Grippe aviaire : jusqu'où ira-t-elle ?

Les craintes concernant une possible contamination inter-humaine étant ravivée, l'OMS prie la communauté internationale de porter une attention toute particulière à cette épidémie qui pourrait prendre un tournant pandémique si le virus de la grippe aviaire (influenza A H5N1) venait à se combiner à celui de la grippe humaine (grippe commune influenza A H3N2). Dans ces conditions de projection catastrophique, puisque dix pays d'Asie sont déjà touchés, l'Australie pourrait être la prochaine victime avant de toucher probablement le monde entier (le nombre de victimes serait bien supérieur à celui provoqué par le SRAS).
Mais jusqu'à preuve du contraire, la grippe aviaire chez l'être humain ne se limite qu'aux personnes exposées par contact ou inhalation, aux fientes de volailles ou aux sécrétions de mucus des volailles ou des oiseaux. Ce qui explique la flambée épidémique en Asie, où la promiscuité homme/animal est forte.Soulignons qu'en Allemagne, la femme un temps soupçonnée d'avoir contracté la grippe aviaire lors d'un récent voyage en Thaïlande n'est en fait pas porteuse du germe mortel.
Quels sont les risques alimentaires ?
La baisse observée en France de la consommation de viande de poulet est un indicateur préoccupant de l'état de l'opinion. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) assure que le risque d'une contamination de l'homme par des viandes infectées doit être considérée comme faible, voire négligeable. A ce sujet, les propos de Philippe Vanier, directeur du laboratoire d'études et de recherches avicoles et porcines du Plougrangan en Côte-d'Armor, ont été récemment rapportés dans le Quotidien du médecin du 30 janvier : « le virus H5N1 se transmet en respirant dans les atmosphères contaminées. S'agissant de la viande d'un poulet infecté, elle est de toute manière visiblement atteinte avec des lésions hémorragiques. Quant bien même on la consommerait, les virus influenza aviaires ne résisteraient pas à une température de 60°C pendant cinq minutes. La cuisson détruit donc le virus. Et s'il existe des amateurs de tartare de poulet, là encore, pas de risque, car les virus seront détruits par le pH acide de l'estomac. Quant aux oeufs de poule, les résultats sont attendus, mais il n'y a aucune importation en France. »Quoi qu'il en soit, en critiquant le manque de transparence de la Thaïlande, la Commission européenne a décidé un embargo sur les volailles en provenance de ce pays, le seul à en exporter sur le marché européen.
Quel vaccin ?
Les industriels du médicament déclarent avoir livré gratuitement en Asie 220.000 doses de vaccin anti-grippe contre la grippe commune humaine en réponse à l'aide demandée par l'OMS. Ce vaccin n'est pas efficace contre la grippe aviaire, mais pourrait éviter les co-infections grippe commune-grippe aviaire, susceptibles de favoriser une humanisation du virus.Pour l'instant, il n'existe donc pas de vaccin contre ce nouveau virus, mais les recherches sont en cours et devraient prendre plusieurs mois. En effet, la mise au point classique des vaccins anti-grippe passe par des cultures d'oeufs de poule.
Or le virus H5N1 est particulièrement létal pour les embryons de poulet. Une nouvelle technique dite de génétique inverse doit donc être testée avant toute production vaccinale. Celle-ci consiste à fabriquer par génie génétique la souche semence directement en mettant bout à bout les gènes viraux les plus immunogènes. Toutefois, aucun vaccin mis au point avec cette technique n'a encore bénéficié de toutes les phases d'essai clinique humain. Parallèlement, cette technique bénéficie d'un brevet mondial déposé par une société américaine de biotechnologies, MedImmune, qui peut représenter un frein.
Quel traitement ?
Les antiviraux utilisés contre la grippe humaine ont été testés in vitro contre le virus H5N1. Celui-ci s'est révélé résistant aux deux antiviraux les moins onéreux (amantadine, rimantadine), mais sensibles aux antiviraux les plus, récents inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir - Tamiflu® et zanamivir- Relenza®). Les résultats de tests plus précis devraient bientôt être disponibles. Mais le problème se situe au niveau des stocks : ils sont limités et seraient largement insuffisants pour répondre à une demande pandémique.
Sur les traces du SRAS
L'OMS a accusé certains des pays touchés ou suspectés de l'être d'avoir caché la réalité de l'infection. Depuis, les autorités thaïlandaises ont reconnu être touchées par l'épidémie depuis le mois de novembre. Parallèlement, d'autres gouvernements ont cessé d'attribuer la mort de leurs poulets d'élevage au choléra ou à la maladie de Newcastle. Certaines informations font état de foyers épidémiques dès juillet au Vietnam. Aujourd'hui, de lourds soupçons pèsent sur la Chine, qui pourrait avoir caché la présence de l'épizootie sur son territoire depuis le premier trimestre 2003.
Recommandations
Pour l'instant, l'OMS ne préconise aucune limitation de déplacement dans les pays affectés par la grippe aviaire. Elle recommande cependant aux voyageurs d'éviter tout contact avec les volatiles, tout contact avec une surface apparaissant souillée par des fientes de volailles ou des déjections d'animaux, et de ne pas aller sur les marchés aux volailles ou aux oiseaux. Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France recommande également d'éviter tout contact avec les porcs vivants. En effet, on sait que les porcs peuvent développer des recombinaisons virales semblables à celles redoutées chez l'homme.Recommandations pays par pays : consultez la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site www.france.diplomatie.fr.
Quels sont les symptômes humains de la grippe aviaire ?
Les premiers symptômes sont ceux d'une grippe banale, mais les troubles respiratoires apparaissent très vite et peuvent conduire au décès.
Historique
La grippe a été décrite pour la première fois en 412 avant J.C. par Hippocrate. Contrairement à l'impact annuel récurrent des épidémies de grippe, les pandémies sont des catastrophes plus rares et imprévisibles ayant pour origine l'émergence d'un virus de la grippe tout à fait nouveau, c'est-à-dire contre lequel personne n'est naturellement immunisé. La première pandémie d'allure grippale identifiée remonte à 1580. Depuis, 31 pandémies ont été recensées, dont 4 au XXe siècle, dont la grippe Espagnole de 1918 à 1920, la grippe Asiatique en 1957 et la pandémie de Hong Kong en 1968. Depuis, deux nouveaux virus ont été découverts à Hong Kong : H5N1 en 1997 et H9N7 en 1999. Celui de 1997, particulièrement virulent et contagieux, s'était humanisé, contaminant 18 personnes dont 6 en sont décédées.
L'épidémie actuelle provient du même sous-type H5N1, mais il ne s'agit pas du même virus. Il est donc difficile d'extrapoler, d'autant plus que le virus actuel semble encore plus agressif.