Enfants et adolescents : la vitamine D est à surveiller pour éviter le rachitisme !

Publié par Hélène Joubert
le 24/10/2016
Maj le
7 minutes
femme noire et petite fille souriante et montrant l'amour les uns aux autres
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Sans vitamine D, pas d’os robuste. Si le rachitisme a quasiment disparu en France, c’est grâce à la supplémentation en vitamine D des laits infantiles depuis 1992. Mais aussi -on l’oublie encore trop souvent- à la supplémentation systématique de tous les enfants de moins de 5 ans, sans oublier les adolescents de 10 à 18 ans !

Vitamine D

La vitamine D (calciférol) est synthétisée dans l’épiderme à partir d’une molécule, le 7-déhydrocholestérol, sous l’effet de rayons ultraviolets B (UVB). Mais la vitamine D peut aussi être fournie par l’alimentation, essentiellement des produits de la mer (poissons gras et crustacés).

Le lait de vache est une source de vitamine D uniquement lorsqu’il est artificiellement enrichi.

Pour être précis, il vaut mieux parler de cholécalciférol, ou vitamine D3, qui est la forme naturelle. C’est dans le foie que se produit la transformation de la vitamine D3 en une molécule exploitable par l’organisme pour fabriquer de l’os : le calcidiol.

Mais il se produit une autre transformation, cette fois-ci au niveau du rein. C’est la vitamine D2, cette fois, qui y acquiert les propriétés d’une hormone : elle régule les niveaux de phosphore et de calcium de l’organisme, essentiels à la minéralisation des os, c’est-à-dire pour qu’ils soient suffisamment calcifiés.

La bonne santé osseuse ne serait pas le seul intérêt de la vitamine D chez l’enfant. Des études évoquent un effet préventif de suppléments en vitamine D sur le diabète de type 1, les épisodes de sifflement expiratoire et les infections respiratoires aiguës. Néanmoins, les preuves manquent encore.

La vitamine D, efficace contre le rachitisme mais victime de son succès

En cas non pas de simple déficit mais de réelle carence en vitamine D, le risque de rachitisme (maladie de la croissance et de l’ossification avec un retard à la position assise et à la marche etc.) existe. Il est devenu exceptionnel en France, principalement grâce à l’enrichissement des préparations pour nourrissons et de suite (ex-2ème âge, de plus de 4 mois jusqu'à 1 an), au début des années 90. Mais la supplémentation en vitamine D est victime de son succès : les recommandations officielles sont insuffisamment appliquées depuis la quasi-disparition du rachitisme carentiel. En 2005, 53,4% des enfants français âgés de 18 mois à 5 ans ne bénéficiaient pas de la supplémentation hivernale recommandée (5).

Pr Dominique Turck, chef de service de gastroentérologie pédiatrique à l'Hôpital Jeanne de Flandre (Lille) : « Le rachitisme reste très rare chez l’adolescent (1) avec plusieurs dizaines de cas en France, surtout chez des adolescentes à forte pigmentation cutanée et/ou porteuses de vêtements très couvrants, alors qu’il n’existe plus chez le jeune enfant au-delà de l’âge de 2 ans. Mais l’arrêt de la supplémentation systématique expose au risque de rachitisme carentiel (2-3), ce qui a été constaté dans plusieurs pays (Etats Unis) ».

L’exposition suffisante aux rayons du soleil est d’une quinzaine de minutes.

Un déficit en vitamine D est habituel en hiver en Europe, où tous les pays sont situés au-delà de 35° de latitude Nord. En France métropolitaine, qui est comprise entre 42° et 51° de latitude Nord, la photosynthèse par la peau de vitamine D s’effondre pendant 4 à 6 mois, de novembre à février-mars, les rayons du soleil étant trop tangentiels pour traverser la couche d’ozone. C’est notamment pourquoi de nombreux adolescents ont en hiver une concentration en vitamine D insuffisante.

Nourrisson, enfant ou adolescent… à chacun sa dose de vitamine D

Les ampoules de vitamine D ont remplacé l’historique huile de foie de morue. Elles sont délivrées sur prescription médicale. Elles contiennent de la vitamine D3 naturelle, obtenue à partir de la graisse de la laine de mouton (lanoline). Les recommandations françaises ont été formulées par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (4) :

  • Nourrissons (0-18 mois inclus) : La supplémentation en vitamine D est systématique et quotidienne jusqu’à l’âge de 18 mois. Elle est de 1000 à 1200 UI/j (unités internationales par jour) chez les nourrissons recevant un lait de vache non enrichi en vitamine D et ceux qui sont allaités en raison de la faible teneur en vitamine D du lait de femme. Pour ceux qui reçoivent un lait enrichi en vitamine D, le complément est de 600 à 800 UI/j.
  • Enfants de 19 mois à 5 ans : Ils doivent tous sans distinction recevoir deux doses de 80 000 ou 100 000 UI, l’une en novembre, l’autre en février.
  • Enfants et adolescents de 10 à 18 ans : deux doses de 80 000 ou 100 000 UI, l’une en novembre, l’autre en février, jusqu’à la fin de la croissance.

Il n’y a aucun risque de surdosage si l’on suit ces consignes.

Pr Turck : « Plutôt que deux fois par an, il peut être justifié, après étude au cas par cas, de poursuivre la supplémentation toute l’année chez l’enfant de 1 à 5 ans et chez l’adolescent, et de la maintenir entre 5 et 10 ans en présence d’un risque particulier : forte pigmentation cutanée, absence d’exposition au soleil estival, affection dermatologique empêchant cette exposition, port de vêtements très couvrants en période estivale, malabsorption digestive, cholestase/anomalie de l’écoulement de la bile, insuffisance rénale, syndrome néphrotique/fonctionnement anormal du rein, certains traitements comme l’antibiotique rifampicine et les traitements antiépileptiques phénobarbital et phénytoïne, régime végétalien ».

Déficit en vitamine D, quelles sont les normes ?

Pour bien comprendre les analyses effectuées en laboratoire : concernant la vitamine D, que l’on soit enfant ou adulte, la norme de « 25-hydroxy-vitamine D » utilisée par de nombreux laboratoires d’analyses médicales est 30 ng/mL. Or, les effets délétères sur la minéralisation osseuse ne s’observent avec certitude qu’en dessous de 20 ng/mL. C’est pourquoi, la norme chez l’enfant est d’atteindre au moins 20 ng/mL (ou 50 nmol/L).

Pr Turck : « Avec les déficits en vitamine D, se fier aux signes cliniques c’est arriver trop tard, au stade de rachitisme. C’est pourquoi tout enfant en dessous des normes de 25-hydroxy-vitamine D doit être supplémenté ; une supplémentation qui doit être d’ailleurs systématique, sauf entre 5 et 10 ans par manque de données dans cette tranche d’âges.

La réalisation d’un dosage en 25-hydroxy-vitamine D est réservée aux enfants souffrant de pathologies chroniques pouvant interférer avec l’apport en vitamine D (absence d’exposition au soleil, malabsorption de la vitamine D, cholestase, insuffisance pancréatique). Entre l’âge de 5 et 10 ans, plus que des signes cliniques, ce serait plutôt un mode de vie particulier qui pourrait alerter à propos d’un déficit : consommation quasi nulle de produits laitiers, faible exposition à l’ensoleillement ».

Régime Vegan et risque de déficit en vitamine D

Le régime végétarien et le régime sans lait ne posent pas de problème particulier à condition d’être vigilant. En règle générale, les enfants qui suivent ce type de régime reçoivent un peu plus de vitamine D. Pas d’inquiétude si ces enfants consomment du lait enrichi en vitamine D. On peut conseiller un bilan biologique au moins annuel avec taux de la 25 (OH) D s’ils ne reçoivent pas de supplémentation en vitamine D.

En revanche, le risque de déficit et de rachitisme est nettement plus préoccupant en cas de végétalisme (le lait, les produits laitiers et les œufs sont supprimés, en plus d’un régime végétarien). Dans ce cas, une supplémentation en vitamine B12, en calcium, en vitamine D et un bilan biologique annuel s’impose (même nutriments, fer).

Certaines habitudes nutritionnelles, sans être des régimes à part entière, peuvent être sources de déficits. C’est le cas des "jus" (châtaignes, soja, amandes, coco, avoine, épeautre…) vendus sous l’appellation erronée de "laits végétaux" donnés en substitution du lait de vache. Ils font des dégâts chez les nourrissons et petits enfants car totalement inadaptés sur le plan nutritionnel : apport énergétique insuffisant, trop peu de protéines et de lipides. Les hospitalisations dans un état sévère suite à la consommation au long cours de ces jus ne sont pas rares avec, concernant la vitamine D, des taux très effondrés et un risque fort de rachitisme et de retard de croissance.

Sources

(1) Arch Pédiatr 2004;11:871-8; (2) J Pediatr 2000;137:153-7; (3) Am J Clin Nutr 2004;80 (Suppl 6):1697-705; (4) La Vitamine D : une vitamine toujours d'actualité chez l'enfant et l'adolescent. Mise au point par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie Archives de Pédiatrie 2012 ; (5) Communication orale (O.55). Congrès de la Société Française de Pédiatrie, Marseille, 11-14 mai 2011 ; (6) Avis de l’Efsa

D’après un entretien avec le Pr Dominique Turck, chef de service de gastroentérologie pédiatrique à l'Hôpital Jeanne de Flandre (Lille), membre du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie

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