Enfant : quand son corps vous parle.

Publié par Dorothée Blancheton
le 5/03/2007
Maj le
4 minutes
Autre
À travers leur corps, nos enfants parlent, expriment leurs inquiétudes, leur mal-être. Dans son dernier livre, Sophie Marinopoulos, psychologue clinicienne et psychanalyste, nous apprend à décrypter ce langage secret qu'il convient "d'apprendre à écouter". Entretien.

PsychoEnfants : Pourquoi avez-vous écrit ce livre, Le corps bavard ?

Sophie Marinopoulos : Parce que, jusqu'ici, peu de spécialistes ont communiqué sur ce sujet : le corps, les non-dits du corps, ses paroles, son langage. Les parents manquent de repères pour comprendre comment un enfant grandit psychiquement et de quoi il a besoin pour que cette croissance psychique se déroule sans heurts.

PE : Qu'est-ce qu'un corps bavard ?

S.M. : C'est un corps qui cherche à dire ce qui ne peut s'exprimer par des mots. Lorsqu'on ressent une émotion intense, une forte angoisse, à ce moment là, il peut y avoir une sidération, un silence. Le corps pourra alors traduire cette souffrance lancinante de maintes façons. Il cherchera à dire l'état d'esprit dans lequel est la personne.

PE : Comment ce corps bavard s'exprime-t-il ?

S.M. : Il peut se manifester par des maux de ventre, de dos, des problèmes de peau ou bien des problèmes comportementaux. Un enfant anxieux n'exprimera pas forcément son malaise oralement, il adoptera parfois un comportement anormal : il pourra être violent, insolent, opposant pour dire son mal-être.

PE : Comment décrypter un comportement atypique ?

S.M. : Les parents doivent essayer d'analyser ce qui pousse l'enfant à agir ainsi. Ce qui provoque ces réactions brusques ou ces éveils nocturnes. Parfois s'y jouent les angoisses de l'enfant comme celles de ses parents. Je me souviens d'une mère qui tentait de comprendre les éveils répétés de son fils. Quand je lui ai demandé : «S'il ne se réveillait plus, que feriez-vous ? », elle m'a répondu : « Je me lèverais toutes les trois minutes pour voir s'il va bien.» Tellement réceptifs à l'angoisse de leur mère, certains petits se réveillent pour la rassurer.

PE : Le corps peut-il dire le contraire des mots ?

S.M. : *Absolument. Certains enfants cherchent l'affection un peu brusquement, tout en affirmant "non, je ne veux pas de câlins ». Un corps parle de l'intimité de la personne, de la façon dont celle-ci interprète le monde qui l'entoure. Le corps est le révélateur de notre construction psychique, l'expression des expériences et des traces laissées sur nous.

PE : Quelles traces un enfant garde-t-il de ses premiers contacts ?

S.M. : Il en conserve « des traces mnésiques » inscrites dans son corps et qui appartiennent à son bagage inconscient. Une mère qui câline, caresse son enfant, va lui dire "tu es important", " tu as de la valeur". D'une manière générale, les premiers corps à corps, les soins reçus (caresses, mots, attention, présence, reconnaissance), leur qualité contribuent à construire la psyché, à faire naître la pensée.

PE : Et le sentiment d'être aimé ?

S.M. : En effet. Ces soins reçus dès notre plus jeune âge permettent la construction de notre état de bien-être appelé narcissisme, de notre valeur en tant que personne. Beaucoup d'adultes n'ont pas d'estime d'eux-mêmes et ne prennent pas soin d'eux. Cela renseigne sur la manière dont ils ont été investis précocement.

PE : Pensez-vous - contrairement à Françoise Dolto - que le trop-plein de paroles peut également nuire au développement de l'enfant ?

S.M. : Dans son livre "Tout est langage", Françoise Dolto a voulu rendre accessible la psychanalyse et nous révéler que l'enfant est un grand communicant. Il n'a de cesse de nous dire des choses avec son corps. Elle ne voulait pas dire qu'il fallait l'abreuver de paroles mais que tout ce qu'il faisait avait du sens. L'enfant vit les mots et les maux dans sa chair. En lui parlant trop, ses parents peuvent provoquer chez lui un repli.

PE : Un enfant dont les parents ne sont pas tactiles est-il plus exposé à la souffrance psychologique qu'un autre ?

S.M. : S'il y a quand même de la chaleur dans la relation, que les parents lui accordent une place à part entière en lui parlant, il n'y a pas de problème. L'enfant compose avec les parents dont il dispose. En revanche, si les échanges verbaux et l'ensemble desrelations sont faits de froideur, on peut s'interroger sur les répercussions et incidences psychologiques.A lire : Le corps bavard. Sophie Marinopoulos. Aux éditions Fayard

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