Grossesse : le réchauffement climatique augmente le risque de morbidité maternelle

Les étés sont de plus en plus chauds et les canicules de plus en plus longues. Quand les thermomètres s’affolent, les vagues de chaleur mettent à rude épreuve la santé de l’organisme, en particulier des populations les plus vulnérables comme les personnes âgées, les bébés, les enfants et les femmes enceintes. L’impact du réchauffement climatique sur ces dernières est l’objet de plus en plus d’études.
Chaleur et grossesse : un risque d’accouchement précoce
En 2019, par exemple, une étude parue dans Nature Climate Change a conclu que l’exposition aux fortes chaleurs était associée à des grossesses plus courtes chez les femmes américaines, et cette corrélation était encore plus observée chez les femmes issues de milieux modestes et vivant dans des régions peu habituées aux températures élevées.
Ce lien entre la chaleur et le risque de naissance précoce n’était pas clairement expliqué, les chercheurs émettant plusieurs conjectures comme un stress cardiovasculaire induit par la chaleur, le manque de sommeil ou encore une augmentation du taux d’ocytocine, l’hormone sécrétée lors de l’accouchement.
Quand les pics de chaleur mettent en danger les femmes enceintes
Si les conséquences de la dérégulation climatique influent sur la grossesse, les femmes enceintes ne seraient pas épargnées. Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Université de Californie, aidés par des homologues de Beijing (Chine) et du Kaiser Permanente Southern California (Etats-Unis) pointent du doigt un autre risque lié à la confrontation aux chaleurs extrêmes. Les femmes enceintes courraient un risque plus élevé de complications potentiellement mortelles pendant la grossesse et l’accouchement.
Pour arriver à ces conclusions, l’équipe sino-américaine a passé au tamis les données de 403 000 grossesses sur une longue période portant de 2008 à 2018, les scientifiques ont constaté que l’exposition aux fortes chaleurs était associée à un risque accru de morbidité maternelle sévère.
Pour leurs travaux, parus dans le Journal of the American Medical Association, les chercheurs ont examiné les données de température de la période étudiée.
Un risque accru de 27 % de morbidité maternelle grave
Ils ont ensuite utilisé la température maximale quotidienne pour calculer le nombre de jours de chaleur, auxquels les femmes enceintes ont été exposées tout au long de leur grossesse, en les répartissant par trimestre.
Leur analyse a permis de mettre en évidence une association significative entre l'exposition à court et à long terme (habituellement définie comme 30 jours ou plus) aux fortes chaleurs pendant la grossesse et la morbidité maternelle sévère. Plus précisément, la chaleur extrême augmentait de 27 % ce risque pendant toute la durée de la grossesse ou au cours du troisième trimestre de grossesse.
De plus, les fortes températures seraient délétères lors de la dernière semaine de gestation en exposant à un risque accru de complications mortelles à l'accouchement.
Un risque plus important chez les femmes enceintes au statut socio-économique modeste
Autre constat fait par les chercheurs, les femmes enceintes ayant un faible niveau d'éducation présentaient un risque plus élevé de morbidité maternelle grave liée à la chaleur. Une observation qui pourrait s’expliquer par une moindre prise de conscience du risque induit par la chaleur sur la grossesse, supposent les chercheurs.
La morbidité maternelle sévère est définie par l’Organisation mondiale de la Santé comme "la survenue, pendant la grossesse, l’accouchement ou dans les 42 jours suivant la délivrance, d’un état pathologique mettant en jeu le pronostic vital maternel mais avec survie de la patiente". Ces cas de mortalité maternelle évités de justesse englobent l’arrêt cardiaque, l’insuffisance cardiaque, la septicémie, l’hypertension artérielle pendant la grossesse (pré éclampsie, éclampsie).
Chaleur et grossesse : une relation à approfondir
"Notre observation de résultats de santé plus défavorables chez les femmes ayant un statut socio-économique inférieur peut refléter les impacts plus larges des problèmes d'injustice sociale persistants et omniprésents, y compris des niveaux d'exposition défavorables plus élevés, plus de facteurs de stress cumulatifs, plus de conditions de santé sous-jacentes, et le manque de ressources et d'opportunités parmi ces populations vulnérables", écrivent les chercheurs dans l’étude.
Cette étude apporte de nouvelles pistes de compréhension concernant l’impact du réchauffement climatique sur les femmes enceintes, qui devraient permettre d’œuvrer à des stratégies de prévention plus efficaces auprès du public concerné.
De leur côté, les chercheurs envisagent d’aller plus loin en étudiant dans de prochains travaux, les répercussions d’autres paramètres liés au changement climatique sur les femmes enceintes, telles que la fumée des feux de forêt.