Et si un bilan psychologique était utile à votre enfant ?

A la recherche d'une difficulté personnelle d'apprentissage
Hervé Glasel* précise que son étonnement de neuropsychologue a été de constater que très souvent, on mettait les troubles d'un enfant sur le compte de l'environnement familial : « il est jaloux de sa petite soeur » ou « c'est le divorce de ses parents qui le traumatise » ou « c'est le décès de son grand-père » sans se demander auparavant si l'enfant n'avait pas une difficulté personnelle d'apprentissage. C'est pourquoi, avant de trouver une explication toute faite, il est bon de chercher des réponses étayées.
Dans quelles circonstances décider de faire un bilan psychologique ?
Le plus souvent après 3 ans, mais dès que l'on repère des difficultés d'apprentissage : au niveau de la marche, du langage, de la motricité fine, du dessin, des traitements visuo-constructifs, situation dans laquelle l'enfant a du mal à construire un puzzle, à réaliser un jeu de construction, à s'intéresser aux jeux comme le Lego.Un peu plus tard, la maîtresse peut interpeller les parents et signaler que « quelque chose ne va pas ». Elle peut par exemple constater un retard de langage Il existe un moment où cela devient essentiel, c'est l'entrée au CP. Ce qu'il faut repérer et qui devrait inciter à un bilan psychologique, ce sont les difficultés dans les apprentissages fondamentaux : la lecture, l'écriture, le calcul. Il peut s'agir d'une lenteur, d'une difficulté à maîtriser la notion de nombre, d'une écriture très mal formée, ou d'une capacité d'attention qui semble insuffisante Un bilan psychologique devrait donc se faire après 3 ans, mais il est dommage d'attendre trop longtemps. Il est embêtant de patienter 10 ou 15 ans, car si l'enfant a des difficultés d'apprentissage, il aura déjà beaucoup souffert dans sa scolarité.Un point précis que souligne Hervé Glasel : « En tant que parent, il faut se faire confiance, car à cette place, on a souvent un oeil très fin sur ses enfants. Souvent, on sent que quelque chose ne vient pas, quelque chose paraît bizarre chez l'enfant, et là, il faut se faire confiance. On est souvent très pertinent comme parent pour sentir ce qui ne fonctionne pas. »
Un bilan psychologique, dans quel but ?
Tout d'abord, il s'agit de faire le point pour faire la part des choses entre ce qui ne fonctionne réellement pas bien, ce qui est en panne, et donc ce qui doit alerter et faire rechercher des solutions et puis ce qui est tout à fait normal et banal, qui relève des variations individuelles naturelles du développement de l'enfant. En effet, un enfant donné peut voir son développement se faire un peu plus lentement sur un point précis (motricité fine ou langage par exemple), sans que ce soit inquiétant. Le bilan va aussi définir les points forts et les points faibles de l'enfant. Il peut par exemple avoir une excellente mémoire, mais une motricité fine très difficile ou une très bonne aptitude à l'expression orale mais des difficultés de compréhension quand on lui parle Ce bilan sert bien sûr encore à trouver comment aider l'enfant qui présente des difficultés. Un enfant peut avoir besoin de rééducation, à savoir que la capacité déficitaire peut être stimulée pour l'aider à se développer. Peut-être qu'il aurait besoin de séances d'orthophonie dans un but précis. Ce bilan psychologique est alors très important. Car si l'on envoie un enfant faire de l'orthophonie sans diagnostic précis de ses difficultés, on peut ne pas parvenir à l'aider. En effet, une dyslexie peut correspondre à des troubles très divers comme un trouble de la mémoire de travail ou un trouble du regard Le bilan peut aussi préconiser une stratégie de contournement : on aidera alors l'enfant en s'appuyant sur ses points forts pour compenser ses points faibles. On pourra aussi réfléchir à la mise en place d'outils, en particulier informatisés.
Ce bilan psychologique, en quoi consiste-t-il exactement ?
La première phase, c'est un échange avec les parents sur l'histoire du développement de leur enfant. Elle dure 1 heure et demie et ils sont interrogés sur le déroulement de la grossesse, les premiers apprentissages de leur enfant La deuxième phase, c'est de passer au moins 2 fois 3 heures avec l'enfant, pour tester son fonctionnement cognitif. Cela dure assez longtemps, car on a besoin de tester de nombreuses fonctions neurologiques. Cela se met en oeuvre par la réalisation d'un grand nombre de petits exercices très différents les uns des autres. Nous testons la prise d'informations visuelles, la perception de la taille, la perception des orientations, l'oculomotricité. De même nous travaillons sur la motricité fine (automatisation de gestes rapides, séquences, précision, coordination...). Nous proposons des exercices mobilisant les praxies ou inscription des gestes intentionnels dans l'espace que l'on pourrait expliquer par : « j'ai un projet dans la tête, comment je fais pour le réaliser ». On teste aussi le langage dans son expression, mais aussi la réception, la compréhension, et cela se fait tant sur le langage écrit que sur le langage oral.Les tests concernent encore les différents systèmes de mémoire, de raisonnement, de planification, d'anticipation, les systèmes attentionnels (sur base visuelle ou auditivo-verbale).On peut ainsi, par exemple, repérer qu'un enfant comprend très bien un schéma, mais pas les explications. Un autre peut comprendre les explications en langage verbal mais ne pas comprendre le même schéma L'intérêt, c'est que l'on comprend ainsi les modes de fonctionnement privilégiés d'un enfant donné et que cela pourra l'aider dans ses apprentissages, dans sa scolarité et dans sa vie toute entière. La dernière phase du bilan psychologique, c'est l'analyse des résultats. Le neuropsychologue rédige un document d'une dizaine de pages pour expliquer les observations, les conclusions, les recommandations qu'il préconise pour l'enfant. Ce document est alors remis aux parents. Finalement, quand vous parlez de ce bilan, on se dit que même après 15 ans, même à l'âge adulte, on aimerait bien mieux se connaître de cette manière !C'est vrai que je reçois aussi des étudiants par exemple qui ne sont pas particulièrement en difficulté importante, mais qu'un bilan peut énormément aider. Ils découvrent qu'il existe une manière d'apprendre qui est bien plus efficace pour eux, plus rapide aussi. Et ils peuvent donc s'apercevoir qu'ils n'utilisaient pas la bonne manière d'apprendre. Et même plus tard, cela peut se révéler très intéressant de mieux se comprendre bien sûr.* Hervé Glasel est neuropsychologue spécialisé dans le développement de l'enfant. Il participe à des recherches fondamentales sur l'acquisition du langage. Il est aussi ancien élève de l'Ecole Polytechnique. Il consulte à Paris au centre Pluridis.