibilisation lors d’une exposition à un ou plusieurs produits chimiques. Il peut s’agir d’une seule et très forte exposition (dite aiguë) à une seule substance ou d’expositions répétées à de faibles concentrations de plusieurs substances chimiques (exposition chronique).

« Généralement, le corps a accumulé ces produits depuis l’enfance, explique Catherine Lemasson. Chaque organisme réagit différemment pour traiter ces produits toxiques. Chez les MCS il semblerait que les enzymes de détoxification qui se chargent normalement d’expulser ces produits toxiques, fonctionnent mal. »

Les produits chimiques initient un mécanisme biochimique dans le cerveau qui marque l’entrée dans un cercle vicieux. Les symptômes vont ensuite souvent en s’aggravant et l’organisme réagit à des concentrations de plus en plus faibles de substances chimiques de plus en plus nombreuses, dont certaines n’ont rien à voir avec celles responsables de la sensibilisation initiale. L’initiation de ces produits chimiques dans le syndrome MCS a été confirmée par une mise en évidence génétique. En effet, il a été démontré que 6 gènes influençant le métabolisme de ces produits chimiques influencent également la sensibilité aux MCS.

La sensibilité aux produits chimiques rend le quotidien difficile

La sensibilité aux produits chimiques des patients atteints de MCS est de l’ordre de 1000 fois plus importante que chez les personnes non atteintes. C’est donc tout un quotidien qu’il faut ré-organiser pour pouvoir vivre sans les effets toxiques des produits chimiques qui nous entourent. « Il faut d’abord repérer la source de la réaction, explique Célestine Delorghon. Par exemple, je ne peux pas feuilleter un magazine tout neuf, l’encre d’imprimerie et les traitements du papier me donnent des nausées terribles. J’ai donc pris l’habitude de les étendre à l’air libre avant de les lire. »

Pour les personnes les plus lourdement affectées, cela peut aller jusqu’à un arrêt de travail à long terme, une perte des interactions sociales à cause de l’incapacité à approcher des personnes portant des traces de shampoing, gel douche, produits cosmétiques ou lessive.

Pour les cas les plus extrêmes, l’isolement devient quasi-total : impossibilité de se rendre dans les infrastructures publiques (grandes surfaces, magasins, banques, mairies…) en raison des trop fortes agressions chimiques.

Quelle prise en charge pour les MCS ?

Quand une maladie n’est pas reconnue dans un pays, difficile d’attendre une prise en charge efficace.

« Trop souvent les médecins redirigent les personnes atteintes de MCS vers des psychologues en pensant qu’il s’agit de vues de l’esprit. Mais comme pour les personnes atteintes d’une pathologie grave, isolées et affaiblies, au bout d’un moment le moral commence à lâcher, ca ne fait pas pour autant des MCS des personnes dépressives », s’indigne Celestine Delorghon.

De nombreuses études montrent pourtant que le syndrome est très courant, plus encore que le diabète, ce qui représente un immense impact sur la santé publique, ainsi que d’énormes pertes économiques causées par la baisse de productivité. Aux États-Unis, environs 3,5 % de la population serait atteinte de la forme sévère de la maladie et 12 % à 25 % serait modérément affectée. Le Professeur américain Martin Pall, spécialiste de la maladie, a publié une étude sur le MCS et tente ainsi d’améliorer la prise en charge de cette nouvelle pathologie très liée à nos nouveaux modes de vie.

À ce jour, il n’existe pas de traitement pour guérir des MCS.

La seule solution est la suppression stricte des sources chimiques. Lorsque les patients MCS doivent se rendre dans des bâtiments publics, par exemple il est préférable qu’ils se couvrent la peau pour empêcher l’absorption et qu’ils portent des masques pour éviter l’inhalation de produits qui contribuent à la pollution de l’air intérieur : rafraîchisseurs d’air, produits de nettoyage et pesticides, qui peuvent profondément indisposer les patients MCS, voire provoquer des malaises.

*Pall 2009, www.tenthparadigm.org

Quels sont les principaux produits chimiques toxiques ?

Le professeur Martin Pall distingue sept catégories d’agents chimiques susceptibles de déclencher le MCS chez des personnes génétiquement prédisposées :

  • les solvants organiques volatiles,
  • le monoxyde de carbone,
  • le mercure,
  • l’hydrogène sulfuré,
  • et trois classes de pesticides (carbamates-organophosphorés, pyrèthrynoides, organochlorés).

L’hypersensibilité chimique multiple, une maladie du XXIe siècle

L’hypersensibilité chimique multiple (MCS) fut décrite dès les années cinquante par l’allergologue américain Theron G. Randolph, père de la médecine environnementale.

En 1987, le Dr Mark Cullen attribua au syndrome le nom de MCS (Multiple Chimical Sensitivity) et le définit comme « une affection acquise caractérisée par la répétition de symptômes touchant de multiples organes qui surviennent lors de l’exposition à diverses substances chimiques à des concentrations étant bien inférieures à celles connues pour entraîner des effets dans la population. »

Aujourd’hui, la maladie est répertoriée dans le système de classification international des maladies (CIM 10) de l’OMS.

Au même titre que le bisphénol A, aujourd’hui reconnu perturbateur endocrinien par les autorités publiques, le MCS montre l’impact, même à faible dose, des produits chimiques contenus dans notre environnement quotidien.

Je bouquine…

  • Produits chimiques : l’overdose

    de Célestine Delorghon, Éditions Mosaique, 14,90 €.

Je surfe sur…

  • http://www.sosmcs.org
  • http://droitsdesmalades.fr

Sources

"MCS : attention aux risques chimiques", un article du Magazine Côté Santé n°88 de juillet-août 2014

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